Niyi Saakibou Mayowa est un écrivain béninois indépendant qui traite plus les sujets ayant rapport à la politique. Étant passionné de voyage, de culture et d’aventures, il nous plonge dans son esprit créatif et fictif à travers ses œuvres.
Volet 1 – Questions sur la dynamique littéraire :
LDL : Bonjour Monsieur Niyi Saakibou Mayowa Bienvenu sur notre plateforme livresque L’ivre du livre.Nous sommes ravis de vous recevoir pour échanger autour de votre passion pour la littérature. Pouvez-vous vous présenter davantage à nos lecteurs ?
NSM : Bonjour Ruth. Bonjour mes lecteurs et lectrices. Merci pour l’interview. Je suis Mayowa, l’écrivain que votre cœur désire. Je suis d’Akpassi, dans la commune de Bantè, département des collines, en République du Bénin. Je suis diplômé en Science politique (Université d’Abomey-Calavi) et en langue arabe (Université islamique de Médine). Je parle Nago, Yorouba, Français, Anglais, Arabe, un peu Espagnol et je me débrouille en Fon. J’aime les voyages, les découvertes, les tête-à-tête fructueux.
LDL : Vous évoquez dans votre roman « Le royaume des damnés » des réalités politiques et sociales du Bénin. Quels auteurs ou courants littéraires vous ont inspiré pour aborder ces thématiques de manière si captivante ?
NSM : Ma formation universitaire, c’est-à-dire la Science politique, est assez suffisante pour m’interpeler à observer d’un œil critique l’évolution de la situation socio-politique de notre pays, que ce soit du côté des dirigeants que des dirigés, surtout en période électorale. Et la réalité elle-même m’interpelle en tant qu’écrivain, porte-parole de la vérité.
LDL : Votre livre traite de la vie politique en Afrique, en particulier dans les pays comme le Bénin. Quel est votre point de vue sur le rôle de la littérature dans la dénonciation des problèmes politiques et sociaux de la région ?
NSM : Nous parlons aujourd’hui du livre Le Royaume des damnés, une production littéraire qui dépeint les maux et met chaque camp face à ses responsabilités. C’est déjà la preuve que la littérature, et surtout celle africaine, a pour vocation de contribuer à l’amélioration de la situation socio-politique, économique et culturelle de notre continent à travers une prise de conscience généralisée.
LDL : Certains écrivains africains ont été célèbres pour leur utilisation de l’humour et de la satire pour critiquer la société. Comment utilisez-vous l’humour dans votre roman pour évoquer des sujets sérieux tels que la manipulation politique ?
NSM : Il y a des situations qui, lorsqu’elles atteignent un niveau, provoquent, non de la colère et de l’irritation, mais du rire, un rire amer bien sûr. C’est l’effet qu’a eu sur moi Allah n’est pas obligé de Amadou Kourouma. La situation socio-politique du Bénin, le comportement social aussi bien des acteurs politiques que du peuple lui-même, prêtent à rire. C’est au-delà du ridicule. Et c’est cela que j’ai peint dans Le Royaume des damnés.
LDL : La description du quartier présidentiel et du domicile de Olola dans votre livre est très évocatrice. Comment choisissez-vous les décors et les ambiances pour renforcer l’immersion du lecteur dans votre récit ?
NSM : La réalité et la fiction. Dans la réalité, vous avez des gens qui vivent dans l’aisance, avec des milliards qu’ils ne dépenseront jamais, et vous avez aussi des gens qui n’ont pas de quoi vivre. Dans la réalité, les uns sont extrêmement riches, les autres extrêmement pauvres et on en trouve aussi qui sont entre les deux. Quand on veut donc évoquer, dans une création imaginaire, des faits qui ont trait à la réalité, ne vaut-il pas mieux de regarder ce qui se passe autour de soi ?
LDL : Votre roman évoque des événements politiques réels du Bénin, mais il semble également laisser place à une certaine fiction. Comment trouvez-vous l’équilibre entre la réalité et la création littéraire pour captiver le lecteur tout en lui permettant de réfléchir sur les enjeux politiques ?
NSM : Le Royaume des Damnés est une création littéraire d’inspiration réaliste. Les personnages, les lieux, la chronologie des événements, l’atmosphère qui règne dans le roman, ce sont les purs produits de la créativité de l’écrivain que je suis. Et tout cet environnement romanesque mis en place a un seul but : attirer l’attention sur la réalité, la réalité sociologique, la réalité politique, la réalité économique, ce qui se passe autour de nous. Et je peux affirmer que personne ne peut lire Le Royaume des Damnés sans se poser de sérieuses questions. Avoir cette capacité d’alterner entre réalité et imagination relève du processus interne de création.
Volet 2 – Questions spécifiques sur l’œuvre « Le royaume des damnés » :
LDL : Dans « Le royaume des damnés », vous présentez Olola, un directeur de cabinet déchu, qui est confronté aux réalités politiques de son pays. Pourquoi avez-vous choisi ce personnage comme protagoniste de votre histoire ?
NSM : Si ce n’était pas lui, ç’aurait été certainement quelqu’un d’autre. Mais le plus important, c’est le message que le vécu de ce personnage transmet à la jeunesse africaine et celle béninoise en particulier.
LDL : Votre roman met en lumière le rapport complexe entre les dirigeants et les dirigés dans un contexte politique instable. Comment votre expérience personnelle et votre connaissance du Bénin ont-elles influencé la création des personnages et des situations dans l’histoire ?
NSM : Observer. Analyser. Comprendre. Créer. Voilà le processus. Tout est là, avec nous. On y vit, de sorte que cela est même devenu normal. Ce qui se passe par exemple durant les périodes électorales, le clientélisme électoral, les détournements, l’instrumentalisation de l’ignorance collective des populations, ce sont des choses qui se font, et elles sont même devenues la règle du jeu. Mais est-ce normal ? Aucune personne sensée ne dira oui. Tu me donnes de l’argent, je vote pour toi. Est-ce la meilleure manière d’agir ? A chacun d’interroger sa conscience !
LDL : Les élections et les campagnes électorales jouent un rôle important dans votre livre. Quel message souhaitez-vous transmettre aux lecteurs à travers cette représentation réaliste de la politique électorale en Afrique ?
NSM : Etre idiot, c’est boire l’eau de mer en espérant étancher sa soif. Que l’on se demande : ce qu’on prend auprès des politiciens pendant les campagnes, et ce depuis des années, quel problème sérieux cela nous permet-il de résoudre ? Ce que je veux surtout qu’on comprenne, c’est qu’on ne peut pas demander de l’argent aux candidats avant de voter pour eux et espérer qu’une fois au pouvoir, ils ne cherchent pas à récupérer leurs sous. Ce serait très idiot de penser ainsi. La solution est simple : ne demandons pas de l’argent aux politiciens, demandons-leur ce qu’ils feront quand ils seront élus. Et votons pour eux si leur projet nous intéresse. Car, ce qui est sûr et certain, c’est que tant qu’on aura pour objectif de prendre de l’argent auprès des politiciens avant de voter pour eux, il ne faut s’attendre à aucun développement. Je peux vous le garantir !
LDL : L’évolution de Olola dans le roman, qui le conduit à se forger une personnalité en dehors de la politique, est très intéressante. Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes générations à travers son parcours ?
NSM : Quand on est jeune, on se forme, on s’instruit, on se construit. C’est ce qu’Olola n’a pas fait, et il en a fait les frais. Le prix de la formation coûte bien moins cher que les difficultés auxquelles on fait face quand on n’a pas la formation adéquate. Un jeune sans formation, sans instruction, sans bagage intellectuel ne peut être qu’un papier mouchoir : on ne s’en sert qu’une fois, et on ne le garde pas.
LDL : « Le royaume des damnés » évoque des sujets sociaux et politiques sensibles. Avez-vous rencontré des défis particuliers lors de l’écriture de ce roman, et comment avez-vous réussi à les surmonter pour aboutir à ce récit percutant ?
NSM : Le noble défi que j’ai relevé est d’avoir réussi, d’une manière ingénieuse et créative, à faire vivre en même temps des réalités radicalement opposées, et parfois même au sein d’un même couple. Sènan et Olola par exemple ne sont pas de la même classe sociale. Ils n’ont pas la même éducation, ni la même formation ni la même philosophie de vie. C’est être très créatif que d’avoir su agencer toutes ces réalités diverses, parfois contradictoires, et en faire une œuvre originale, comme peut en témoigner toute personne qui a lu Le Royaume des Damnés.
LDL : Vous êtes auteur d’un recueil de contes, “Celle qu’il ne faut jamais croire” quel est l’intérêt de ce genre littéraire issu de l’oralité, selon vous a-t-il de beaux jours devant lui ?
NSM : Avec Mayowa, il y a une certitude : il n’y aura pas de mauvais jours ! En ce qui concerne les contes, l’intérêt qui y pousse et les intérêts qu’on en tire ne sont plus à démontrer. Pour toute personne qui s’y est intéressée, il est évident que les contes sont un trésor, une richesse grandiose, à tel point que je peux affirmer que les perdre, c’est se perdre soi-même. Ne vous inquiétez donc pas, les contes ont leurs meilleurs jours devant eux !
LDL : Quelles ont été les difficultés personnelles que vous avez rencontrées lors de l‘écriture de ce conte ?
NSM : Je n’ai pas eu personnellement de difficultés concernant l’écriture de cet ouvrage. Je crois que cela est dû à ma capacité de concentration, à ma créativité et à mon imagination. Si je peux évoquer une difficulté, ce serait concernant les noms (en Nago ou en Français, selon le cas) des animaux qui constituent l’univers de cette œuvre. Et cette difficulté a été résolue grâce à mes recherches.
LDL : Quels sont vos prix et distinctions que vous avez reçus tout au long de votre parcours ?
NSM : Je ne suis pas pressé d’en recevoir !
LDL : Un mot sur vos sources d’inspirations et vos défis relevés en ce qui a trait à l’édition de vos livres ?
NSM : Je tire mon inspiration de tout ce qui peut m’inspirer : la réalité, les voyages, mes ambitions, mes échanges avec mes proches, ma vision… En ce qui concerne l’édition, l’essentiel est d’avoir un éditeur compréhensif. Et en ce sens, je félicite mon éditeur pour son ouverture d’esprit. Étant lui-même écrivain, il a une parfaite idée de ce que c’est qu’être écrivain en Afrique, et surtout au Bénin. Quant à moi, mon travail est plutôt satisfaisant, et je m’en félicite !
LDL : Un mot pour terminer cet entretien !
NSM : Lisez Mayowa, plus que vous ne mangez. Car, la nourriture prend soin de votre corps, mais Mayowa, lui, prend soin de votre esprit !
Merci à vous !
Propos recueillis par Ruth AMOUSSOUGA