Dernier ouvrage d’Ahmadou Kourouma, Quand on refuse on dit non est un roman inachevé publié à titre posthume en 2004 aux Éditions du Seuil. On y retrouve Birahima, l’ex enfant-soldat de Allah n’est pas obligé de retour en terre ivoirienne. Sur 158 pages, Ahmadou Kourouma nous retrace les moments difficiles de l’histoire de la Côte d’Ivoire à travers la voix de la belle Fanta, mais aussi à travers les yeux de Birahima. A quoi peut-on s’attendre quand sa patrie est divisée par des guerres incessantes ?
Présentation de l’ouvrage Quand on refuse on dit non d’Ahmadou Kourouma et impressions sur la couverture
L’ouvrage Quand on refuse on dit non de Ahmadou Kourouma, se présente sur un fond blanc-noir. La première de couverture nous présente l’image d’un jeune enfant, torse nu. Le nom de la maison d’édition est situé dans l’angle droit. Puis au centre de la couverture on voit le nom de l’auteur ainsi que le titre de l’ouvrage.
A la quatrième de couverture, se situe en haut dans l’angle droit :
- le nom de la maison d’édition;
- le nom de l’auteur suivi du titre du livre;
- d’un résumé de l’œuvre;
- d’un passage tiré du livre;
- d’une courte biobibliographie de l’auteur, d’un petit commentaire puis de l’ISBN.
L’image du jeune garçon, torse nu à la première de couverture, fait penser à une intrigue dont le nombril serait les aventures d’un jeune garçon. L’expression du visage de l’enfant, illustre ou du moins exprime de la nostalgie. On peut s’imaginer qu’il s’agit dans l’œuvre de l’histoire d’un jeune garçon qui a été témoin d’un certain nombre d’événements. Particulièrement des événements qui ont bouleversé le cours de sa vie.
Résumé de l’œuvre Quand on refuse on dit non d’Ahmadou Kourouma
Ahmadou Kourouma à travers la voix de la belle Fanta, nous conte l’histoire de la Côte d’Ivoire notamment de la guerre tribale. Birahima et Fanta vivant à Daloa furent obligés ainsi que d’autres personnes de fuir l’atmosphère invivable de la ville de Daloa. Les loyalistes accompagnés des mercenaires, ont commis des massacres incalculables.
En route vers des villes voisines, Birahima et Fanta seront confrontés à des situations difficiles ainsi que les quelques personnes qui les suivaient. La découverte des différents charniers, notamment celui de Youpougon qui est d’ailleurs la plus grande. Elle va faire prendre conscience à nos héros de la proximité de l’épée de Damoclès.
Allant de ville en ville, Fanta et Birahima ainsi que ceux qui étaient avec eux furent toujours bien accueillis. Cela à cause de la popularité du père de Fanta. Fanta faisait partie de ces jeunes femmes ayant une tête bien faite. Ayant obtenu son baccalauréat et attendant de poursuivre ses études au Maroc, elle s’engagea à apprendre au petit Birahima l’histoire.
Mais aussi la géographie de la Côte d’Ivoire. Celui-ci est toujours volubile mais également charmé par la beauté de Fanta. Il se contentait donc de traduire et d’interpréter avec ses propres mots ce qu’il a retenu de l’histoire et de la géographie de la Côte d’Ivoire. Des notions que lui contait Fanta.
Birahima, aussi habile et volubile comme dans Allah n’est pas obligé, ne laissait rien lui échapper.
Analyse et avis sur le roman quand on refuse on dit non d’ ahmadou kourouma
« Et quand on refuse, on dit non. » disait Samory Touré. Ahmadou Kourouma avec son grand génie, nous embarque dans Quand on refuse on dit non, dans un voyage émouvant de l’histoire de la grande Côte d’Ivoire. La guerre tribale a été un vrai propulseur de toutes les pratiques inhumaines et dégradantes.
A travers cette histoire de la Côte d’Ivoire, l’auteur nous conte en effet l’histoire de tous les pays de la côte occidentale d’Afrique. Ces pays corrompus jusque dans la moelle, et souvent marionnettes de l’Occident. La guerre tribale qui a éclaté en Côte d’Ivoire dont nous parle l’auteur a introduit dans la vie des ivoiriens, un changement radical.
Cette guerre qui a envahi la ville de Daloa comme nous le raconte l’auteur a annihilé la valeur ainsi que la place qui revenait au peuple ivoirien. Comme l’illustre les propos même de l’auteur décrivant cette situation :
« Le singe qui s’est échappé en abandonnant le bout de sa queue dans la gueule du chien n’a pas dans l’échappée la même allure que les autres de la bande.« p11.
Tout le peuple affolé, ne savait à quel saint se vouer. Même les grands hommes, les grands cadres du pays on été obligé pour des raisons de sécurité de s’exiler. En un mot, la guerre tribale a créé la débandade dans tous les rangs. Mais ceux qui sont le plus en danger sont les Dioulas.
Kourouma à travers les mots de Birahima nous explique cet état de chose:
« Pour fuir la mort, tous les cadres dioulas, tous les opposants au régime sont allés très loin griller leur arachide.« p22.
Comment expliquer le fait que dans un même pays, un peuple se révolte contre l’autre ? Un peuple ou un clan a-t-il plus de droits qu’un autre ? La situation que décrit Kourouma pousse à s’interroger sur la question de l’égalité sociale ou mieux encore de la cohésion sociale en Côte d’Ivoire.
Comment vivre dans la sérénité dans un pays où peut à chaque instant résonner des coups de feu et des chasses à l’homme ? Kourouma décrit cette atmosphère à travers l’attitude de Birahima dans l’œuvre :
« Sans attendre, je me suis roulé sous un lit. » p.30 Ou même un peu plus loin, l’auteur nous montre que les larmes battent leur plein dans ce genre d’atmosphère: « Même les yeux gonflés par une journée de pleurs… » p31.
Kourouma à travers son œuvre, présente le contexte politique de la Côte d’Ivoire. En le faisant, il démontre jusqu’où les mauvaises pratiques peuvent contribuer à maintenir les pays africains dans le sous-développement. Il s’agit notamment de la corruption, la gabegie ainsi que toutes les autres formes.
Certains dirigeants africains corrompus critiqués par le peuple invitent parfois ce dernier à devenir un fidèle de la corruption. A travers la propagande et des discours pimpants, ils légalisent la corruption qui devient pour eux un mode de vie justiciable. Le peuple, assoiffé de liberté et de justice se voit envoyé à la figure des discours taillés sur mesure, les exhortant à faire un pacte avec la corruption.
A titre illustratif, Kourouma nous rapporte quelques proverbes africains souvent utilisés comme slogans destinés à promouvoir la corruption. On peut les lire à la page 91 :
« On ne regarde pas dans la bouche de celui qui est chargé de décortiquer l’arachide. »
Cet état de chose à provoquer en Côte d’Ivoire, l’introduction de nouvelles expressions dans la langue, destinées à coder la corruption, la rendre moins visible. On peut retrouver ces expressions à la page 91, des expressions telles que: « fais-moi », « mouille ma barbe », « coupe mes lèvres » etc… Cette œuvre d’ Ahmadou Kourouma est tellement intéressante, tellement riche qu’on ne peut s’en lasser.
Ahmadou Kourouma nous montre également à travers l’histoire de la gouvernance politique en Côte d’Ivoire l’image de la démocratie, de la gouvernance des pays dits démocratiques en Afrique. La politique est un art qui possède ses arcanes, mais la politique africaine est à revoir. Les régimes politiques en Afrique sont pour la plupart patrilinéaire : ils se transmettent de père en fils ou pire encore sont comme des terrains de jeu où personne ne veut perdre.
L’auteur a su mieux résumer cette pensée dans cette phrase de la page 105 lorsqu’il dit:
« Quand on est président et qu’on prépare les élections, se faire élire est un jeu d’enfant. »
Plus loin, il dénonce cette politique à travers la voix de Fanta toujours à la même page lorsqu’il dit :
« Comme si la Côte d’Ivoire était un royaume millénaire, une seule tribu, sa tribu de Baoulé. »
Quand on refuse on dit non d’Ahmadou Kourouma, est constitué :
- d’une biobibliographie de l’auteur;
- d’une citation de l’auteur lui-même servant en quelque sorte de liminaire à l’œuvre;
- de trois chapitres;
- d’une note sur l’édition;
- d’un synopsis;
- d’une table des matières;
- d’une bibliographie de l’auteur;
- d’une liste des dernières parutions de la maison d’édition.
L’œuvre est écrite dans un style accessible à tous, le mélange des registres soutenus et courants permettent au lecteur d’avoir une compréhension générale de l’œuvre. La présence des interjections ainsi que des mots argotiques (walahe, merde, Faforo…) donne plus d’humour et d’entrain à l’œuvre.
Le roman Quand on refuse on dit non est également une grande source d’histoire. Il peut permettre à toute personne lambda d’avoir une idée sur l’histoire de la Côte d’Ivoire. Mais également de connaître les origines et nationalités des différents hommes politiques du pays. Dans cette œuvre, chaque pays trouve une part de lui-même.
Mieux, Ahmadou Kourouma à travers le récit des événements survenus en Côte d’Ivoire a fait en quelque sorte l’état des lieux de la gouvernance des pays de l’Afrique Occidentale.
Soulignons toutefois que malgré la richesse de l’œuvre, elle ne donne pas la liberté au lecteur de voguer, de voyager comme il l’aurait souhaité. Malgré tout ce qu’elle a de bien comme le récit des événements survenus en Côte d’Ivoire. Les définitions des termes et autres ne rapproche pas en réalité du genre romanesque.
L’auteur met le lecteur sur sa fin, on a même l’impression qu’il a posé les personnages comme un décor afin de faire sa narration. L’ouvrage se confond à une œuvre d’histoire mêlée d’une intrigue inachevée qui malheureusement laisse le lecteur sur sa faim.
La longueur des propos de Fanta, que l’auteur à utiliser pour atteindre son but de narratologie peut fatiguer et même donner l’air d’une monotonie à l’œuvre.
Retenons de cette lecture que le continent africain en général et les pays africains en particulier doivent prendre en main leur responsabilité pour ce qui est de leur émancipation. A travers l’histoire de la Côte d’Ivoire, Ahmadou Kourouma nous appelle à une prise de conscience, une prise de conscience du rôle, du devoir qui est le nôtre pour le rayonnement de notre continent.
Quelques thèmes abordés dans l’œuvre
– L’ivoirité : C’est un thème spécifique, politique ivoirien qui désigne l’ethnie qui a occupé le territoire en premier. En d’autres termes, c’est une forme de droit d’ancienneté sur le territoire ivoirien. Dans l’œuvre, c’est le thème déclencheur des conflits, du fameux problème des « fausses cartes d’identité ».
– La discrimination : Elle est transversale dans l’œuvre. On la retrouve à l’origine des guerres tribales. L’opposition existant entre les Bétés et les Baoulés.
– La corruption : Dans l’œuvre, ce thème est celui qui a le plus révolté l’auteur, la corruption est un mal qui gangrène l’Afrique. L’auteur à travers son style dénonce cette pratique anti-progressiste.
– L’entraide : Ce thème vient équilibrer l’œuvre. Il constitue le témoignage de l’humanisme toujours existant.
– La religion : L’auteur à travers les personnages des voyageurs qui en chemin s’arrêtent aux heures de prière pour prier illustre la valeur, l’importance qu’on accorde aux choses divines.
– La violence : Elle constitue le cœur même de l’œuvre. C’est un thème qui s’exprime et se dévoile sous toutes les dimensions dans l’œuvre.
– La politique : Tout comme la violence, la corruption et autres, la politique est également un thème majeur de l’ouvrage. Elle est la proie derrière laquelle tout le monde se presse, mieux se cache pour accomplir leurs différents desseins aussi sadiques que égoïstes.
Etude de quelques personnages de l’œuvre
– Birahima : C’est un jeune garçon, un ex-enfant soldat. Il est un admirateur de Gbagbo et « l’ange gardien » de Fanta, celle dont il aime la voix mielleuse.
– Fanta : Elle est une jeune fille ayant obtenu son baccalauréat et qui projette de poursuivre ses études au Maroc. Fanta est également la fille du grand Imam Youssouf Haidara. C’est une jeune fille intelligente et généreuse.
– Youssouf Haidara : Il est l’imam de la ville de Daloa possédant une grande réputation. Il enseigne également le français et l’arabe.
– Vasoumalaye : C’est un homme intègre et généreux. Il est l’ami du père de Fanta. Il compatit à la douleur de Fanta lorsqu’il apprend que son père est décédé dans le courant de la guerre tribale.
– Le couple burkinabè : Ils ont également fuit la guerre au Burkina. Ce sont les compagnons de route de Fanta et Birahima.
– Sita : Elle est la femme du cousin de Birahima, et tutrice de ce dernier. C’est une professeure de français au lycée de Daloa.
– Fofana : Il est un grand et riche commerçant de la ville, chez qui Birahima exerce comme apprenti chauffeur.
– Mamadou Doumbia : Il est l’époux de Sita et le cousin de Birahima.
Quelques adages et paroles de sagesse tirées de l’œuvre
– « Où un homme doit mourir, il se rend très tôt, toutes affaires cessantes. » Proverbe angolais p.117
– « Aucun accompagnement ne protège le voyageur à pied contre la solitude de la longue route. » Saliou Doumbia p.101
– « Quand on est sur le manguier, avant de laisser tomber des fruits pour ceux qui sont au sol, on mange bien d’abord, on se gave. » p.99
– « Il n’est pas facile de faire modifier au vieux gorille sa façon de s’accrocher aux branches. » p.95
– « On ne regarde pas dans la bouche de celui qui est chargé de décortiquer l’arachide. On ne doit pas être toujours là à regarder dans la bouche de celui qu’on a chargé de fumer l’agouti. » p.91
– « Le singe taxe de pourrir le fruit du figuier sur lequel il ne peut mettre la main. » p.43
Bref aperçu sur l’auteur
A. Kourouma, né le 24 novembre 1927 à Boundiali en Côte d’Ivoire et mort le 11 décembre 2003 à Lyon en France est un écrivain ivoirien. Après avoir vécu et travaillé dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et pris sa retraite en 1993 dans son pays natal, il vivait en « exil » en France depuis 200. Avec son premier livre, Les Soleils des indépendances (Seuil 1976), il est reconnu comme l’un des écrivains les plus importants du continent africain. Il a également publié Monnè, outrages et défis (Seuil, 1990) et Allah n’est pas obligé ( Seuil 200), roman pour lequel il a reçu le prix Renaudot. Le prix Jean-Gino 2000 lui a été attribué pour l’ensemble de son œuvre.
Bibliographie
* Les Soleils des indépendances
* Monnè, outrages et défis
* En attendant le vote des bêtes sauvages
* Allah n’est pas obligé
* Quand on refuse on dit non
* Le Diseur de vérité
Régis Mahougnon HANTAN est écrivain, poète-slameur, musicien et Chroniqueur littéraire à L’ivre du Livre. Il est philosophe de formation à l’UAC (Université d’Abomey-Calavi).