Le bouillonnement du « Moi » comme outil en quête du bien-être universel  dans le recueil de poèmes « Mes mots et moi » de Chandrelle MOUNTOULA
Le bouillonnement du « Moi » comme outil en quête du bien-être universel  dans le recueil de poèmes « Mes mots et moi » de Chandrelle MOUNTOULA

Le bouillonnement du « Moi » comme outil en quête du bien-être universel  dans le recueil de poèmes « Mes mots et moi » de Chandrelle MOUNTOULA

Chandrelle MOUNTOULA est une jeune poétesse contemporaine qui vit à une époque où le « Moi » revêt un sens significatif propulsé par l’avènement des réseaux sociaux, dont l’utilisation est conditionnée par la mise en évidence, peu ou prou, d’informations personnelles de l’utilisateur. « D’ailleurs, tout le monde faisait pareil », écrit Guillaume Musso dans « L’Appel de l’ange », « L’objet collait à l’époque ».

Chandrelle MOUNTOULA, dans ce recueil de poèmes « Mes mots et moi », s’épanche sur un examen minutieux de son être intérieur. Elle explore les voies les plus secrètes et intimes de son « moi » profond pour prouver au monde que l’individualisme n’est qu’une chimère, mieux, une voie sans issue. Elle part de la dialectique des différences du « soi » pour concilier les ressemblances, elle part de la subjectivité du « moi » pour arborer l’objectivité, dans une sorte de passage du « je » lyrique à une sorte d’épiphanie de Christ, afin de peindre en lettres d’amour un tableau auquel les visionnaires d’un monde abouti se donneront du mal à trouver une faille. Car sa vérité lyrique est celle de Hugo : la poésie constitue une expérience individuelle, mais aussi le support d’expression de la destinée humaine universelle.

Il s’agit donc pour nous de faire le tour minutieux de ce livre, qui se situe dans le contexte du temps, pour voir les matériaux et les outils que la jeune auteure expire et met à profit dans cette grande métamorphose de son « Moi » en un instrument au service du bien-être universel.

Dans ce grand recueil « Mes mots et moi », Chandrelle aborde les grands sujets de l’existence : le féminisme, la beauté, l’indifférence, et bien d’autres. Pour parvenir à ses fins, elle choisit d’entreprendre une démarche toute aussi singulière, c’est-à-dire partir de son « Moi » profond pour dire la vie qui nous définit tous à sa manière. Mais quoi de mieux pour une poétesse que la poésie elle-même pour amorcer ce voyage tendre et passionnant « Dans l’île de patience et du plaisir » (P.17), pour mieux examiner « le mensonge ou la vérité, la moquerie ou la pitié, la peur ou le courage, la faiblesse ou la force, la honte ou l’honneur » (P.15). Ces éléments si paradoxaux qui fondent notre existence méritent l’analyse de notre conscience profonde, puisque selon l’auteure, « elle détient ce sentiment du bien-être » (P.17).

Partant, il est des vérités très sensibles à dire qui nécessitent de la méthode pour les aborder dans un monde dompté par des dogmes et des idéologies extrêmes, qui épousent si bien les âmes et nous révèlent, par cette occasion, bien des facettes de ce que peuvent les hommes quand ils croient dur comme fer détenir une vérité. Alors que la vérité, la vraie vérité, comme disait Albert Camus, est sans cesse fuyante, toujours à conquérir. Vouloir s’en contenter d’un seul aspect reviendrait à faire preuve d’étroitesse d’esprit.

C’est dans cet élan des choses que Chandrelle MOUNTOULA n’hésite pas à descendre dans l’arène pour déconstruire les préjugés ancrés dans la mémoire et les habitudes des Hommes, où ils ont tendance à prendre quartier. Mais une tâche tout aussi ardue nécessite d’avoir en sa possession des outils performants. C’est ainsi, persuadée par la force de sa plume, qu’elle clame « ma belle plume, tu es mon label quand je suis en guerre » (P.47), une déclaration forte et passionnante qui porte en elle la clé pour saisir la portée de ce magnifique recueil. D’où la nécessité pour nous de nous poser un instant la question : contre qui et contre quoi la poétesse pourrait-elle se mettre en guerre ? Elle qui nous révèle avoir une âme si douce « je suis sucrée comme du miel » (P.23) ; elle qui affirme tendrement « je suis cette petite étoile » (P.50), a fini par découvrir, au grand désarroi, cette « terre qui ressemble à un cimetière m’a accueillie » (P.40) ; que dans ce qu’elle a appelé « terre de mes pères » (P.40), « le mal fait sa loi et le bien obéit, l’espoir meurt, le désespoir l’enterre » (P.52).

À la déchirure de ce constat amer, la jeune poétesse refuse de se faire complice des desseins funestes qui avilissent la terre qu’elle a héritée de ses ancêtres, en se blottissant dans le nihilisme de ce qu’Aimé Césaire qualifiait « d’attitude stérile du spectateur », comme beaucoup de sa génération, friande du bonheur par approbation, esquivent de faire face aux problèmes de leur temps. Mais Chandrelle MOUNTOULA refuse cette facilité hideuse. Elle s’inscrit dans la lignée des grands esprits en voulant marquer son époque de son empreinte. C’est pourquoi elle écrit : « la victoire des autres reste celle des autres, ma victoire est, et sera toujours ma victoire, alors, je désire atteindre le sommet » (P.19).

Chandrelle MOUNTOULA ne fait pas preuve d’orgueil, d’égoïsme ou de narcissisme, comme une femme qui se tiendrait devant un miroir pour clamer l’éphémère beauté, à la manière de la méchante reine dans Blanche-Neige « Miroir, miroir, dis-moi qui est la plus belle ? ». Car, à force d’analyse, on s’aperçoit qu’elle bouillonne d’énergie et d’une force vitale intérieure transcendantale, tout aussi immense que redoutable, qui lui permet de se déchaîner comme  un orage sur les arbres de la barbarie et des vices opiniâtres qui parasitent la terre dans chacune de ses révolutions. Voilà pourquoi, à travers ombres et éclairs, foudres et tempêtes, droits et libertés bafouées, discriminations et viols dont souffrent trop souvent les femmes, elle sort des sentiers battus de poltronnerie et d’appréhension, pour appeler les femmes au front des luttes pour leur dignité bafouée. « Apprends à affronter tout ceci, prends ça comme un jeu, sois fort ! Ô sois courageux ! » (P.19).

Mais comme une lutte sans rage est perdue d’avance, tout comme un chien avachi et maigrichon ne saurait bousculer la caravane qui passe, elle rugit « Telle une lionne » (…) « Toujours prête à se battre contre tout prédateur » (P.21), pour dire « (…) impétueusement Non » (…) « À la violence, au viol Stop/Je suis une femme, fille, ado » (P.29).

Le viol, ce phénomène, on n’en dira jamais assez des souffrances qu’il inflige, à en croire les spécialistes, qu’il est à la fois une blessure intérieure et extérieure, physique et psychique, qui de ce fait ne pourrait laisser insensible l’âme prodigieuse de cette poétesse bienfaitrice. « Je sais que parfois ça blesse, je sais que parfois ça vexe, ne pleure pas, ne crains pas » (P.20).

Voilà une face hideuse et blême qui demeure l’un des plus grands obstacles à surmonter dans le combat pour l’harmonie du monde, où « les soucis de l’un sont ceux de l’autre », pour que se crée la symbiose tant voulue et prêchée par toutes les morales, en dépit des différences morphologiques et physiologiques. Puisqu’à la fin, la religion tout comme la science est unanime sur un ancêtre commun des Hommes, nous sommes tous frères et sœurs, telle est la grande vérité anthropologique de l’histoire. Mais durant tous les âges, une interrogation demeure, comme une écharde à l’esprit de la femme pour l’homme qui la viole ou la violente : « comment pourrais-je appeler cet homme sans cœur mon frère ? » (P.40). Le défi est donc grand, et il en va pour la survie de l’humanité que tout le monde mette la main à la pâte en « luttant pour rester ensemble, même les orages ne créeront point de ravages » (P.48).

Pour Prévert, la poésie est le joli surnom qu’on donne à la vie. Chandrelle MOUNTOULA n’en fait pas une exception, puisqu’elle n’entrevoit l’existence d’un monde abouti que dans ce cadre-là. « Que serait le monde sans poésie ? Un monde rempli de haine et de blessures. Oui ! Un monde sans vie. Un monde où nos paroles sortent sans beauté. » (P.30).

Là où le pessimisme gagne les cœurs face à l’image sinistre que présente le monde, « C’est vrai que ce siècle a perdu sa splendeur, par la haine qui a annihilé notre vie saine, les problèmes et malheurs qui détruisent notre air et nos cœurs » (P.16), Chandrelle MOUNTOULA croit encore à la force de la poésie pour renverser la vapeur. « Telle une lime arrosée de miel, tu guéris les cœurs fanés » (P.47). Elle place sa délicatesse, beauté féminine enviée par les dieux, comme nous révèle la mythologie, au centre de cette révolution pour assouvir les maux que traverse notre siècle blessé. « Je profite de mon charme pour persuader le ciel de me prêter son soleil, pour convaincre les pluies de fertiliser ma terre. Je suis cette petite étoile que les nuées pâlissent » (P.50).

Chandrelle MOUNTOULA a fait du bien-être de l’humanité la quête permanente de sa plume, car son « cœur contemple le bonheur » (P.17). C’est pourquoi elle n’hésite pas à fournir tout au long de ce recueil les recettes possibles qui mènent au bonheur, car après tout, « il y a mille raisons d’être heureux » (P.16). C’est pourquoi le sourire reste permanent dans son œuvre, puisque « le sourire illumine nos visages…/le sourire embellit mon être » (P.16). Ainsi, elle invite l’humanité à courir « vers les enfants du monde » pour « offrir à leurs regards les sourires d’un avenir meilleur » (P.52).

Mais ce sourire d’un monde meilleur peint avec esthétique par la poétesse s’étouffe face au plus grand fléau que la providence a infligé aux hommes, à savoir : la mort, qui hante sa pensée et la pousse à une suite d’interrogations sans fin. Elle se questionne déjà un peu précocement, dans la fleur de l’âge, sur ce que va retenir l’humanité de son modeste passage sur terre, de ses aspirations torrentielles et magmatiques pour la liberté et pour la justice, pour le bien-être et pour l’amour qui bouillonnent dans son cœur, et qu’elle crache comme un venin d’aspic à la  face des divinités infernales qui embourbent l’humanité dans des tragédies agonisantes de tout genre.

Aussi, parce qu’elle possède une grande âme, Chandrelle MOUNTOULA nous fait pressentir le trouble dans lequel se trouvent les âmes nobles, les esprits supérieurs des martyrs du monde au moment où ils quittent la terre, avec comme toujours le sentiment d’un goût inachevé de leurs luttes. « Je partirai sans rien pour moi, je partirai comme j’étais venu. Que diront mes amis… Que j’ai œuvré pour la paix et la cohésion sociale. Ma vie ne sera plus qu’inexistante, moi qui ai toujours donné mon meilleur, moi qui ai toujours prêté ma lumière à la terre » (P.58).

Dans ce recueil de poèmes, Chandrelle, à l’image des pères de la poésie congolaise Tchikaya U Tam’si, Jean Baptiste Tati Loutard, Jean Blaise Bilombo Samba… est introspective. Elle explore les méandres de son propre « moi » avec une profondeur fascinante. À travers ses vers, elle réussit à dévoiler des couches cachées de l’âme humaine, offrant une réflexion poignante sur les expériences partagées qui nous unissent en tant qu’êtres humains. Son exploration personnelle est un miroir qui reflète les émotions, les luttes et les triomphes de chacun, créant ainsi une connexion émotionnelle puissante avec le lecteur. En mettant en avant son propre « moi » de manière sincère, elle parvient à servir l’humanité en éclairant les aspects universels de l’existence.

Son style poétique, qui par bien des égards rappelle la sensibilité poétique de Marie Léontine Tchibinda, invite le lecteur à plonger dans un monde d’imaginaire et de réflexion où chaque vers est un tableau artistique, peint avec des métaphores et des images qui transportent l’esprit dans un voyage poétique unique. Ses poèmes résonnent avec une sincérité saisissante et une sensibilité qui ne manquent pas de toucher le cœur des lecteurs, faisant d’elle l’une des voix majeures poétiques prometteuses qui mérite l’attention et l’appréciation tant sur le plan local qu’international, dans cette nouvelle génération de poètes congolais. 

Myste Revel Message Zaou Solloh.

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4 commentaires

  1. L’article souligne avec perspicacité comment l’utilisation des réseaux sociaux est devenue inextricablement liée à la mise en avant de notre vie personnelle, une sorte de miroir numérique de notre existence. On ne peut s’empêcher de penser à la citation de Guillaume Musso dans « L’Appel de l’ange », où il évoque le fait que tout le monde se prête à ce jeu, presque comme si c’était la norme de l’époque. En plongeant dans les pages de ce recueil, on peut sentir le dialogue intérieur, le questionnement profond sur le soi, et comment cette quête individuelle s’entrelace avec une aspiration collective au bien-être universel. Chandrelle MOUNTOULA utilise les mots comme des pinceaux, créant des tableaux poétiques qui reflètent notre époque et les complexités de nos identités. Il est vraiment impressionnant de voir comment cette jeune poétesse aborde ce sujet d’actualité avec une sensibilité et une profondeur qui lui sont propres. « Mes mots et moi » semble être une plongée captivante dans le tourbillon de la conscience individuelle à l’ère des médias sociaux. Ce recueil offre une réflexion poignante sur le « Moi » dans un monde de plus en plus connecté, un regard intime sur la quête du bien-être universel à travers le prisme de la poésie contemporaine.

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