Interview avec Catherine Le Pelletier, autrice de « Damas, le scintillement des larmes » publié chez une voix une histoire
Interview avec Catherine Le Pelletier, autrice de « Damas, le scintillement des larmes » publié chez une voix une histoire

Interview avec Catherine Le Pelletier, autrice de « Damas, le scintillement des larmes » publié chez une voix une histoire

Catherine LEPELLETIER (CL) est journaliste et écrivaine Guyanaise. Elle est l’autrice de l’audiobook “Damas, le scintillement des larmes” publié chez une voix une histoire. Dans ce livre, elle retrace à travers le regard d’un personnage fictif “Mamoune” la vie d’un homme politique important “Léon Gontran Damas” qui fut également poète. Cette femme de lettre est notre invitée cette semaine. 

Interview avec Catherine Le Pelletier, autrice de "Damas, le scintillement des larmes" publié chez une voix une histoire

LDL : Catherine LEPELLETIER, vous êtes autrice du livre “Damas, le scintillement des larmes”.  Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a motivé à écrire ce livre sur le poète, dramaturge, figure importante de la Négritude et homme politique guyanais, Léon Gontran Damas ?

CL : Léon G. Damas est une figure tutélaire de la littérature de Guyane. Vous le soulignez, c’est un personnage important dans le cadre de la Négritude dont il est l’un des fondateurs, mais son action est également remarquable dans le cadre de la vie politique. Son engagement se ressent dans ses écrits avec Retour de Guyane, un ouvrage dans lequel il dénonce les travers de la colonisation. Et puis, en matière d’écriture, Damas a su inventer son propre style que d’autres ont ensuite essayé de s’approprier, tant il a révolutionné la relation à la langue française, avec une musicalité très osée pour le début et même la moitié du 20ème siècle où les propos et le ton étaient souvent feutrés.

LDL : Votre roman est basé sur des souvenirs de Mamoune. Pourquoi avez-vous choisi cette approche pour raconter l’histoire de Damas ? Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Marietta Damas, la dernière épouse de Léon Gontran Damas, et comment cela a influencé votre écriture ?

CL : Mamoune fait partie de l’histoire romanesque, c’est la narratrice qui se rappelle plusieurs pans de sa vie et parmi eux, sa rencontre avec Marietta, la brésilienne. Mais comme toujours, le réel peut être présent. Dans la réalité, la dernière épouse de Damas était effectivement brésilienne, elle vivait à Rio, comme cela est décrit dans le roman. C’était une femme menue, petite, qui dégageait une aura calme et paisible. J’ai moi-même eu l’occasion de la rencontrer chez elle et le souvenir que j’en garde, est celui d’une femme tranquille. Après la mort de son mari, tout dans son appartement rappelait la présence de celui-ci : objets, photos, cadres… C’était un mini-musée Damas dont elle était fière de conserver la mémoire privée. Les quelques heures que j’ai partagé avec elle, ont été magnifiques. Elle était déjà âgée, mais autonome et organisée dans un quartier populaire de Rio de Janeiro. J’ai ainsi voulu lui rendre hommage.

LDL : Damas, le scintillement des larmes met en lumière la dimension politique et intellectuelle de Damas. Pourquoi avez-vous choisi de mettre en avant ces aspects de sa vie plutôt que sa vision poétique ?

CL : Il est vrai que Damas a eu plusieurs vies : politique, intellectuelle, poétique. Il me semble que sa vision poétique est la plus connue et que sa réalité politique l’est beaucoup moins. Or c’est un tout, il n’y a pas de cloisonnement, quel que soit le prisme par lequel on aborde Damas, on s’aperçoit vite que tout est lié : sa poésie fait état de son affirmation identitaire, ses travaux intellectuels sont marqués par la Négritude et son implication politique met en avant un pays dont il est viscéralement amoureux. Il y a imbrication des différents aspects de sa biographie et il me semble que l’on ne peut aisément démêler les branches de sa vie, tant il y a de la cohérence. 

Catherine Le Pelletier

LDL : Damas était viscéralement Guyanais. En quoi son engagement politique a-t-il été un reflet de son amour pour sa patrie ?

CL : En tant que député de la Guyane, Damas a fait entendre sa voix à l’Assemblée Nationale française. L’homme politique n’a jamais cessé de clamer que son pays méritait mieux que ce que la France en avait fait. On pourrait résumer ses interventions politiques par une seule pensée, dans Retour de Guyane. En substance, et s’adressant aux Français, Damas leur lançait une injonction, constatant l’état de délabrement dans lequel était son pays : « développez la Guyane ou quittez-la » ! Bien entendu, il n’a pas eu que des amis, il compte bon nombre d’ennemis, tous rangés en droite ligne de la pensée dominante.

LDL : Qu’espérez-vous que les lecteurs retiennent de votre livre en ce qui concerne Léon Gontran Damas et son héritage ? 

CL : Vous savez, un livre appartient à celui qui le lit. Chaque lecteur a une perception différente du même ouvrage, des mêmes écrits, en fonction de son vécu, de son approche de la littérature, de ses attentes. J’ai voulu rappeler une partie de la vie de Damas, raconter un aspect de sa personnalité. J’espère tout simplement que ceux qui écouteront l’ouvrage auront du plaisir à le faire. La forte personnalité de Damas y est décrite et chacun peut y trouver une marque bien actuelle.

LDL : Comment le livre « Damas, le scintillement des larmes » a-t-il été accueilli en Guyane et au-delà ?

CL : Je crois que la réception a été bonne, l’enregistrement proposé par Une voix, une histoire, en est un signe. J’ai également eu l’occasion de présenter l’ouvrage dans différentes manifestations.

LDL : L’œuvre de Léon Gontran Damas a-t-elle évolué depuis sa mort, et comment est-elle perçue aujourd’hui, tant en Guyane qu’au niveau international ?

CL : Aujourd’hui encore, l’œuvre de Damas est étudiée dans différentes universités. Ses écrits, qu’il s’agisse de politique, de contes ou de poésie, sont lus et travaillés par de nombreux étudiants. A tel point que Damas est reconnu comme le principal auteur classique de Guyane. Cet attrait pour cet homme de conviction est précieux, dans un monde aussi bousculé que le nôtre.

LDL : Quels sont les éléments de la vie de Damas que vous avez découverts en écrivant ce livre et qui vous ont le plus marquée ?

CL : La reconnaissance de Damas est posthume. Il est plus respecté, lu, encensé, depuis qu’il est mort. Tout au long de sa vie, il n’a cessé de dire ce qu’il souhaitait pour la Guyane et, au-delà, pour tous les Nègres. En fait, il n’a cessé de parler de respect. Force est de constater que celui-ci ne lui a finalement été accordé qu’à sa disparition. Mais il y a une chose qui me semble étonnante, c’est que cet auteur, qui plaçait le verbe à un haut niveau, soit resté muet jusqu’à l’âge de 6 ans. Damas est aussi décédé malade, ne pouvant plus s’exprimer. Le fait qu’aujourd’hui, il y ait un livre audio racontant une partie de sa vie, revêt une importance symbolique. 

LDL : Pouvez-vous nous parler de l’importance de préserver la mémoire de Damas et d’autres figures historiques de la Guyane pour les générations futures ?

CL : Nous construisons notre présent avec notre passé et une société sans Histoire, est une société fragile. Nos pays sont en pleine affirmation identitaire, le phénomène de l’Assimilation est somme toute assez récent, puisqu’il ne date que de 1946. Dans ce contexte, nous avons besoin de nos propres repères, de nos Histoires réelles, pour mieux comprendre notre présent. C’est à ce prix-là que nous bâtirons notre avenir. Damas fait partie des grandes figures de notre Histoire, ses écrits sont toujours d’actualité et je suis convaincue que ses textes, sa personnalité et sa biographie peuvent aider les générations d’aujourd’hui.. 

LDL : Le livre « Damas, le scintillement des larmes » est publié chez une voix une histoire en livre audio, un mot sur le processus ayant conduit à cette publication ?

CL : C’est mon éditeur Neg Mawon, Didyer Manette, qui m’a proposé de publier une version sonore de mon ouvrage, avec Une voix, une histoire. J’ai été ravie de la démarche, innovante dans nos pays, heureuse de découvrir cette société et sa jeune créatrice, Manick Siar-Titteca, pleine d’énergie.

Et puis, il me tenait à cœur de faire réussir cette entreprise, étant particulièrement sensibilisée au problème des personnes mal ou non voyantes. L’arrivée d’Une Voix, une histoire, est à mon sens, une belle avancée pour les personnes souffrant d’un handicap visuel, qui peuvent dorénavant écouter des livres caribéens. 

LDL : Les livres audio semblent occuper une place de plus en plus importante dans la société moderne. Pensez-vous que cette nouvelle forme de lecture pourrait amener les jeunes à mieux s’intéresser aux livres ?  

CL : Oui, je suis convaincue que nos modes de vie favorisent l’écoute des livres audio. Dans un transport en commun, dans une voiture, en marchant, en se baladant, en faisant du sport ou d’autres activités chez soi… Tout concourt à une plus grande utilisation du livre audio. C’est une façon d’amener les jeunes à la littérature, mais pas seulement. Je crois que le livre audio est une forme de littérature à part entière, qui est en train de se forger une place en mettant en lumière non seulement les auteurs, mais aussi les lecteurs. Ces derniers sont extrêmement importants pour les livres audio et ils révèlent souvent des talents.

LDL : Une voix, une histoire, est une jeune maison d’édition de livre audio, existe-t-il une raison précise pour laquelle vous aviez confié l’édition audio de votre roman Damas, le scintillement des larmes à cet éditeur des caraïbes ? 

CL : L’existence de cette maison d’édition me semble capitale dans nos régions. Nous sommes à l’orée d’une nouvelle ère, où la technologie ne cesse de prendre de la place et peut aussi transformer notre façon de lire, de recevoir un ouvrage. Une voix, une histoire est la toute première maison d’édition de la Caraïbe à progresser dans une telle perspective. De plus, nous sommes des peuples où l’oralité revêt une importance très grande, Une voix, une histoire rejoint ainsi notre relation à la littérature orale qui, désormais, peut reprendre toute sa place dans nos sociétés modernes.

Catherine Le Pelletier

LDL : Nous sommes à la fin de cette interview, merci pour votre disponibilité.

CL : Merci pour l’intérêt que vous avez porté à mon ouvrage. 

Merci !

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