Dans un style simple et émouvant, Scholastique Mukasonga nous invite à travers son roman La femme aux pieds nus, à explorer l’histoire de Stefania, sa mère mais aussi celle du génocide rwandais. Publié aux Éditions Gallimard en 2008, Scholastique Mukasonga retrace sur 170 pages l’histoire de sa mère, et celles de tous les Tutsi. Que devient la vie, lorsqu’on est obligé de fuir la terre qui vous a vu naître ?
Présentation de l’ouvrage La femme aux pieds nus de Scholastique Mukasonga
Le roman, La femme aux pieds nus de Scholastique Mukasonga se présente sur un fond blanc. À la première de couverture figure le nom de l’auteur, le titre de l’ouvrage puis une image à l’arrière plan noir. Celle-ci présente une femme noire, la main au menton et le regard lointain.
On retrouve au bas de cette première de couverture dans l’angle gauche, la maison d’édition. Sur la quatrième de couverture figure en premier le nom de l’auteur suivi du titre de l’œuvre puis un bref résumé. À travers l’image de la première de couverture, et même à partir du titre on peut penser à une histoire qui retrace le parcours d’une femme, d’un peuple.
Résumé du roman la femme aux pieds nus de Scholastique Mukasonga
Stefania la mère de l’auteur, comme elle le dit elle-même fait partie des Mères bienfaisantes, des Mères bienveillantes, des gardiennes de la vie… Stefania est une femme brave prête à tout pour le bonheur de ses enfants, de sa famille et celui de son entourage. Elle est la mère de Umubyeyi, Uwamubyirura et Mukasonga, ainsi que d’autres enfants.
Les affres du conflit Tutsi et Hutu
Vivant à Nyamata avec sa famille, elle a subi les affres du conflit qui opposait les Tutsi et les Hutu. Elle et sa famille étaient Tutsi. Avec une force d’esprit et une vive intelligence, elle parvenait toujours à mettre ses enfants hors d’atteinte avant chaque attaque militaire.
Stefania, comme toute bonne mère initiait ses filles aux travaux champêtres car disait-elle : << A quoi sert une femme qui ne sait pas faire le champ ? >>. Son époux fait partie des notables du village et occupait une place importante dans la communauté ecclésiastique. Stefania se préoccupait de l’avenir de ses enfants en cette période de conflit.
Ses garçons, Antoine et André étudiaient en ville et ne revenaient que pendant les weekends. La vie devenait de plus en plus difficile pour la famille mais grâce à Stefania, la famille ne manquait de rien. Elle construisait des cachettes pour ses filles au cas où il y aurait des attaques.
Mukasonga à l’école coloniale
Elle envoya finalement Mukasonga à l’école coloniale et elle poursuivra ses études au lycée de Kigali. Celle-ci revenait souvent avec du pain car cela n’était pas disponible à Gitaga. Stefania était réputée pour sa sagesse à Nyamata. Elle était celle qui décidait des filles qu’on pouvait envoyer en mariage.
Malheureusement, elle n’a pu trouver une épouse pour son fils qu’après de longues investigations. Stefania était une vraie croyante. Elle croyait en Dieu mais aussi au Ryangombe, les Esprits. Stefania était également une grande guérisseuse mais malheureusement elle perdit la plupart de ses feuilles médicinales quand elle et sa famille fuirent les Hutus pour l’exil à Gitaga.
Leur vie n’a pas été facile parce que loin de leur terre natale, ils perdirent la plupart de leurs biens. Surtout les bœufs dont le lait était vraiment important pour la famille. Malgré les épreuves et les conséquences des conflits, le peuple Tutsi était aussi soudé que jamais. Leur relation était fondée sur l’entraide et la vie communautaire.
Analyse et critique du roman la femme aux pieds nus
Scholastique Mukasonga à travers l’histoire de Stefania sa mère, nous amène à voir la force des femmes notamment des mères. Ces dernières sont prêtes à tout pour voir le sourire de leurs enfants. Dans cet ouvrage impressionnant, réaliste et autobiographique, l’auteur nous dévoile son histoire mais aussi celle de tout le peuple rwandais.
Le portrait de la mère
À la lecture de cette œuvre, le lecteur est stupéfait devant la force incroyable que dégage cette » femme aux pieds nus » qui illustre toutes les mères. Scholastique Mukasonga nous permet à travers cette œuvre, d’avoir une image de ce à quoi peut ressembler la douleur d’une mère, l’agonie de toute une famille exilée.
Le portrait que nous fait l’auteur de sa mère, témoigne de tout l’amour et la gratitude qu’elle éprouve pour une femme pareille. Le personnage de Stefania nous apprend un peu plus sur la rigueur et le dévouement à la tâche d’une mère. Une rigueur sans pareille qu’illustre les propos de Stefania à la page 48 de l’œuvre lorsqu’elle dit :
<< c’est une honte que le soleil puisse trouver une mère de famille au lit.>>
L’influence de la mère sur ses filles
À travers l’histoire de sa mère, l’auteur nous montre également l’influence que peut avoir une mère sur ses filles. Autrement dit, elle nous montre dans le personnage de Stefania sa mère, le rôle capital que joue une mère dans l’éducation de sa fille. Une mère, c’est celle qui donne le bon exemple, celle qui dit des vérités de manière très banale.
L’auteur rapporte elle-même les propos que lui a adressé sa mère lors des travaux champêtres à la page 54 de l’œuvre :
<< Eh toi, Mukasonga, me disait-elle sans se détourner, tu n’as pas encore à te plaindre, attends pour souffrir de tenir la houe avec un bébé dans le dos.>>
L’auteur cherche surtout à montrer que malgré l’analphabétisme, le manque de diplômes, de nos mères, elles sont aussi brillantes et intelligentes. Cette sagesse de nos mères, comme le dit l’auteur, provient des ancêtres. Les ancêtres qui ne lèguent ou ne dévoilent des secrets à l’enfant sage. Ou plutôt comme on le dit en langue fon :
<< l’enfant qui sait se laver les mains, peut manger avec les adultes.>>
Le lien qui relie la femme aux grands esprits
Le personnage de Stefania illustre également l’attachement ou du moins le lien qui relie la femme aux grands esprits. Mieux on voit à travers la mère de l’auteur, l’indomptable foi des femmes. Cela peut se lire dans l’appel de Stefania, appelant au secours les esprits à la page 76 de l’ouvrage :
<< Ryangombe rya rya data! Ryangombe rya data! Ryangombe, le dieu de nos pères.>>
Il faut également dire que l’auteur nous donne la preuve de l’immensité, de la grandeur de l’amour d’une mère. Il parle surtout de son courage et de ses espérances quand il s’agit de ses enfants. Scholastique Mukasonga nous montre qu’une mère n’abandonne jamais, elle est prête à tout pour voir les tiens heureux.
Elle le montre si bien à la page 127 lorsqu’elle dit :
<< Maman ne se décourageait jamais. Elle avait un fils à marier et une vache pour la dot. Elle se remit à la recherche d’une fiancée pour Antoine. >>
La femme socle de tout progrès : sa voix compte
La femme est importante dans toutes les institutions, et sa voix compte. Scholastique Mukasonga nous exhorte à remettre la femme sur le piédestal qui lui revient de droit. L’auteur nous montre que la femme est le socle de tout progrès, qu’elle est indispensable pour la survie et le progrès de tout projet.
Et que les femmes jouent un rôle, pas des moindre dans la société. On en trouve l’illustration à la page 148 :
<< Aux femmes revenaient l’éducation, la santé, l’économie, les stratégies matrimoniales… Chacune avait droit à la parole, aussi longtemps qu’elle le voulait, il n’y avait personne pour l’interrompre.>>
On trouve également dans cette illustration l’affirmation de la liberté d’expression des femmes : les femmes doivent être écoutées.
Les différentes parties du livre La femme aux pieds nus
L’ouvrage est composé d’une bibliographie de l’auteur, d’une dédicace, une brève introduction. Il renferme dix chapitres, une expérience de l’auteur puis enfin d’un sommaire. L’ouvrage est écrit dans un style réaliste, simple, souple et accessible à tous. L’usage correct de la langue française, des subtilités langagières ainsi que l’art narratif illustrent le génie de l’auteur.
L’auteur à travers l’histoire de sa mère, permet au lecteur de reconnaître, de voir la valeur d’une mère. Mais n’empêche pas le lecteur de sourire quand même face aux stratèges, d’une mère. Il faut ensuite dire que l’ouvrage permet au lecteur de faire un plongeon dans les pérégrinations qu’a connues les familles Tutsis lors du conflit Hutus-Tutsis au Rwanda.
On retrouve également dans l’ouvrage, la forte influence du catholicisme sur le peuple rwandais. Par exemple, l’attribution des noms chrétiens, être chrétien catholique avant d’aller à l’école et autres. En plus, l’ouvrage permet au lecteur d’enrichir sa culture générale et littéraire et surtout de découvrir les merveilleuses expressions de la langue rwandaise.
Ce qui peut perturber le lecteur à la lecture de cette oeuvre
Toutefois, on relève quelques scènes de violences (l’arrivée des militaires, le viol des filles…) qui peuvent choquer la sensibilité des jeunes lecteurs. Il y a également la description de certains traitements à appliquer aux nouveaux nés. Il s’agit notamment de celle qui consiste à aspirer les vermifuges des fesses des bébés. Cette description peut donner du dégoût, ou amener le lecteur à mal se sentir.
On retient de cette lecture que les femmes sont importantes et qu’elles jouent un rôle important dans la société. Elles sont des << gardiennes du feu>> mais aussi les << Mères-Courage >> du monde. Il faut également retenir que le génocide rwandais a eu de multiples conséquences surtout sur les familles rwandaises et sur le monde entier.
Quelques adages ou paroles de sagesse tirés du roman de Scholastique Mukasonga
– << L’eau purifie tout. >> p165
– << Quand tu marches, c’est à ton coeur qu’il faut s’adresser, c’est lui qui répand la lumière dans tout le corps.>> p73
– << Jamais une bonne mère de famille ne rechignait devant le travail, si pénible fut-il.>> p121
Bref aperçu sur l’auteur Scholastique Mukasonga
Scholastique Mukasonga, née au Rwanda, vit et travaille en Basse-Normandie. Son premier ouvrage Iyenzi ou les cafards, a obtenu la reconnaissance de la critique et a touché un large public.
Le deuxième, La femme aux pieds nus, a remporté le prix Seligmann 2008 << contre le racisme, l’injustice et l’intolérance>>, le troisième, L’Iguifou, a été couronné par le prix Renaissance de la nouvelle 2011, et le quatrième, Notre-Dame du Nil, par le prix Renaudot 2012.
Régis Mahougnon HANTAN est poète, écrivain, slameur, musicien et chroniqueur à L’ivre Du Livre. Il est philosophe de formation à l’UAC (Université d’Abomey-Calavi).
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