Proche du pouvoir politique au Bénin au cours de la première décennie des années 2000, Tiburce Adagbè retrace dans ce mémoire le visage des hommes ayant prédestiné aux destins de son pays. Journaliste et homme de main de l’ancien président de la république du Bénin, ce jeune féru de la lecture est resté dans les secrets de l’élection de Yayi Boni en 2006. Une élection dont il parle avec ardeur et précision des premiers courants, des premières certitudes mais aussi des premiers apprentissages et de ses premières lectures de la vie politique sous les tropiques.
Dans son mémoire du Chaudron, il fait quasiment le bilan des deux règnes du buffle de Tchaourou. Porté par un courant fort et une personne ancrée dans les arcanes de la vie politique : Patrice Talon, l’élection de 2006 était presque gagnée d’avance pour le buffle de Tchaourou. Sans l’homme d’affaires, mieux sans son apport financier et son réseau d’amis, il serait difficile voire impossible à Yayi de briguer la magistrature suprême.
Pour montrer le pouvoir de Patrice TALON, celui financier, à l’élection d’un président l’auteur souligne : Même si l’argent ne crée pas un courant de sympathie durable en politique, son rôle y est fondamental, qu’en manquer à certaines étapes d’une aventure de pouvoir peut se révéler plus ou moins, une faute mortelle. Il en sera encore ainsi aussi longtemps que vivra notre système politique actuel avec l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. La femme la plus vertueuse du monde se méfiera toujours effectivement des avances d’un gueux p.183
Si la conquête du pouvoir en 2006 a été plus ou moins facile pour Yayi Boni, les 5 années de son mandat n’ont pas été forcément des plus reluisantes. Faudra-t-il le rappeler, le président Yayi Boni était avant son ascension au pouvoir un homme de Dieu, un pasteur et c’est d’ailleurs l’un des facteurs propulsant. Pour ce faire, il fondait toute sa foi sur Dieu et la Bible. Ce qu’il ne voit pas forcément, est qu’on ne peut gérer l’appareil de l’Etat avec des principes moraux rigides. p.229. Il faut apprendre à jouer avec les mœurs et faire des compromis. C’est malheureusement la dure réalité de la politique partout sous les cieux.
Un président de la République ne peut ou ne doit pas être un homme comme les autres. il ne peut et ne doit pas être un homme ordinaire. p.350 Il ne peut qu’être un homme providentiel 380…. Et cela, Yayi Boni l’était vraiment. Il avait su mieux que ces challengers de l’époque faire un meilleur dosage de sa personne et était dans une certaine mesure conscient de son pouvoir. Un mauvais dosage de votre image par rapport à votre appartenance socio-ethnique et géographique pourrait vous exclure définitivement du fauteuil présidentiel faisant allusion au président Bruno AMOUSSOU dans le Couffo qui avait tout pour se hisser à la magistrature suprême.
Tiburce Adagbé à travers son livre fait revisiter les trois années qui ont précédé l’élection de 2006. Il expose aux lecteurs dans les moindres détails les tournées effectuées dans le pays depuis 2003 assis à côté de Yayi Boni traversant le pays et discutant des questions fondamentales du pays. Il était stupéfait par la charge de travail de Yayi Boni qu’il qualifera d’ailleurs d’un acte de vengeance au vu de son vécu. Mais Yayi n’était pas un suicidaire. il ne réglait ses comptes que lorsqu’il se retrouve en possession de force. p 494
Toute l’énergie et tout le sacrifice du jeune président de la BCEAO sont-ils à la base de son ascension à la magistrature suprême et à la base de ses exploits durant cette mandature ? Peut-être ! Toujours est-il que : l’énergie, l’engagement et la fougue, note l’auteur, sont parfois si peu de choses dans l’établissement de votre leadership sur un groupe humain. Le recul, la lucidité et la réflexion froide vous installent plus durablement aux manettes. p.420
Au-délà de tout l’aura dont il bénéficie la manière dont le président Yayi Boni s’est présenté aux béninois et à son entourage immédiat ont été déterminant dans son ascension au pouvoir. La façon dont on vous perçoit est importante que ce que vous êtes… paraître sans jamais être vous fera gravir les échelons et vous ouvrira plus rapidement les portes que tout autre leçon d’éthique et de morale. p420-421
Dans son mémoire, Tiburce est arrivé à certaines conclusions sur Yayi Boni. Pour avoir côtoyé l’homme pendant des années en tant que président de la Bceao, candidat aux élections présidentielles et président de la république, il semble avoir une certaine lecture de lui. Yayi et Talon étant restés très proches pendant des années et l’auteur les ayant vu fonctionner ensemble et séparément conclu : Sur certains points précis, Yayi et Talon ne sont pas si contraire qu’ils en donnent l’air. p.242 ce sont tous deux des hommes de pouvoir.
Tiburce a passé une bonne partie de sa vie à Parakou. Il parle d’ailleurs couramment Dendi pour avoir grandi dans les quartiers chauds et populeux de la métropole Nord du Pays. C’est dans cette ville qu’il a formé ses premières armes, c’est là qu’il a développé son amour pour la culture, la lecture et l’envie continue d’apprendre. Je devais lire pour vivre ma liberté p.356 écrira-t-il pour marquer définitivement son amour pour les livres.
A travers son mémoire, il fait revisiter ce qu’était sa famille, son père, sa mère et son rapport avec leur environnement immédiat. Si Tiburce à bien des traits de sa mère, rassembleuse, c’est plutôt dans les empreintes du Père qu’il était condamné à passer, Tolidji (dans les empreintes du Père) p.386.
Il était d’ailleurs à Parakou entre 1963 et 1970 où la chasse aux fons battait son plein. Une chasse qui s’est apaisée mais qui refit brusquement surface le 27 mars 1991 à l’issue des élections présidentielles ayant porté Nicéphore Soglo au pouvoir.…La xénophobie, le régionalisme et l’ethnocentrisme comme instrument de conquête et de conservation du pouvoir politique, c’est avant tout une caractéristique des leaders faibles et sans envergure. p.257 et l’auteur prend un engagement ‘’Si je devais faire un jour un vrai combat politique, ça devait forcément être pour le vivre ensemble l’acceptation des différences comme richesse et non comme instrument politique” p.257
Lors de son périple sur le territoire national du Bénin, Tiburce est tombé follement amoureux (380 – 386 pour l’amour) du paysage de son pays. Ce qui lui fait dire que les béninois doivent chercher d’abord à découvrir les profondeurs et les richesses culturelles de leur pays avant de vouloir s’envoler pour d’autres cieux. Il a été à Dassa, cette ville dont 1000 cartes postales ne pourrait rendre compte de toute la poésie. p.443 Lors de son séjour dans l’Atacora Tel un poème sans mot, une symphonie silencieuse Natitingou me paraissait toujours attendre son poète et son maître de cœur. p.495
Mais pour que les béninoise aiment leur pays, cela passe par l’éducation. Car la réputation qu’ils (jeunes lecteurs béninois) bâtiront aujourd’hui sur les bancs de collège ou d’université ne se corrigera plus. p.455. Il est donc important de leur faire lire des œuvres intéressantes et de leur inculquer les valeurs cardinales du vivre ensemble.
Le livre Mémoire du chaudron de Tiburce Adagbè est une mine d’or que tout béninois intéressé par la politique ou non doit lire. C’est sans doute l’un des ouvrages qui plongent le mieux au cœur des tractations politiques au Bénin. Un livre écrit par un passionné de lecture et de son pays, un homme soif du progrès de sa nation.
Au-delà d’un simple ramassé de feuillet, les 100 feuillets du mémoire vous plongent aux cœurs d’une aventure fascinante où chaque mot, chaque phrase, chaque paragraphe, chaque chapitre a du sens. Sans être forcément reliés, les différents chapitres sont quasiment indissociables. Ouvrage à lire et à relire. Une place dans vos bibliothèques.
Mémoire en 100 feuillet (Ma Viewpoint)
Le refus de Yayi Boni ou sa peur de se rendre à Abomey pour les campagnes, son refus d’affranchir le territoire du Couffo, ses chances à Ouidah du fait de son alliance… L’imposition de Guidibi Edgard par son père, le silence de Yayi face aux injustices subit par Tiburce cet allié des premières heures…, le dévouement de Charles TOKO aux côtés de Yayi grâce à Talon.., sont des aspects qui ont impacté durablement les deux mandats de Yayi Boni à la tête du Bénin et ont affaibli son autorité politique. Les meetings pré-campagne…, les meetings de campagne…, l’innovation dans la communication pendant ces élections…, les actes très très peu orthodoxes des concurrents et les multiples réunions qui se sont suivies… sont les principaux facteurs d’une ascension du buffle de Tchaourou à la magistrature suprême. En parcourant les lignes de ce livre, le lecteur se rend compte de ces aspects et est en mesure de tirer les conclusions adéquates selon sa compréhension et ses connaissances.