Entretien avec Yvan Junior AKEH, jeune écrivain camerounais
«[..] Nous pouvons naviguer vers toutes les émotions que nous ressentons juste à travers quelques vers»
Yvan Junior AKEH est né à Yaoundé au Cameroun en 1997 il est un étudiant en littérature et civilisations africaines à l’université de Yaoundé I. Passionné de littérature, son amour pour les lettres l’a conduit à réaliser sa toute première œuvre intitulée Mélancolie. Dans cette interview, il nous plonge dans l’univers de son ouvrage et bien d’autres.
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Nous sommes ravis de vous recevoir pour échanger autour de votre passion pour les lettres. Pouvez-vous vous présenter davantage à nos lecteurs ?
YJA : Je me nomme Yvan Junior Akeh, camerounais d’origine, je suis l’auteur de l’œuvre Mélancolie parue aux Editions du Printemps, au Bénin et je suis un jeune passionné de littérature, plus particulièrement de poésie, mais aussi de théâtre. Mis à part cette passion des lettres, je suis aussi un grand fan de course automobile, plus précisément de la Formule 1 depuis ma tendre jeunesse. J’aime le Tennis, le Football, la musique et le voyage.
Vous avez publié votre premier livre, un recueil de poème intitulé Mélancolie en Avril 2023 chez « Les éditions du printemps » au Bénin. Que faut-il retenir de cette œuvre ?
YJA : Parlant de mon œuvre, nous pouvons retenir qu’à travers elle, j’ai fait le tour des émotions et des thèmes que nous rencontrons d’une manière permanente durant cette vie en me mettant souvent dans les yeux des hommes et du monde, à travers : L’amour, la tristesse, la souffrance, la mort, la maladie, le pardon, le bonheur, la joie, l’allégresse, la paix, la cupidité, le temps, la loyauté, l’amitié, la trahison, le mépris, les volontés humaines, la vie, les arts, la beauté de la nature, la destruction, les reconnaissances (aux figures marquantes que nous devrions prendre en modèles pour « que nos combats soient éternels » comme dans mes poèmes Par-delà tous les âges et Que ton combat soit éternel).
A la page 15 du livre vous avez “vu couler des yeux du monde Le chagrin et la souffrance”. De quel monde rêve le poète que vous êtes ?
YJA : Le poète que je suis rêve d’un monde où la haine n’a pas sa place, un monde où la race ne compte pas, un monde sans racisme, sans stigmatisation, un monde sans distinction de classe ; comme dans mon poème intitulé Léopold Sédar Senghor, un monde où la seule religion c’est la fraternité, cette fraternité qui nous conduira à manifester plus d’humanité envers la souffrance d’autrui et être plus attentifs à protéger ce monde qui tombera en lambeau si nous continuons à cultiver la haine au quotidien.
Les Vies des noirs comptent, Black Lives Matter
Pour leurs exploits surhumains
Leurs combats pour un meilleur lendemain
Sache Monde que les Vies des noirs comptent
Loin des épopées et au-delà de tous les contes
Ces noirs dont le sang fut versé
Leurs rêves et leurs ambitions brisés
Ecoute Monde l’appel de la lumière
Leurs cris et leurs louanges qui coulent comme une rivière
Pour se déverser dans le fleuve de leur grandeur
A la mesure de tout leur labeur
Sache Monde que les Vies des noirs comptent
Loin d’être ce bétail que chaque soir on compte
Vies de lumières et de grandeur
Vies d’amour et de chaleur
De potentiels et de courage
En leur détermination se déverse leur rage
Reconnais les qualités des Vies des noirs
O toi Monde qui les laisses souvent tapis dans le noir
Dissipe leurs peurs par cette lumière
Que tu feras rayonner au-delà des millénaires
p.113, Mélancolie, Poésie, Yvan Junior AKEH, Les Editions du Printemps, 2023
Dans votre poème “Les vies des noirs comptent, BLACKS LIVES MATTER”, vous défendez ce mouvement politique né en 2013 aux États-Unis au sein de la communauté afro-américaine. Pourquoi ce choix alors que vous vivez au Cameroun ?
YJA : J’ai tourné mon regard sur le mouvement politique ‘’Black Lives Matter’’ car c’est un mouvement qui interpelle toute la communauté noire du monde. Même si je suis Camerounais, voir un noir souffrir à travers le monde me fait énormément de peines, et d’une certaine manière je vois ces souffrances et ces pages noires de la colonisation et de l’esclavage qui s’ouvrent différemment et remuent le couteau dans la plaie que cette période tragique de l’histoire a engendré en moi.
Vous lancez un appel au Monde dans ce texte sur les exploits surhumains des noirs. Ces derniers sont marginalisés à travers le monde et même sur leur propre continent, à qui la faute ? Pensez-vous que les noirs apportent autant ou plus au monde que le reste de l’humanité ?
YJA : Je pense que la faute revient au noir lui-même car souvent comme nous le disons tous en Afrique, « l’ennemi ne vient jamais de loin » et nous manquons encore de ce savoir vivre-là qui nous permet d’apprécier notre frère à sa juste valeur tout en le soutenant et l’accompagnant dans ses projets au lieu de chercher à le détruire. Je pense que le noir apporte autant à l’humanité que le reste du monde. Nous pouvons citer en exemple Katherine Johnson qui a contribué à la réussite de la mission spatiale Apollo, Nelson Mandela qui a montré au monde ce qu’est le pardon, Harriet Tubman qu’on a nommé la Moise Noire pour avoir délivré les noirs qui étaient réduits à l’esclavage et j’en passe…
Dans vos poèmes vous faites preuve d’une rigueur littéraire avec des vers bien rimés et bien rythmés. Qui lisez-vous ?
YJA : On me rappelle bien souvent ce caractère cru avec lequel je m’exprime et pour l’avoir j’ai dû avant tout m’inspirer de la vie car elle est la plus enseignante au regard des expériences que de nombreuses personnes ont tiré d’elle. Je lis énormément, mais deux livres m’ont particulièrement marqué, à savoir Le Prince de Machiavel et Les Confessions de Rousseau.
Quel est le regard que vous portez sur la condition des noirs dans l’histoire et dans la réalité aujourd’hui en tant qu’étudiant en littérature et civilisations africaines et poète ?
YJA : Lorsque je me plonge dans l’histoire à travers des œuvres telles que Douze ans d’esclavage de Solomon Northup je me rends compte que le noir était simplement considéré comme un animal réduit à lui-même, mais pas comme d’un être humain qui devrait jouir de tout ce que cette vie avait à lui offrir comme opportunité tout en étant libre. Dans la réalité d’aujourd’hui, l’homme noir jouit d’une certaine aisance et reconnaissance de son potentiel que lui accordent le monde et les hommes malgré que subsiste encore légèrement le racisme à travers certains endroits du monde.
La poésie est quoi selon vous ?
YJA : Selon moi, la poésie est l’expression de nos sentiments les plus crus, les plus tendres, les forts ; par elle, nous pouvons naviguer vers toutes les émotions que nous ressentons juste à travers quelques vers.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières lors de l’édition de votre livre ? Si oui, quel effet cela a-t-il eu sur vous en tant qu’écrivain ?
YJA : Les seules difficultés que j’ai rencontrées étaient celles du choix d’une maison d’édition, mais durant mon processus d’édition, je n’ai pas rencontré de réelles difficultés.
Un mot sur le processus d’édition de votre livre ?
YJA : Durant mon processus d’édition j’ai aimé l’attention portée par mon éditeur et mon correcteur car nous échangions aisément sur mes différents textes afin de mieux les comprendre.
Comment arrivez-vous à concilier études et passion pour l’écriture des livres ?
YJA : Mes études comme mes activités ont leur place, mais ma passion de l’écriture en a une plus grande car j’ai toujours le temps de noter la moindre pensée qui surgira en mon esprit peu importe ce que je fais et avec qui je suis et d’ailleurs, je me demande souvent comment je ferai de la petite idée qui surgira en moi si je suis dans un échange avec une haute personnalité.
Quelle analyse faites-vous du marché du livre au Cameroun avec la floraison des auteurs et des maisons d’édition ?
YJA : Je pense que le marché du livre au Cameroun grandit chaque jour qui passe car les personnes de tout âge s’intéressent déjà bien plus à la lecture et que d’ici quelques temps avec la floraison nouvelle d’auteurs qui s’accroît chaque jour, nous gagnerons bien plus le cœur des camerounais par une confiance qu’ils mettront plus en leurs auteurs.
Pensez-vous que l’écrivain aujourd’hui jouit-il des mêmes privilèges intellectuels que ses aînés ?
YJA : Je pense que l’écrivain aujourd’hui ne jouit pas des mêmes privilèges que ses aînés car ils ont déjà une certaine manière de penser qui leur est propre et que ces aînés devraient nous attirer vers eux afin que nous puissions nous aussi, profiter de ces avantages dont ils jouissent.
Comment est né votre amour pour la littérature ?
YJA : Ma passion de l’écriture est née de la lecture à la fois des bandes dessinées, mais aussi des romans.
Depuis quand avez-vous commencé à écrire ?
YJA : J’écris depuis 2015.
Quels sont vos autres projets d’écriture ?
YJA : Présentement, je suis entrain de parachever ma deuxième œuvre qui portera plus sur le théâtre.
Où trouver vos livres ?
YJA : Mes livres sont disponibles au Bénin, pour cela les Editions du Printemps sont ceux à contacter et au Cameroun où les lecteurs pourront se rapprocher du directeur éditorial des Editions du Printemps.
Un mot pour conclure !
YJA : Pour conclure, je dirai avant tout que Mélancolie est un recueil où je n’ai pas mis l’accent sur mes émotions personnelles, mais sur ce que les hommes des quatre coins du monde peuvent ressentir sans distinction de race ou de couleur. Un recueil où tout le monde se reconnaîtra et où verra comme le souvenir d’une personne qui s’en est allée lui revenir comme d’une salutation depuis l’au-delà ; et ensuite, je vous dis merci pour ce bel entretien.
Merci à vous !
Que ton combat soit éternel
Pour ce futur meilleur auquel tu crois
Cette détermination à laquelle tu vous une grande foi
Bats-toi de toutes tes forces pour graver tes lettres
Pour garder éternelle cette énergie qui émane de ton être
Que de tous les jours de ta vie tes combats
Nourris soient-ils d’un énorme cosmos comme si demain tu t’en iras
Brûle ta haine par ta détermination
Ton esprit atteindra les sommets par une illumination
Bats-toi jusqu’à ce que ce soit éternel
Que ton combat soit éternel
Souvenez-vous hommes de cette résilience acharnée
Murie des efforts de ce divin être incarné
Tout échec doit t’aider à gravir cette montagne
Ta détermination doit être chaque jour ta compagne
Pour des générations durant tu demeureras un symbole
Tels ces dieux dont on a fait des idoles
Cours aussi vite que l’éclair
Nage jusqu’au plus profond de la mer
Saute jusqu’à la mesure du soleil
Et que ton combat demeure la plus grande merveille
Bats-toi jusqu’à ce que ce soit éternel
Que ton combat soit éternel
En toutes tes actions visent la perfection
Et que ton triomphe te couronne symbole de milliers de générations
Hisses-toi au sommet par ton labeur
Même si tu la crois peu ta valeur
Bats-toi et vise toujours plus haut
Vas jusqu’à la lune et hisse ton drapeau
Pour ce futur meilleur auquel tu crois
Cette détermination à laquelle tu voues une grande foi
Que des générations futures retracent ton chemin
Par ce flambeau que tu as gardé grandissant entre tes mains
p.105-106, Mélancolie, Poésie, Yvan Junior AKEH, Les Editions du Printemps, 2023
Propos recueillis par Ruth AMOUSSOUGA
Ruth AMOUSSOUGA est titulaire d’une licence en journalisme obtenue à l’école nationale des sciences et techniques de l’information et de la communication (ENSTIC) à l’UAC. Originaire d’Abomey, elle est née un 21 avril à Cotonou. Ruth AMOUSSOUGA est une grande passionnée du journalisme.
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