L’origine des conflits dans Ces prisons où nous choisissons de vivre de Doris Lessing : pour une réflexion sur l’origine des conflits au XXIème siècle
L’origine des conflits dans Ces prisons où nous choisissons de vivre de Doris Lessing : pour une réflexion sur l’origine des conflits au XXIème siècle

L’origine des conflits dans Ces prisons où nous choisissons de vivre de Doris Lessing : pour une réflexion sur l’origine des conflits au XXIème siècle

Depuis des siècles, les conflits vont de plus en plus croissant dans nos sociétés. La domination et l’asservissement des peuples par les puissances étrangères, est une réalité que nous ne pouvons plus ignorer. Partant de la première guerre mondiale à la seconde, de nombreux peuples se sont vus divisés et pire réduire à néant. Si en tant qu’humains nous aspirons vivre dans un monde meilleur où la paix, la solidarité et l’entente règnera dans nos cités et nos nations, il est donc pour nous un impératif de prendre nos responsabilités.

De par le passé, les guerres ainsi que les petits conflits intestins jonchaient le quotidien des hommes. Et même de nos jours, il est de plus en plus difficile de trouver un terrain d’entente entre hommes. Les États anciens, ont su mettre en application les méthodes et stratégies de leur temps afin de préserver l’intégrité de leur État. 

Aucun conflit ne naît au hasard ; il provient la plupart du temps du cœur des hommes. Ces derniers sont l’origine et même la cause des conflits. Le dire comme cela c’est remettre en cause dans une certaine mesure la volonté ou le désir des hommes à œuvrer pour la paix. Mais il s’agit bien d’une évidence. 

Doris Lessing nous apprend dans Ces prisons où nous choisissons de vivre que l’une des raisons majeures pour lesquelles les conflits naissent de plus en plus dans nos sociétés est le refus des hommes. Autrement dit, les hommes dit-elle ont accumulé pendant des siècles entiers des connaissances considérables sur leur personnalité mais refusent cependant de mettre ces connaissances à profit. Doris Lessing souligne dans son ouvrage que la passivité des hommes constitue le train qui les conduit sans détour vers les conflits. Cette attitude résulterait du passé barbare des hommes qui au fil des siècles en arrière n’a fait que croître. 

Parmi les hommes, il y en existe qui, tout au long de leur existence ont étudié le comportement de leur semblable et qui parviennent à créer des situations et plus encore des événements pour expérimenter leur découverte sur l’humain. Que ce soit le socialisme, le communisme ayant à la racine le marxisme, les régimes anciens disposaient d’une grande quantité de méthodes et stratégies pour asservir et maintenir indéfiniment la masse dans l’ignorance. Ces méthodes sont le plus souvent invisibles pour le peuple lambda. 

Doris Lessing s’interroge dans son œuvre Ces prisons où nous choisissons de vivre sur les raisons qui peuvent expliquer les pratiques barbares et sanguinaires dont font preuve les hommes. Ces pratiques qui persistent encore de nos jours et qui nous empêchent de vivre notre ère comme cela se doit. Nous nous pencherons ici sur ce qui explique les conflits qu’a connu le monde depuis plusieurs siècles ; ces conflits qui continuent jusqu’à nos jours dans nos cités. 

Comment expliquer l’origine des conflits dans le monde ? Quelles sont les raisons pouvant expliquer la barbarie des peuples ? Les conflits ne résultent-ils pas de la passivité des hommes ? 

Au cours de nos recherches, nous userons des méthodes analytiques et comparatives qui nous permettront de : montrer que les hommes ont toujours adoré faire la guerre (1), d’expliquer l’origine des conflits dans nos sociétés (2), puis enfin de montrer la place de l’histoire dans le processus de pérennisation de la paix (3). 

1- De l’amour des hommes pour la guerre

La guerre, du  latin bellum, est un conflit politique entre une ou plusieurs nations. Autrement dit, elle est un moment d’instabilité politique, où la violence, l’agression ainsi que les tactiques de tous genres sont mises en application en vue d’un but précis. Dans La République de Platon, la guerre est un art qui devrait être exercé par des personnes ayant spécialement été formée pour. 

Pour Xénophon, la guerre est un art qui ne peut être réduit à de simples compétences militaires. En effet, la guerre est l’acte par lequel de nombreux États ont su maintenir leur domination. Sun Tzu dira que : « La guerre est d’une importance vitale pour l’État. » Cela pourrait expliquer le fait que les hommes ont toujours adoré faire la guerre. 

En temps de guerre, les hommes sont souvent poussés à commettre des actes barbares qui nuisent à l’intégrité de l’être. Au cours d’une période de guerre, les hommes ont tendance à descendre de plus en plus bas, mieux ils perdent en quelque sorte leur humanité. En d’autres termes, l’homme étant à l’état de nature pour reprendre les mots de Thomas Hobbes : « un loup pour l’homme », découvre toute l’animalité qui réside en lui. 

Car si on peut le dire ainsi, la guerre est une messe d’inhumation de l’humanité. On assiste en temps de guerre aux obsèques de l’humanisme. Doris Lessing ne cachera pas cette vérité qui semble parfois difficile à accepter. Mais il faut selon elle que l’homme se débarrasse du sentimentalisme dont il fait preuve quand il s’agit de parler de la guerre. 

En un mot, qu’il arrête de se mentir car la guerre est une expérience qui le métamorphose complètement. Elle nous dira qu’ : « en temps de guerre, notre espèce régresse, et nous nous laissons aller à la violence et à la cruauté. » 

La paix est un moment de tranquillité. Autrement, une période de non-violence ou chaque être vit en harmonie. Notons que la paix n’est pas une absence absolue de conflits car les conflits permettent parfois aux hommes de se sentir humain. Les conséquences de la guerre ne sont pas toujours désastreuses. 

Si certains traînent pendant longtemps encore les séquelles, l’après-guerre est le moment idéal pour faire le point. Les souvenirs des moments de violence, de tueries, sont lubrificateurs des moments monotones de la paix. Doris Lessing affirme que : « Quand on a vécu une guerre, on sait que son approche s’accompagne d’une allégresse d’abord secrète, indécise, comme un battement de tambour presque inaudible… une excitation se répand partout, violente, illicite, épouvantable. » 

En plus, l’expérience de la guerre est une expérience collective, mieux celle de tout un peuple. S’il existe une chose qui demeure après les grands moments de troubles et de violences, c’est le souvenir mais plus encore les émotions. Tous les différents moments d’un être humain, sont empreints de la marque des émotions. 

La plupart des personnes ayant vécues des drames ou situations dans lesquelles leur existence fut menacée gardent le long de leur vie un traumatisme qui les empêche de pleinement vivre. C’est ce que nous dit Catalina Sagarra Martin : « Ce terrible accident de l’histoire a détruit les socles culturels et, partant, les équilibres et les pactes sociaux qui cimentaient les relations entre les communautés traditionnelles. » 

En outre, soulignons que la guerre peut être un acte passionnant puisqu’elle excite les hommes à laisser exprimer leur potentialité. À travers ces propos, le lecteur peut avoir l’impression d’être en train de lire un être sanguinaire qui a soif de guerre ou pire un psychopathe ; mais il s’agit ici d’une conclusion qui apparaît après de longues études sur les tendances humaines à la guerre et à la violence. 

Doris Lessing nous dit que lorsqu’un peuple a été en conflit pendant de longues années, les hommes sont stupéfaits des actes qu’ils ont eu à accomplir au cours de la guerre. En prenant l’exemple sur les soldats, elle nous explique que ces derniers trouvent certains moments de la guerre terrifiants, mais d’autres comme exceptionnels puisque ce sont des occasions qui leur ont permis d’expérimenter leur puissance, de découvrir leur réelle identité. Elle déclare : « Les combats exigeaient une grande habileté, du courage, de l’initiative, de l’ingéniosité, en somme tous les talents de la guérilla, qu’une longue vie de paix aurait pu laisser à jamais inutilisés. ». 

L’amour des hommes pour la guerre résulte également du désir de conserver ce qu’ils appellent souvent leur ‘‘honneur’’. La guerre est vue dans certaines régions du monde comme une période, une étape où les hommes doivent défendre leur honneur ou même montrer qu’ils méritent un titre ou une certaine position ou tout simplement la victoire. 

La victoire est ce pour quoi tous les hommes adorent faire la guerre. Sun Tzu dira : « ne différez pas de livrer le combat, n’attendez pas que vos armes contractent la rouille, ni que le tranchant de vos épées s’émousse. La victoire est le principal objectif de la guerre. ».  Les rescapés de guerre sont souvent vus aujourd’hui comme des héros, des modèles qui sont la plupart du temps honorés. 

Le fait est que lorsque l’amour des hommes pour la guerre semble prendre le dessus, ces derniers font fi de leur raison. Cette dernière étant une faculté qui pourrait leur permettre de faire preuve de bon sens dans leur comportement. La première ou la seconde guerre mondiale, et même les conflits que nous remarquons aujourd’hui, auraient pu être évités si les hommes se comportaient comme de véritables hommes et non comme des bêtes. 

Bien que selon la formule d’Aristote nous soyons des animaux, il avait su préciser un point fondamental qui est celui de la sociabilité. La sociabilité invite en effet à faire preuve d’humanité dans nos liens interpersonnels. Cependant les hommes se laissent parfois emporter par le flot de l’animalité. 

Et donc les différentes guerres que le monde ait connues ne sont rien d’autre que les conséquences du refus d’user de la raison. Ce refus a généré des millénaires de conflits qui auraient pu être évités. Doris Lessing écrit : 

Pour commencer, cette guerre aussi glorieuse que héroïque était absolument inutile et aurait pu aisément être évitée si les Blancs avaient fait preuve d’un minimum de bon sens. Mais ils étaient en proie à toutes sortes d’émotions primitives.

L’amour pour la guerre se manifeste chez tous les hommes sans distinction aucune, ni de race, de sexe ou tout autre. Le mobile selon lequel des guerres incessantes se font de plus en plus croissantes est l’amour de la guerre ; les hommes adorent faire la guerre. Et ceci pour la seule raison qu’elle leur permet de se révéler. Car : « Ces gens Noirs et Blancs, hommes et femmes, avaient vécu dans un paroxysme de tension, de vigilance, de danger où toutes leurs aptitudes étaient pleinement employées. ». 

2- L’origine des conflits dans nos sociétés

Les conflits existent dans nos sociétés depuis des siècles. Pendant des milliers d’années, ils n’ont cessé de croître mettant ainsi en péril l’avenir des générations futures. C’est le lieu ici de confirmer le fait que les hommes sont les seuls qui soient capables de mettre fin aux conflits. L’une des raisons qui ont favorisé ou du moins excitées les conflits dans le monde, est le racisme. 

Ces innombrables conflits qu’a connus le monde auraient pu être évités si les hommes étaient suffisamment conscients des conséquences qui pouvaient en découler. En effet, toutes les guerres ne sont que la croissance de petits conflits. Ceci dit, le plus important consiste dans la manière dont les hommes se comportent en temps de conflit. La plupart du temps, c’est de la réaction de l’homme que naît le processus qui mène aux conflits et plus tard aux guerres. 

C’est ce que nous apprend Jean-Marie Kayishema dans son article  Aux origines du génocide des Tutsi du Rwanda : l’ethnocide culturel : « Toute société, en fait, connaît des conflits latents qui peuvent devenir plus ou moins graves selon la façon dont on les gère. ». Les conflits actuels que connaît le monde résultent de nombreux malentendus. 

Le désir de toujours affirmer sa supériorité face aux autres, ou mieux le désir de toujours avoir raison constitue un véritable distillateur de grains de conflits au sein même de la société et des nations. Schopenhauer dira que c’est cette caractéristique du débat qui illustre la difficulté d’accéder à la vérité, à un point où toutes les parties pourraient se mettre d’accord. 

Il affirme : « C’est parce qu’il n’est pas aisé de discerner la vérité que les débats sont si longs et obstinés. ». Cette tendance à toujours chercher à avoir raison est ce qui caractérise les relations humaines depuis des milliers d’années. Doris Lessing affirmera qu’ : « On ne cesse d’observer ce processus à travers l’Histoire. ». Comme nous l’avions déjà dit ci-dessus, seuls les hommes sont capables de mettre un terme aux conflits. 

Cependant de nombreuses personnes sont encore loin de croire en cette affirmation qui n’est rien d’autre que la réalité. L’un des véritables problèmes de l’humanité est la passivité. Doris Lessing nous dit que c’est le refus d’utiliser les connaissances que l’homme détient sur lui-même qui a conduit le monde dans des dérives comme la seconde guerre mondiale et bien avant même, tous les autres conflits inutiles dans lesquels les hommes se sont embarqués. 

Elle exprime cela dans une vision progressiste ; elle pense à ce que nous pouvons laisser aux générations futures. En un mot elle s’interroge sur la question de l’héritage intellectuel que nous allons laisser à ceux qui nous suivront. Elle exprime clairement toute sa surprise lorsqu’elle écrit : « je crois que les gens qui viendront après nous s’étonneront que nous ayons accumulé de plus en plus d’informations sur notre comportement, mais que nous n’ayons pas tenté pour autant de nous en servir pour améliorer notre existence. ».  

Dans le chapitre précédent, nous avons expliqué comment les hommes aiment la guerre. Ici, il convient de montrer que cet amour de la guerre fait également partie des causes de conflits dans le monde. Mieux, les conflits existent parce que les hommes aiment les conflits. Cependant nous constatons que de plus en plus d’hommes nient cette vérité. Chose qui est compréhensible car il s’agit là d’une question qu’on pourrait qualifier de ‘‘sensible’’. 

C’est en effet le refus d’admettre que les hommes font la guerre parce qu’ils adorent la guerre qui les empêchent de trouver des moyens pour limiter les conflits. C’est ce que nous apprend Doris Lessing lorsqu’elle affirme : « On peut consacrer des heures et même des jours à parler de la guerre sans jamais entendre mentionner que l’une de ses causes, c’est que les gens aiment la guerre, ou l’idée de la guerre. ».  

La prévention des conflits passe d’abord par la compréhension du processus qui mène aux conflits. Il faudrait comprendre que le plus important n’est pas de connaître l’origine des conflits car elles sont multiples. Aujourd’hui, nous devons chercher à comprendre le processus selon lequel les idéologies se construisent et se répandent dans nos sociétés. 

Les différents organismes qui véhiculent des idées qu’ils qualifient de libertaires ou révolutionnaires devraient être étudiés minutieusement. L’Afrique aujourd’hui est traversée par des prises de positions et de luttes acharnées. Les tenants des différentes idéologies qui véhiculent actuellement emploient des schémas qui ont été utilisés depuis longtemps. 

Et la population souvent ignorante des différents modes de pensées et d’action de ces organismes s’y engage. De nombreux africains se lèvent de plus en plus et tiennent pour refrain la défense des intérêts de l’Afrique. La question qu’il faut se poser est : de quel intérêt parlent-ils ? Mieux savent-ils vraiment ce qu’ils défendent ? Et si c’était le cas est-ce par les soulèvements et les troubles sociaux qu’ils obtiendront gain de cause ? 

Nous pensons ici avec Doris Lessing que toute transformation sociale passe par une compréhension des modes de pensées de chaque doctrine. Il est important avant toute action de comprendre les stratégies et les méthodes des doctrines actuelles afin de ne pas se laisser replonger dans un cercle vicieux. 

Doris Lessing nous explique clairement la mission qui revient aux intellectuels du monde : comprendre les schémas, les modes de reproduction et d’expansion des idées dans chaque société. On peut le lire à travers ces propos :

Nous aurons beau dire que le socialisme est une forme de religion, de même que le fascisme, ou que le communisme moderne recourt souvent à une phraséologie religieuse, nous ne serons guère avancés, à moins de comprendre exactement quel schéma nous devons chercher.  

S’il existe une pratique qui se répand de plus en plus dans nos sociétés, il n’est d’aucun doute qu’il s’agisse de l’endoctrinement. En effet, de nombreuses méthodes et stratégies sont employées par les dirigeants afin de maintenir le peuple dans une certaine bassesse d’idée. L’analogie au tuteur dont nous parle Emmanuel Kant dans son article en réponse à la question Qu’est-ce que les lumières ?, nous en dit davantage. 

Il est important que le peuple fasse l’effort d’appréhender les faits sociaux par lui-même. Le peuple libre dont nous parle Rousseau est ce peuple-là qui participe aux actions de l’État et qui comprend le processus selon lequel les décisions sont prises dans la société. Malheureusement à notre siècle, on constate que l’humanité a encore beaucoup à apprendre sur elle-même. 

La majeure partie de la population est manipulée par la minorité et ce, à travers des méthodes qui existent depuis des millénaires. Doris Lessing emploiera le concept du lavage des cerveaux auquel ont souvent recours toutes les institutions : que ce soit le gouvernement, les institutions ou organisations publiques ou encore privées. 

Elle explique dans son ouvrage le processus du lavage de cerveau afin que  les uns et autres puissent comprendre que ces méthodes qui semblent anciennes sont omniprésentes dans nos sociétés et constituent le point de domination de la masse. Doris Lessing explique : 

Le lavage de cerveau repose sur trois fondements, ou procédés, que nous comprenons parfaitement aujourd’hui. Le premier, c’est l’alternance de tension et de détente. On s’en sert, par exemple, pour interroger les prisonniers. L’interrogateur se montre alternativement dur et tendre – tantôt une brute sadique, tantôt un ami plein de gentillesse. 

Le deuxième, c’est la répétition – dire ou chanter inlassablement la même chose. Le troisième, c’est l’usage de slogans – réduire des idées complexes à de simples formules. Les gouvernements, les armées, les partis politiques, les groupes religieux, les religions, tous recourent constamment à ces trois méthodes et y ont toujours recours.

Notons que Doris Lessing veut nous amener à comprendre qu’il est important que nous nous étudions et que nous étudions ensuite les différents schémas dont usent les autorités pour manipuler la masse. Mieux, il s’agit d’un appel à la prise de conscience et à la vigilance. Vigilance, car c’est en observant ces systèmes de pensées et en cherchant à comprendre leur fonctionnement que nous cesserons d’être victimes de ces manipulations. 

C’est ce qu’elle nous dit lorsqu’elle affirme : Nous pourrons observer de plus en plus souvent à l’avenir des gouvernements appliquant les résultats des recherches sur le lavage de cerveau, mais seulement si nous voulons les observer, si nous sommes décidés à ne pas en être victimes

Il convient donc ici de préciser que les origines de la guerre sont multiples. Cependant la persistance des conflits relève de l’attitude passive des hommes. Ces derniers ne mettent pas comme il se doit en application les différentes connaissances qu’ils ont sur eux-mêmes. 

Cette raison est la plus fondamentale et peut-être associée au refus de correctement user de sa raison, pas seulement user, mais également la cultiver et dans cette culture figure l’étude des systèmes et des schémas dont usent les autorités pour maintenir la masse comme le dira Kant dans la minorité. C’est la prise de conscience et la compréhension tardives de ces schémas qui font naître les conflits dans nos sociétés.

3- L’étude de l’histoire comme processus de pérennisation de la paix. 

L’histoire est le récit des événements passés. Elle constitue le socle à partir duquel se perpétue la vie. L’histoire est ce qui fait l’homme, mieux on connaît un homme de par son histoire. Ainsi donc pour mieux connaître le monde et savoir comment y vivre, il est important de connaître son histoire. 

L’étude de l’histoire permet alors à l’homme de se reconnaître dans le présent, de s’identifier par rapport au passé et de se situer dans le futur. C’est cela même que dit Adolf Hitler lorsqu’il affirme : « Étudier l’histoire, c’est rechercher les causes déterminantes des événements historiques. ».  

Doris Lessing dans le même ordre d’idée explique qu’il faudrait revoir la définition de l’histoire que l’on enseigne aux enfants car cette définition dévalorise l’histoire et les empêche de comprendre en quoi il est important de l’étudier. Elle l’exprime clairement lorsqu’elle écrit : 

Je crois qu’on ne devrait pas enseigner aux enfants, comme on le fait d’ordinaire aujourd’hui, que l’histoire est la chronique d’événements depuis longtemps passés qu’il convient de connaître pour une raison ou une autre. On devrait leur dire plutôt qu’elle est comme un récit où l’on peut apprendre non seulement ce qui s’est passé, mais ce qui pourrait arriver et arrivera sans doute de nouveau.

Doris Lessing interpelle par rapport à la valeur que nous accordons de nos jours aux disciplines telles que l’histoire, l’anthropologie et la littérature. Il est sans aucun doute que notre monde devient de plus en plus moderne et que la technologie semble atteindre son plus haut degré. Toutefois ce n’est pas pour autant, nous dit l’auteure, une raison pour négliger les sciences que l’on appelle communément ‘‘théoriques’’. 

Au contraire, ce sont ces disciplines qui permettront plutôt de mieux comprendre le monde, de mieux nous découvrir et de mettre à profit les connaissances que nous avons de nous-mêmes. Il est du devoir de l’homme d’œuvrer pour la transformation et le progrès de l’humanité. Pour ce faire, il est important qu’il fasse partie d’un groupe de personnes, d’individus avec lequel il partage des ambitions communes. 

Car comme nous l’avions dit plus haut, c’est l’homme qui détient le pouvoir, qui a la capacité de transformer ce monde de conflits en un monde harmonieux. Doris Lessing affirme : « J’ai pourtant la conviction que c’est toujours l’individu, au bout du compte, qui donne le ton et permet vraiment à une société de progresser. ». 

Soulignons que les conditions de vie de l’homme de nos jours se sont améliorées contrairement aux siècles passés. La communauté humaine s’élargit et s’améliore. Aujourd’hui les hommes détiennent la liberté de pouvoir exprimer et faire véhiculer leurs pensées. Ils ont eu à amasser énormément de connaissances et de savoir-faire. 

On remarque de plus en plus dans nos sociétés la floraison de têtes pensantes, de personnes qui osent sortir de la boîte et qui tracent leur propre chemin. Doris Lessing dit qu’il ne faudrait pas que le peuple attende toujours les dirigeants. Elle demande aux peuples d’opter pour l’anticonformisme afin de mieux œuvrer pour l’épanouissement de l’être. 

Ce processus de développement et d’émancipation de l’homme n’est pas une tâche aisée. Toutefois il existe de ces individus qui parviennent à penser et à œuvrer de leur propre chef.  Cette minorité doit pouvoir instruire les jeunes et leur transmettre des valeurs à travers l’histoire : d’où le rôle de l’histoire dans le processus de pérennisation de la paix dans nos sociétés. Doris Lessing affirme dans son ouvrage : « De tels gens, de tels individus seront un grand ferment de progrès, et une société aura de la chance si elle en compte beaucoup. ». 

Il est important de souligner également que les écrivains selon Doris Lessing ont un rôle important à jouer dans le processus de pérennisation de la paix. C’est pour cela que l’écrivain doit être libre de manier sa plume sans être contraint. Les écrivains constituent une unité mais dans cette unité il existe une diversité, une diversité d’opinions sur les sujets de leur temps. 

C’est en cela que les cercles d’écrivains se meuvent en association probant la pensée commune. Malheureusement Doris Lessing nous dit qu’il s’agit-là d’un danger, un obstacle pour le progrès. L’art d’écrire doit être libre et spontané, l’écrivain dans son processus d’écriture doit savoir s’exprimer clairement et parler en toute sincérité. 

Doris Lessing affirme : « Si un écrivain part de son expérience personnelle en toute sincérité, il parle nécessairement aussi au nom des autres hommes. ». Fatou Diome exprime également cela dans l’un de ses ouvrages de la manière suivante : « Lorsqu’elle est dictée par la sincérité, l’écriture reste aussi personnelle que le timbre d’une voix, surtout, elle porte une vision du monde qui n’engage que l’auteur. ».

Conclusion

Le monde a été marqué par des conflits de toutes sortes et tous ces conflits résultent de l’attitude passive de l’homme. Si les conflits continuent de persister de nos jours dans nos cités, les hommes en sont responsables puisqu’ils détiennent des connaissances qu’ils ne sont pas en mesure d’appliquer. L’une des raisons centrales qu’il ne faut pas perdre de vue est l’amour de la guerre. Mieux, les hommes se font la guerre parce qu’ils adorent la guerre. Elle leur permet de découvrir leurs potentialités et de se découvrir. Doris Lessing soutient avec ferveur que les conflits ne cesseront guère si les hommes ne prennent pas la peine de s’étudier eux-mêmes tout en reconsidérant les différents schémas qui guident leurs pensées. Il faut retenir ici, que les hommes doivent redéfinir leur position tout en accordant davantage à l’histoire, à la littérature et à la psychologie. Ce n’est qu’à la lumière de ces sciences qu’il saura faire la part des choses et s’adapter dans un monde dont le progrès est de plus en plus croissant. L’éducation de la jeunesse est également un élément central à ne pas oublier car c’est à travers l’histoire que les générations futures sauront réagir face aux défis du présent et mieux préparer le futur. 

Références bibliographiques

Catalina Sagarra Martin, Le génocide des Tutsi, Rwanda 1994, Lectures et écritures, Paris, Presses Universitaire de Laval, 305p.

Diome Fatou, Le verbe libre ou le silence, Paris, Albin Michel,  2023, 141p.

Hitler Adolf, Mein Kampf (Mon combat), Paris, Nouvelles éditions latines, Tome 1, 652p. 

Lessing Doris, Ces prisons où nous choisissons de vivre, Paris, J’ai lu, 2021, 154p.

Schopenhauer Arthur, L’art d’avoir toujours raison, www.schopenhauer.fr, 28p. 

Sun Tzu, L’art de la guerre, 49p.

Par Régis M. HANTAN

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