Komi Ezin est un acteur culturel béninois et membre du réseau des promoteurs des festivals du livre de l’Afrique de l’Ouest. Il est écrivain et directeur culturel et artistique du Festival International du Livre et des Arts assimilés du Bénin (FILAB) 2023. Il vous parle ici de cet événement qui réunira du 10 au 12 août 2023 au Bénin plus de 25 pays.
LDL : (Civilités) Komi EZIN, en tant que Directeur Culturel et Artistique du Festival International du Livre et des Arts assimilés du Bénin, on pourrait peut-être parler du FILAB et des objectifs qu’il poursuit ?
Le Festival International du livre et des Arts assimilés du Bénin est un événement prioritaire et majeur qui a pour objectifs de célébrer la culture et de positionner le livre dans l’aire culturelle béninoise et africaine comme une entité fondamentale à l’harmonie sociale et au développement de notre société. Il s’agit de montrer le bien fondé du livre, de la lecture, de promouvoir l’identité culturelle à travers le livre et nos arts.
Il s’agira spécialement de :
- Permettre aux auteurs et artistes Béninois et Africains d’avoir un espace commun d’expression autour du livre et des arts ;
- Valoriser l’expression originale des langues nationales ;
- Préserver des repères identitaires des valeurs culturelles du Bénin ;
- Améliorer la maîtrise de la langue française à l’oral et à l’écrit ;
- Promouvoir les œuvres littéraires africaines et béninoises.
LDL : Qu’est-ce qui motive et inspire une telle initiative culturelle et en quoi fera-t-il rayonner l’image du Bénin à travers le monde ?
Ma motivation et mon inspiration viennent des faits remarquables, des constats amers. C’est qu’au Bénin et en Afrique en général, l’avènement des TIC a mis en mal l’engouement de la jeunesse à s’intéresser au livre, à la lecture et particulièrement aux arts et cinéma. Cette situation a perduré dans le temps si bien que le livre en particulier est délaissé par la majorité écrasante de la nouvelle génération. Alors que le livre et la lecture jouent un rôle majeur dans l’acquisition du savoir et l’équilibre de la société. Le livre permet à la personne qui la lit, d’approfondir ses connaissances dans beaucoup de domaines, de maîtriser l’expression écrite et orale. Il nous aide à améliorer notre vocabulaire, et aussi notre syntaxe. Ainsi, la lecture pour l’ancienne génération était un socle de sagesse, de distraction qui accroît leur bagage intellectuel malgré l’inexistence des bibliothèques. Ce qui a fait d’eux des grands écrivains, des grands professeurs d’université et des grands orateurs. Aujourd’hui, l’existence en grand nombre de bibliothèques remplies d’ouvrages d’auteurs africains et surtout béninois peut aider la jeunesse à mieux faire son époque.
Avec l’existence des réseaux sociaux tels que Whatsapp, Facebook et autres nous assistons avec amertume au brassage des lettres et des chiffres dans les écrits, les mots sont coupés. On assiste à une jeunesse, appelée génération tête baissée. Les jeunes apprenants préfèrent de loin, l’image au livre, ne lisent plus, ce qui impacte négativement leur capacité d’expression avec un français diarrhéique, grave. Il est impossible aujourd’hui à la jeunesse de faire une phrase correcte. Les jeunes ne maîtrisent plus la conjugaison et les règles grammaticales. Les raisons profondes de cette ‘’crise de la lecture’’ sont à chercher dans l’environnement scolaire et même estudiantin, bref au niveau de la jeunesse. Il urge que les jeunes apprenants aiment véritablement à écrire, à lire en s’inspirant de l’histoire du passé. Car l’histoire d’un peuple contribue à la construction et au développement de son pays ; l’incompréhension du présent tient fatalement de l’ignorance du passé et l’ignorance du passé affaiblit le citoyen, la société et la démocratie. Ce phénomène mérite une attention particulière. Sinon :
- Comment faire rêver une jeunesse en grande partie analphabète ?
- Comment faire aimer la lecture à celui qui ne sait même pas écrire son nom ?
- Comment inciter à la créativité langagière et cognitive ?
- Que peut-on faire pour une jeunesse alphabétisée mais peu intéressée à la lecture ?
Autant d’interrogations qui suscitent vraiment réflexion et une prise de conscience pour relever le défi qui est le nôtre.
Cette attitude n’est pas de nature à permettre de faire rêver, d’embarquer la jeunesse vers l’aventure, d’éradiquer complètement l’analphabétisme mais plutôt de permettre l’enracinement de la médiocrité.
Pour redorer le blason et conscient de ce phénomène de ‘’désamour’’ entre jeunesse, le livre et la lecture, il a été créé pour la première édition un FESTIVAL INTERNATIONAL DU LIVRE ET ARTS ASSIMILÉS DU BÉNIN en abrégé (FILAB) placé sous le thème ‘’le livre, une arme pour l’équilibre social et la conscientisation de la jeunesse à travers lequel il pense aider la jeunesse à s’intéresser, s’amouracher des livres.
Tout ceci permettra de faire rayonner le Bénin et de lui faire renaître sa place du quartier Latin d’Afrique.
LDL : Différentes activités sont au programme pour cette première édition du FILAB, dites-nous l’intérêt de celles-ci ?
KE : Oui plusieurs activités vont meubler cette première édition qui va faire participer une kyrielle des acteurs de la chaîne du livre et des arts qui viendront des quatre coins du monde. A travers ces activités ,chaque acteur trouvera son compte et se verra impliqué dans l’organisation de ce festival.
LDL : Quelles catégories de personnes sont invitées à participer à cet événement d’envergure ? Quels sont vos objectifs en termes de public et de participants ?
KE : A ce festival, toutes les couches sociales sont invitées à participer. Hormis les acteurs de la chaîne du livre et des arts, toutes les populations béninoises et africaines sont concernées, enfants, jeunes et adultes. On a tendance à comprendre que souvent les festivals sont réservés ou dédiés à une catégorie de personnes données surtout celle d’intellectuels. J’espère qu’à cette première édition, il y aura la masse populaire qui sera là et assez d’invités internationaux d’au moins vingt-cinq pays d’Afrique ,d’Europe, d’Amérique et d’Asie qui ont déjà confirmé leur présence.
LDL : Quel est le message que vous souhaitez véhiculer à travers le FILAB en termes de promotion du livre et des arts assimilés au Bénin et en Afrique ?
KE : Le message que je voudrais faire passer à travers le FILAB en terme de la promotion du livre est d’amener la jeunesse à s’intéresser au livre, à nos dirigeants d’accorder une importance à la promotion du livre et des auteurs car lorsqu’il s’agit d’un événement autre que le livre , il y a plus d’engouement à accompagner les promoteurs. De façon générale, la culture est laissée pour compte au Bénin et en Afrique alors que la base de développement d’un pays réside de la promotion de sa culture.
LDL : Comment le FILAB contribue-t-il à la mise en valeur du patrimoine livresque et artistique du Bénin et de l’Afrique en général ?
KE : Le FILAB contribue dans la mise en valeur du patrimoine livresque et artistique en faisant révéler de nouveaux talents d’auteurs et d’artistes Béninois et Africains en faisant la promotion du livre et des arts. Le FILAB contribue également à valoriser et préserver des repères identitaires des valeurs culturelles du Bénin et de l’Afrique en général.
LDL : Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés pour l’organisation du FILAB et comment les dépassez-vous ?
KE : Quant aux défis auxquels nous sommes confrontés, je vous dirai en terme clair que la majorité des festivals organisés en Afrique ne sont malheureusement pas accompagnés par nos États, ce qui met souvent en difficulté les promoteurs , alors que lesdits festivals vont dans l’intérêt même de leur pays, de leur image de marque et de la promotion de leur culture et de l’Afrique en général. Hélas, les structures étatiques qui devraient accompagner les promoteurs des événements littéraires et artistiques promettent toujours de les accompagner et au finish les promoteurs se retrouvent bredouilles , seuls face à eux-mêmes. Ce sont souvent quelques rares structures , soit des personnes privées et de bonne volonté qui offrent un accompagnement pour l’organisation des festivals en Afrique dans la majorité des cas ou alors ce sont les promoteurs eux-mêmes qui sacrifient leurs économies pour la réussite des événements culturels qu’ils ont décidé de mettre sur pied, par patriotisme et par passion de l’écriture afin de valoriser les écrits des auteurs nationaux et africains, et aussi pour réécrire l’histoire de leur pays et de leur continent autrement. Cela n’est pas sans risque des réprimandes des proches qui ne comprennent pas souvent la motivation de ces promoteurs qui se ruinent au profit de leur patrie, alors que c’est du ressort des États.
Mais ces promoteurs ont compris que l’État, c’est tout un chacun, qui doit contribuer au développement ou au progrès de son pays, dans quel domaine que ce soit. C’est leur contribution , toutefois les ministères de tutelle doivent faire leur part, car il y a toujours des fonds alloués par les États pour soutenir les activités culturelles.
LDL : Comment envisagez-vous l’avenir du FILAB après cette première édition ? Avez-vous des projets ou des initiatives en cours pour pérenniser cet événement culturel d’envergure internationale ?
KE : Après cette première Édition, nous avons beaucoup de projets pour pérenniser le FILAB. Cependant, nous ne pouvons pas tendre toujours la main aux partenaires, sponsors et mécènes pour pouvoir organiser les prochaines éditions, nous continuons à croire que le ministère de tutelle pourra nous accompagner pour les prochaines éditions et assumer ses responsabilités en honorant ses promesses.
LDL : Un mot sur l’équipe qui vous accompagne dans l’accomplissement de cette initiative ?
KE : J’avoue que l’équipe qui m’accompagne dans l’organisation de ce festival est très dynamique. Une équipe à plusieurs compétences dans presque tous les domaines, ce qui facilite une meilleure répartition des tâches.
LDL : Quel message pour tous ceux qui souhaitent participer au FILAB et soutenir cet événement exceptionnel ?
KE : Je voudrais lancer un appel vibrant particulièrement à nos dirigeants, à toutes les personnes de bonne volonté à nous soutenir de quelque manière que ce soit pour la réussite des festivals littéraires et culturels car comme je l’ai dit plus haut, cela y va dans l’intérêt, de l’image de marque et de la promotion de la culture de chaque pays respectif et africaine en général.
LDL : Un mot pour terminer cet entretien
KE : Mon mot de fin va à l’endroit de toutes les populations béninoises et africaines à accompagner le festival chacun selon ses moyens et à y participer massivement.
Merci à vous
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