Nous recevons aujourd’hui le jeune auteur Edmond Batossi. Juriste et philosophe de formation, il a publié tout récemment aux éditions BéninLivres son tout premier ouvrage, le recueil de nouvelles La science de mon grand-père. Dans cette interview exclusive, il parle de son œuvre, de son style d’écriture et du message qu’il souhaite transmettre à travers cette production.
LDL : Bonjour M. BATOSSI, félicitations pour la publication de votre recueil de nouvelles, « La science de mon grand-père ». Que comprendre de ce premier livre qui marque votre entrée sur la scène littéraire ?
E.B : Bonjour cher promoteur, merci de votre invitation. La science de mon grand-père est un recueil de cinq nouvelles dont L’amour parental ou le crime passionnel, Le prix de la gentillesse, La science de mon grand-père (la nouvelle éponyme), L’autopsie politique des promeneurs et Cassandre chez le Tacticien. Paru aux éditions béninlivres à Porto-Novo en 2024, il est mon tout premier geste littéraire.
LDL : Voudriez-vous nous en dire un peu sur le processus éditorial ayant conduit à la publication de ce livre ?
E.B : Avec plaisir. Il faut commencer par souligner que La science de mon grand-père a pris tout son temps pour paraître. Je bouclais le tapuscrit de ce livre il y a de cela un peu plus de deux ans. C’était en 2022. Et comme il est toujours recommandé, je l’ai envoyé à quelques personnes parmi lesquelles mon ami Clément TANDJIETON, enseignant de lettres dans les lycées et collèges, auteur de ADJOKE et mon professeur Chidiaque GUEZO, enseignant de lettres, journaliste et promoteur culturel qui, après s’être abreuvé du contenu accepta volontiers de préfacer plus tard La science de mon grand-père. Ce sont eux qui, en premier, ont lu et aimé mon tapuscrit. C’est l’occasion pour leur exprimer mes profondes gratitudes. Le tapuscrit a fait quelques mois chez eux, surtout avec le professeur GUEZO qui, en plus d’être extrêmement acculé, est un grand perfectionniste qui n’aime pas faire les choses à la hâte. Avec leur retour, j’ai pris acte des suggestions et j’ai corrigé les bévues soulignées. Après cela, j’ai eu beaucoup de propositions de maisons d’édition et finalement j’ai opté pour béninlivres.
LDL : Vous abordez des thèmes assez lourds tels que les emprisonnements politiques, la débauche juvénile, la cybercriminalité et la science des ancêtres. Vous avez certainement un intérêt particulier à aborder ces thèmes ?
E.B : Un intérêt particulier, oui. Vous savez, on est écrivain que de son temps. Chaque plume jouit pour peindre les problèmes de son temps. Et la majorité des maux mis à nu dans La science de mon grand-père est de mon temps, ce sont des problèmes auxquels la jeunesse est confrontée. Le multi-partenariat sexuel, l’échange des nudes entre amoureux, le gain facile avec l’inflation de la cybercriminalité, le chômage subi et la débauche choisie, ces thèmes sont aujourd’hui la tasse de thé de la jeunesse africaine en générale, et est la plaie commune de la jeunesse béninoise en particulier. J’ai coulé l’ancre de ma plume sur ces thématiques parce que je me sens concerné, parce que je suis jeune, partie intégrante de la jeunesse et comprends mieux, par extension, ce que je dénonce.
LDL : Dans votre nouvelle éponyme, « La science de mon grand-père », vous parlez des pouvoirs de la phytothérapie. Dites-nous-en un peu plus.
E.B : Oui, justement. C’est bien de cela qu’il a été question dans la nouvelle éponyme. Il a été question dans cette nouvelle de Mintônou qui a sa femme à l’hôpital pour son tout premier accouchement. Le travail s’est révélé compliqué et demande l’intervention de la césarienne. Mintônou, conscient du pouvoir des plantes et des racines, décide de faire mâcher à sa femme un cure-dent et une poudre de feuilles pour favoriser l’accouchement par la voie normale. Il ne voudrait surtout pas qu’on ouvre son épouse pour son tout premier accouchement. Mais pour utiliser cette astuce de grand-père sur sa femme, il va devoir affronter docteur Dave, le médecin de l’hôpital, qui s’opposa catégoriquement à l’utilisation de ce fameux cure-dent dans son hôpital. Il faut dire que c’est le cadre familial qui m’a inspiré cette nouvelle. Il s’agit d’une histoire vraie. Mais le message, c’est d’attirer l’attention sur un constat pour le moins choquant. Pourquoi c’est seulement en désespoir de cause, seulement quand la médecine moderne montre ses limites que l’intellectuel africain se souvient que ces parents avaient eux-aussi une science qui, il faut avoir le courage de le reconnaître, n’est pas moins efficace que la science dite moderne ? C’est pour le moins aberrant. Il ne s’agit pas, il faut le mentionner de faire l’éloge de l’automédication, non ! C’est un appel solennel pour une revalorisation de ce qu’il y a de bien, et parfois, de mieux dans les savoirs endogènes.
LDL : Votre style d’écriture est souvent décrit comme caustique et envoûtant. Comment avez-vous développé ce style ?
E.B : Sourire. Caustique, certainement. Mais je ne savais pas que mon style est aussi envoûtant. Rire…J’ai choisi un style brûlant et parfois choquant et je dirai même mordant, parce que pour dénoncer certains maux, c’est le style qu’il faut. Ce style, je crois que le dois à mes nombreuses lectures. Vous savez, en lisant on découvre et on se découvre. C’est la lecture qui façonne le style d’écriture. J’ai été certainement influencé, sans le savoir, par des auteurs comme Daté Barnabé Atavito-Akayi, le regretté de mémoire Jean PLIYA….
LDL : La nouvelle « Le prix de la gentillesse » est particulièrement poignante. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’inspiration derrière cette histoire ?
E.B : Poignante, je crois que c’est le mot qu’il faut. Le prix de la gentillesse est une nouvelle particulière, tirée, comme d’autres, de mon propre vécu, de mes expériences avec le monde extérieur. C’est une histoire qui a failli tout me coûter, je remercie Dieu de m’avoir permis de l’extérioriser, de m’avoir permis de trouver les mots justes pour le partager avec un public qui, je l’espère vivement, fera de l’expérience qui est la mienne, une leçon. L’inspiration, vous savez, elle est divine. Parce que comme le souligne Victor HUGO « quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. »
LDL : Quel message central souhaitez-vous que les lecteurs retiennent de votre recueil de nouvelles ?
E.B : Comme message central je leur laisse cette citation de mon livre « Une jeunesse imbue de la facilité est une jeunesse perdue à jamais. »
LDL : Où se procurer l’ouvrage ?
E.B : La science de mon grand-père est disponible à la librairie Notre Dame, à la librairie LBU, à la librairie Savoir d’Afrique, à Librairim et sera bientôt disponible à la librairie UCAO.
LDL : Avez-vous des projets futurs dans le domaine littéraire ?
E.B : Bien sûr. Il y a de merveilles sur le feu.
LDL : Merci beaucoup pour cet échange, M. BATOSSI. Nous vous souhaitons beaucoup de succès pour la suite.
E.B : C’est moi qui vous remercie pour m’avoir accordé cet interview.
Formidable