Quand le psychologue vacille : face au vide que personne ne voit
Quand le psychologue vacille : face au vide que personne ne voit

Quand le psychologue vacille : face au vide que personne ne voit

Et si celui censé guérir les autres n’arrivait plus à se soigner lui-même ?

Ce matin-là, tout a basculé. Un rêve lancinant, une sueur glacée, un cri intérieur étouffé. Face au miroir, je ne voyais plus qu’un homme fissuré, prisonnier d’une façade solide. Diplômé en psychologie, avec un bon métier, une belle maison, de l’argent et toutes les apparences du bonheur, je pensais avoir conquis la paix. Mais je me trompais.

Sous le vernis d’une vie réussie, le vide grandissait. Un vide ancien, enraciné dans l’indifférence parentale, nourri par l’illusion de l’amour, masqué par les réussites sociales. J’ai cru qu’écouter les blessures des autres m’aiderait à guérir les miennes. Mais le silence de mes propres démons a fini par hurler.

Ce texte n’est pas une confession. C’est une prise de conscience. Un cri d’alerte. Il faut que je retrouve ma santé mentale. Il faut que je fasse quelque chose. J’en peux plus.

Par Dieudonné Kayossi Kodukpè Abilé


Soudain, je me réveillai en sursaut. J’étais trempé de sueur. Encore ce rêve. Ce rêve qui me consume. Ce rêve qui me détruit de l’intérieur. Qu’est-ce que j’ai fait ?

Tout doucement, je me levai du lit et gagnai la salle de bain. J’ouvris le robinet du lavabo. L’eau se mit à couler, mais je n’y prêtais pas attention. Je m’arrêtai un instant, les yeux fixés sur le miroir, comme si la réponse que je cherchais était là, juste là, derrière mon reflet.

Je me regardai. Je me dévisageai. Comme si j’étais un monstre. Comme si, depuis ma naissance, je n’avais jamais été satisfait de moi-même. Le bruit de l’eau qui coulait rythmait avec les battements rapides de mon cœur. Je restai là, face à moi-même, à me scruter encore et encore, sans bouger.

Tout tremblant, je saisis l’un des savons posés sur le comptoir et, dans un élan de rage, je le jetai contre le miroir. Le choc fut violent. Le miroir éclata en mille morceaux. Je reculai d’un pas, puis mes jambes fléchirent, et je m’écroulai au sol. Je restai là, à contempler les bouts de verre éparpillés, comme si je regardais ma vie brisée, éparpillée, irréparable.

Quand j’ai fini mes études en psychologie, je pensais qu’un bon boulot suffirait à combler ce vide. Ce vide qui me rongeait depuis l’enfance. Ce vide dont personne ne s’en souciait. Ce vide qui me secouait chaque nuit, chaque jour.

Et quand j’y repense, pourquoi j’avais choisi cette branche ? Pourquoi la psychologie, alors que tout le monde me voyait déjà journaliste ? J’avais cru qu’écouter les autres parler de leurs blessures, les rassurer, les aider à sortir du gouffre, allait m’aider à combler le mien. Mais je m’étais trompé.

En première année, je suis tombé fou amoureux de Viviane. Enfin, c’est ce que je croyais. Était-ce vraiment de l’amour ? J’étais convaincu qu’elle me remplirait de ce qui me manquait. Mais au final, j’étais devenu son ombre, son esclave. Je me suis accroché à elle. Je quémandais son attention. Je faisais tout pour qu’elle me voie. Mais non. Rien. Plus tard seulement, j’ai compris : ce n’était pas de l’amour. C’était une dépendance. Un refuge. Le vide m’avait poussé dans ses bras. Et ce vide-là m’avait menti.

Je regardai autour de moi. J’avais tout ce que je voulais. Une belle maison. De l’argent à la banque. Je pouvais voyager où je voulais. Je pouvais avoir toutes les filles que je voulais. Et pourtant, je souffrais. Encore. Je faisais des cauchemars terribles. Suis-je psychologue, non ? Pourquoi je n’arrive pas à me soigner ? Pourquoi ?

J’attrapai un morceau du miroir brisé. Je le serrai fort dans la main. Je me coupai. Le sang coula, mais je ne sentis rien. Aucune douleur. Comme si mon corps était vide lui aussi. C’est à ce moment-là que j’ai compris : ce que je vis n’a rien de normal. Ce que je ressens doit être soigné.

Toutes ces années, j’avais cru que le confort, le boulot, les voyages, les femmes allaient combler ce vide. Mais c’était faux. Je me suis menti. Et ce mensonge me détruit.

Quand j’y repense, je réalise que je n’ai pas reçu l’amour que les parents sont censés donner à leurs enfants. Ma mère était toujours occupée, elle ne m’écoutait même pas quand j’essayais de lui parler de mes problèmes et de mes tourments. Quant à mon père, il était rarement à la maison.

J’ai grandi avec un vide, un manque. J’avais cru que je n’aurais plus ces cauchemars, mais mes démons étaient de retour. Pendant tout ce temps, j’ai joué un rôle qui n’était pas le mien, par peur d’être rejeté, de ne pas être à la hauteur des attentes des autres, au point de m’oublier moi-même.

Et si j’appliquais les conseils que je donne à mes clients ? Peut-être que je devrais enfin affronter ce vide que j’ai évité pendant toutes ces années. Oui, il est temps.

Je me levai lentement, fermai le robinet, et quittai la salle de bain.

Il faut que je retrouve ma santé mentale.
Il faut que je fasse quelque chose.
J’en peux plus.
J’en ai marre.

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Un commentaire

  1. D’une part, je suis épris d’une certaine tristesse vis à vis du sort du jeune innocent psychologue parce qu’il a subi une irresponsabilité des parents qui ne dit pas son nom. Et, le pire, quand on va se permettre de faire recensement de nos jours, nous allons constaté que le mal évolu au pire surtout avec l’utilisation abusive des smartphones, outils qui a pour visage caché, l’individualisme. D’autres part, je suis ému par la façon de narration ainsi que la qualité du témoignage qui constitue en mes yeux une sensibilisation. Et, je dirai dans l’ensemble que l’auteur a fait une bonne œuvre. Merci

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