Le dramaturge congolais Israël Nzila, 31 ans, a remporté le Prix Théâtre RFI 2025 dimanche 28 septembre, lors du Festival des Francophonies à Limoges. Sa pièce Clipping, récit bouleversant porté par une écriture poétique et une langue singulière, a conquis un jury qui a salué à l’unanimité « une œuvre d’une puissance rare, où la fragilité des corps et la force des mots se rencontrent ».

Une voix singulière qui bouscule
Choisi parmi 143 textes issus de 22 pays, Clipping raconte l’histoire de Do, une femme survivante, perdue entre souvenirs traumatiques et réalités déformées. Alors qu’elle affirme avoir perdu son enfant au marché, elle se retrouve accusée de vol de bébé et jetée en prison. Dès lors, le temps se brouille, les identités se multiplient, et les voix résonnent comme une partition saturée, à la frontière du réel et du cauchemar.
Le titre, en anglais, intrigue. « Clipping, c’est un terme emprunté aux ingénieurs du son, explique Israël Nzila. Il désigne la saturation sonore quand on dépasse le volume normal. Cette dislocation, ce dérèglement, c’est aussi l’image de mon écriture : une langue rythmée, musicale, parfois chaotique, comme les corps détruits par la guerre. »
Un théâtre habité par la musique et la guerre
Né à Kinshasa en 1994, Israël Nzila vit à Lubumbashi, où il a étudié les lettres et la civilisation françaises. Marqué par l’omniprésence de la musique congolaise et par les échos des guerres à l’est du pays, il construit une écriture faite de ruptures, de sonorités dissonantes et de fulgurances poétiques.
« Je n’ai pas grandi dans une zone de guerre, mais les massacres, les mutilations, tout ce qui se passe à l’Est nous atteint. Ces récits font partie de nous. J’écris parce que je suis habité par ces histoires depuis mon enfance. »
Un parcours déjà remarqué
Clipping n’est pas son premier coup d’éclat. En 2024, sa pièce Silence avait été finaliste du Prix Théâtre RFI et lauréate du Prix des Récréâtrales au Burkina Faso. Avec ce nouveau texte, Israël Nzila s’impose comme l’une des voix les plus prometteuses du théâtre francophone africain.
Au-delà de la scène, il s’exprime aussi par l’image : ses photographies, qu’il partage sur les réseaux sociaux, témoignent de la même quête d’esthétique et d’espérance. « Être Congolais, c’est vivre dans des situations inacceptables, mais c’est aussi garder toujours l’espoir. »
Une consécration
Après Amadou Lamine Sall (2018) ou Paul Dakeyo (2022), Israël Nzila entre à son tour dans le cercle prestigieux des lauréats qui perpétuent la mémoire du poète Tchicaya U Tam’si, auquel le prix rend hommage depuis 1988.
Avec Clipping, il offre une œuvre puissante, qui donne voix aux survivantes et rappelle, dans une langue à la fois saturée et poétique, que même dans le chaos, l’espérance demeure.