Publié en 2000 ce livre de 334 pages de Achille MBEMBE est un essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine. DE LA POSTCOLONIE est devenu très rapidement un classique dans le monde anglophone compte tenu de la qualité de son contenu. C’est un livre qui apporte une importante contribution à la critique de la tyrannie et de l’autoritarisme. DE LA POSTCOLONIE : essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine a été édité par Karthala.
Dans cet ouvrage, Achille MBEMBE définit la postcolonie comme ce qui renvoie, simplement, à l’identité propre d’une trajectoire historique donnée : celle des sociétés récemment sorties de l’expérience que fut la colonisation, celle-ci devant être considérée comme une relation de violence par excellence.
Plus que cela, pour Achille MBEMBE, la postcolonie pose de façon aiguë, le problème de l’assujettissement, et de son corollaire, l’indiscipline ou, pour ainsi dire, de l’émancipation du sujet.
Achille MBEMBE de prolonger sa réflexion en présentant ce qui fait la banalité du pouvoir en postcolonie : est donc celui de l’ordre de la banalité dans nos États de la postcolonie, tout ce qui se répète sans grande surprise, dans les faits et les gestes de tous les jours.
Ainsi, par banalité du pouvoir, nous entendons ces éléments de l’obscénité, de vulgarité et de grotesque qu’on ne devrait en principe trouver que dans les structures non officielles.
Quelle est la pratique de la vulgarité du pouvoir, au Cameroun, un État de la postcolonie ?
Le 05 octobre 1988, le Chef de l’État, M. Paul BIYA rentrait d’un voyage aux Nations Unies où il venait de s’adresser à l’assemblée générale. L’intervention du chef de l’État qui ne contenait aucune idée, ni proposition de nature à susciter un engouement particulier au sein d’une opinion internationale préoccupée par d’autres questions.
Toujours est-il que le discours fut télévisé au Cameroun. Le voyage lui-même qualifié de périple triomphal.
À l’occasion du retour du Président de la République, le délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé, publia un communiqué dans lequel il invitait toutes les populations de la ville de Yaoundé à se lever comme un seul homme pour témoigner à son Excellence Monsieur Paul BIYA, avocat du Tiers-monde et artisan d’une coopération sans exclusive, le soutien de tout le peuple camerounais.
Afin de faciliter la participation « spontanée » de la foule à cet accueil exceptionnel, les boutiques furent fermées à partir de 13 heures. Bref, l’objectif en gestion du pouvoir Post-coloniale étant, à chaque occasion, d’utiliser un évènement banal et anodin dans le but de produire un surcroît de prestige, de fiction et de magie.
Les parcelles de territoire de la postcolonie, que sont les villes africaines, sont très souvent des zones de productions de vulgarité politique. Certains événements fort simples, comme la visite d’une autorité locale à un pays étranger peut être annoncé à grande pompe. Pourtant, il s’agit souvent de simple villégiature dont il ne fallait pas accorder plus de signification qu’elle ne mérite .
Or, autour de tel événement, les communicants des autorités locales s’engagent par une organisation particulière du vocabulaire, pour trouver des conventions verbales marquées par l’extravagance et la vanité et des figures de l’excès dont la fonction est d’affubler les concernés de titres extravagants.
Il faut être vigilant et tourner le dos à cette forme de pratique du pouvoir fondée sur la banalité. Surtout apprendre à se défaire de la propagande désorbitée, insipide, dans laquelle la déformation, la désinformation, l’obscénité, les commentaires tendancieux et les bavardages saugrenus sont ce qui tient lieu de programme de développement de certaines localités rurales.
EBAGNE BEKEMEN SÉVERIN