La salle Jean Finant de l’Alliance française de Kisangani dans la province de Tshopo en R.D.C s’est transformée, samedi, le 06 décembre 2025, en un véritable écrin de souvenirs, d’émotions et de célébration artistique. C’est dans cette atmosphère vibrante qu’a été dévoilée Portrait pluriel de la ville de Kisangani en poèmes et en chansons, la toute nouvelle œuvre de Joseph César AFUNDI Monene , juriste, banquier, mais avant tout écrivain au verbe limpide et à la sensibilité patiente.
Parmi les invités, une personnalité a retenu l’attention : le professeur TOENGAHO, ancien recteur de l’UNIKIS, venu saluer l’événement.
L’Union des écrivains du Congo rend hommage à l’un de ses artisans.
La cérémonie s’ouvre sur les mots chaleureux du président provincial de l’Union des Écrivains du Congo, section Tshopo. D’une voix empreinte de fierté, il salue le travail d’AFUNDI Monene, « qui enrichit encore une fois la corporation par une œuvre de l’esprit marquante ».
La salle applaudit longuement : preuve que Kisangani continue d’enfanter des plumes capables d’illuminer son identité polymorphe.
Émile Bongeli : une préface comme un phare
Place ensuite au préfacier, le professeur ordinaire Émile Bongeli Yeikelo Ya Ato, qui offre une analyse dense, à la fois rigoureuse et chaleureuse. Il inscrit l’ouvrage dans la longue tradition artistique de Boyoma, ce carrefour d’esthétiques où poètes, musiciens, conteurs et sculpteurs n’ont cessé de réinventer la ville.
Selon le professeur, AFUNDI réussit à saisir Kisangani dans toutes ses nuances , ses grandeurs autant que ses blessures , et à la dépeindre « dans ses frasques les plus merveilleuses comme dans ses turpitudes les plus ignominieuses, dans ses illusions comme dans ses réalismes, dans sa beauté comme dans sa laideur ».
Un kaléidoscope de noms, d’épithètes et d’identités
Le livre est présenté comme un véritable bijou littéraire, un miroir à facettes où se croisent tendresse, satire et regard critique. On y retrouve les surnoms qui ont façonné l’imaginaire populaire :
- « Kisangani-Boyoma-Singa-Mwambi »;
- « Malekesa », « paradis terrestre »;
- « ville aux mille plaisirs », mais aussi des formules plus acerbes, à l’image de
- « Boyoma devenue poubelle » ou du dicton railleur ;
- « Kisangani inapita Bulaya na giza » Kisangani dépasse l’Europe… en obscurité.
Kisangani, ville mythique et capitale de la beauté féminine
L’un des passages les plus évocateurs évoque la réputation presque légendaire de Kisangani : celle d’abriter les plus belles femmes du Congo. Le professeur Bongeli rappelle que les géants de la musique , Wendo Kolosoy, le Grand Kallé, Rochereau Tabu Ley, Pierre Bisikita, Franco Luambo, Sam Mangwana, Docteur Nico , ont abondamment chanté cette grâce boyomaise.
Le refrain emblématique n’a rien perdu de sa magie : «Ba momies nyoso paniques na Kisangani» qui se traduit par toutes les femmes sont belles à Kisangani.
D’autres poètes iront jusqu’à affirmer qu’elles sont « les plus belles du pays ». Cette réputation a nourri un mythe social durable : annoncer un voyage à Kisangani suffit encore aujourd’hui à semer la panique dans certains foyers d’ailleurs…
Bien sûr, les caricatures et les clichés n’ont pas manqué, parfois acerbes, parfois injustes. AFUNDI les aborde dans son ouvrage avec distance, lucidité et humour.
Une mémoire musicale ressuscitée
Le livre ouvre également une fenêtre lumineuse sur les années 1970, époque où Kisangani vibrait au rythme de la danse Kebo, des orchestres Singa Mwambe et Les Maquis, ou encore des sonorités urbaines nées des quartiers populaires : une musique brute, électrique, devenue emblématique.
Parmi les figures rappelées, on retrouve :Miki, dont le cri légendaire « Chakula yako iyi, ayo iyi, haina supu ! » continue de résonner ; Mukanga Déesse, danseuse révélée par le Kebo avant de devenir une icône de la scène kinoise.
Les blessures de l’histoire : guerres, pertes et résilience
AFUNDI Monene n’ignore pas les cicatrices. Il revisite avec retenue les pages sombres de la ville : les conflits de 1960 à 1967, puis ceux des années 1990, qui ont emporté des générations entières d’intellectuels et de cadres. Il en parle avec sobriété, sans pathos, rappelant que Kisangani, meurtrie mais tenace, n’a jamais cessé de se relever.
La marque du Collège du Sacré-Cœur
Le professeur Bongeli insiste également sur la qualité de l’écriture, façonnée par la formation rigoureuse des Pères du Sacré-Cœur au Collège du même nom (aujourd’hui Institut Maele). Une prose élégante, structurée, héritée de la grande tradition classique : « la belle plume des anciens ».
« AFUNDI en est l’un des héritiers les plus fidèles », conclut-il. “Donner à Kisangani son propre miroir” : la vision de l’auteur
Lorsque l’auteur prend la parole, il dévoile la finalité de son travail : offrir à Kisangani un miroir multiple, façonné par les voix qui l’ont idéalisée, critiquée ou pleurée. Son ouvrage se veut à la fois archive, hommage et passerelle , destinée à la jeunesse comme à la diaspora boyomaise éparpillée à travers le monde.
Le moment fort : le vernissage officiel
Le point d’orgue de la soirée est la présentation officielle du livre par le professeur Alexis Katambwa Mutombo. Dans un geste noble, il dévoile l’ouvrage sous les applaudissements nourris d’un public conquis. Une fierté palpable parcourt la salle.
Exposition, échanges et premières dédicaces
Pour conclure, les premiers exemplaires sont exposés, avant une séance de vente-dédicace très attendue.
Lecteurs, universitaires, artistes et amoureux de Kisangani se pressent autour de l’auteur, convaincus que ce livre s’imposera comme une référence incontournable de la mémoire culturelle boyomaise.
Fiston Axel ILUNGA Kabasele, Représentant de l’ivre du livre-RDC
