Interview avec Yves Arsène Kouakou – Commissaire général du MILA
Interview avec Yves Arsène Kouakou – Commissaire général du MILA

Interview avec Yves Arsène Kouakou – Commissaire général du MILA

Depuis 2017, le Meeting International du Livre et des Arts associés (MILA) s’affirme comme l’un des grands rendez-vous de la scène littéraire et artistique francophone. À la tête de ce projet ambitieux, Yves Arsène Kouakou, homme de culture, passionné de lettres et défenseur des talents, orchestre avec détermination chaque édition de cet événement qui met en lumière la richesse et la diversité des voix africaines et francophones.

À l’occasion de la 8ᵉ édition prévue du 24 au 26 juillet 2025 à Abidjan, il nous ouvre les coulisses du MILA, partage ses ambitions et revient sur son parcours.

I. Présentation personnelle

LDL : Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs : qui est Yves Arsène Kouakou, en quelques mots ?
YAK : Je suis Yves Arsène Kouakou, éditeur, écrivain et Commissaire général du Meeting International du Livre et des Arts associés (MILA). Je suis de nationalité ivoirienne.

Qu’est-ce qui vous a conduit vers le monde littéraire et culturel ? Avez-vous vous-même une pratique d’écriture ou une activité artistique ? Avant le MILA, quels ont été les grands jalons de votre parcours professionnel et culturel ?


C’est la passion qui a et continue de guider mes pas dans le monde littéraire. Diplômé d’un BTS en ressources humaines et communication, j’aurais pu être un bon pion au sein d’une entreprise. Mais mon intérêt pour la littérature a finalement pris le dessus. Je suis écrivain, auteur de deux publications : Des larmes et des palmes et Comme une confidence. Mais Yves Arsène Kouakou est un nom qui résonne dans le milieu du livre depuis 2013 pour avoir porté plusieurs initiatives telles que le Festival Ivoirien de la Création Poétique chez les Jeunes, le Prix du livre de l’année, l’organisation de plusieurs spectacles de slam…

II. Origines et fondements du MILA

Le MILA est aujourd’hui une référence. Mais revenons à sa genèse : comment est née l’idée de créer ce festival ? Quels étaient ses objectifs initiaux lors de sa création en 2017 ?


En 2017, les événements littéraires de dimensions internationales se comptaient au bout des doigts et dans cette rareté, les jeunes auteurs étaient les grands oubliés. Alors nous avons jugé impératif de créer un événement qui réunirait les voix émergentes dans le domaine du livre et des autres arts.

En quoi le MILA se distingue-t-il d’autres événements littéraires francophones sur le continent et ailleurs ?


Plus qu’un salon, le MILA est un espace de connexion, d’échange et de réflexion entre les acteurs de la chaîne du livre et des arts gravitant autour de la littérature. Nous privilégions les jeunes talents parce que c’est un évènement qui se veut la voix des talents émergents.

III. Philosophie et lignes éditoriales du festival

Le MILA met en avant les voix de l’Afrique Francophone. Pourquoi ce choix stratégique ?


Le MILA met en avant les voix de l’Afrique francophone parce que malgré les mécanismes et les politiques pour faire résonner la Francophonie au-delà de ses frontières, beaucoup reste à faire. Nos talents ont du mal à percer vers d’autres horizons et le MILA pourrait être un bon ambassadeur pour faire entendre la Francophonie un peu plus loin.

Quelle place accordez-vous à la diversité des disciplines (littérature, arts associés, critique, performance, etc.) ?


La diversité des disciplines permet de toucher un large public.

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Quelle est votre vision de la littérature francophone d’Afrique aujourd’hui ? Et du rôle des festivals dans son rayonnement ?


La littérature francophone d’Afrique est en pleine mutation. Une nouvelle génération plus audacieuse, sans complexe se signale et cela rassure sur la question de la relève. Et les festivals littéraires sont de puissantes tribunes de promotion de cette littérature.

IV. L’édition 2025 en focus (24–26 juillet, Abidjan)

Quelles sont les grandes lignes de l’édition 2025 du MILA ? Quelles nouveautés ou points forts sont à retenir cette année ? Pourquoi Abidjan comme ville hôte cette année ?

Le MILA 2025 s’annonce comme l’édition de l’innovation. Déjà dans la programmation, nous avons prévu un « Avant MILA » qui commence le 12 juillet avec un webinaire avec David Landry So (auteur à l’honneur) et le 19 juillet, un concours de lecture et de dictée avec les enfants de la commune d’Abobo. L’objectif étant de rapprocher le MILA de la population.

L’édition proprement dite se tiendra du 24 au 26 juillet avec une quarantaine d’invités en provenance de douze pays. Contrairement aux autres éditions, cette année, nous ferons trois jours d’activité à Abidjan. Le choix d’Abidjan répond à un besoin de reprendre contact avec la capitale ivoirienne, là où tout a commencé. Et puis les conditions sont plus favorables que Grand-Bassam.

La Guinée est le pays invité d’honneur, et David Landry So est en vedette : comment ont été faits ces choix ? Qu’incarnent-ils pour vous ? Quel message ou quelle énergie souhaitez-vous que cette édition transmet aux participants et au public ?

Les têtes d’affiche sont choisies une année avant l’ouverture du MILA au cours d’une assemblée générale. Le choix de la Guinée en qualité de pays invité d’honneur a été motivé par le rang qu’elle occupe dans notre espace littéraire. La Guinée est un foyer important de la littérature francophone et ces dernières années, elle a conforté sa position avec des évènements tels que Conakry Capitale mondiale du livre, 72 heures du livre de Conakry… En invitant donc ce pays frère, nous voulons saluer un leadership fort dans le domaine des lettres. Enfin, avec David Landry So, le MILA a voulu mettre en lumière un parcours, un talent qui fait la fierté des lettres ivoiriennes en Europe. Dans un monde où la médiocrité crie plus fort que le travail honnête et assidu, nous avons voulu naviguer à contre-courant en montrant le mérite, rien que le mérite.

V. Les prix MILA 2025

Parlant du Prix MILA du Livre Francophone et du Prix de la Critique Littéraire, pouvez-vous nous expliquer leur philosophie ainsi que les critères retenus pour désigner les finalistes ?

Le prix MILA du livre francophone distingue un ouvrage écrit en français et par un auteur vivant dans l’espace francophone. L’idée derrière, c’est de mettre en lumière les plumes émergentes de notre littérature.

Quant au prix MILA de la critique littéraire francophone, l’objectif est de saluer le travail exigeant et incontournable des critiques littéraires francophones. Il nous a semblé aussi important de changer le regard que le public porte sur ce domaine.

Au-delà des récompenses, que représentent ces prix pour les auteurs et critiques ?

Ces prix ne sont pas un aboutissement. Mais le départ d’une belle carrière internationale.

VI. Réseau, partenariats et ancrage international

Le MILA attire des figures venues d’une dizaine de pays. Comment construisez-vous ces réseaux de collaboration ?

Le succès du MILA repose sur notre sérieux et la fidélité à nos objectifs. Nous avons à cœur de placer notre événement au rang internationalement incontournable et cela exige que nous travaillions avec des acteurs culturels sérieux, honnêtes et surtout concentrés.

Quelles institutions ou structures soutiennent aujourd’hui le MILA ?

Le Ministère de la Culture et de la Francophonie, notre ministère de tutelle, demeure un partenaire de premier plan.

Comment envisagez-vous les futures coopérations, notamment avec la diaspora africaine, les maisons d’édition ou les festivals des autres régions du monde ?

Nous travaillons dans ce sens et dans quelques mois, nous allons présenter un projet dans ce sens. Pour l’heure, souffrez que je n’en dise pas plus.

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VII. Enjeux culturels et perspectives

Selon vous, quels sont les grands défis auxquels sont confrontées les littératures africaines contemporaines ?

Les grands défis que rencontrent les littératures africaines contemporaines sont le manque de diffusion. Très peu de librairies et d’espaces de diffusion pour une littérature en pleine croissance. Le manque d’une véritable politique du livre ; et la question des droits de douane sur la circulation des livres. Il faut qu’on fasse de la circulation du livre une réalité.

Le MILA s’engage-t-il sur des questions sociétales, comme la place des femmes, la jeunesse, les langues africaines ou la mémoire historique ?

Absolument ! Depuis 2022, la première journée du MILA est dénommée « Rencontres Internationales de la Littérature Féminine et des Arts » ; depuis 2021, chaque édition du MILA porte une thématique en rapport avec la question de l’heure. Tous ces choix montrent à quel point le MILA porte un œil attentif aux sujets sociétaux.

VIII. Évolutions, impacts et avenir du MILA

Depuis 2017, comment le festival a-t-il évolué en termes de public, d’impact, de rayonnement ? Disposez-vous de chiffres clés sur la fréquentation, la participation internationale, la couverture médiatique ?

L’audience du MILA connaît une croissance soutenue depuis sa création. En 2024, nous avons enregistré 30 auteurs invités, 10 pays participants, une dizaine d’éditeurs contre 20 auteurs invités, 7 pays invités et 6 éditeurs en 2023. Chaque année, nous essayons de monter un peu plus.

Quelles retombées concrètes le MILA a-t-il générées pour les auteurs, éditeurs ou artistes participants ?

Il y a eu beaucoup de collaboration entre les auteurs, éditeurs et artistes. Grâce au MILA, j’ai vu des auteurs ivoiriens être publiés au Burkina Faso, Tchad et vice versa ; il y a des acteurs culturels qui ont décroché des contrats pour organiser des évènements…

IX. Le commissaire et sa vision personnelle

En tant que commissaire général, comment vivez-vous chaque édition du MILA ? Quel est le plus grand défi dans votre rôle ?

Chaque édition du MILA est unique. Pour preuve, cette année, compte tenu de l’ambiance électorale en Côte d’Ivoire, nous avions convenu d’un MILA très limité à 5 pays pour 10 invités. Mais, à la dernière minute, on se retrouve à 12 pays et 34 invités. Ça fait plaisir en même temps que ça met une pression énorme. Et moi, en tant que commissaire général, c’est vraiment la recherche de financement. Pas moins de 12 millions à chercher chaque année pour réussir le pari de l’organisation.

Si vous deviez résumer votre engagement culturel en une phrase, quelle serait-elle ?

Allumer le cerveau avec passion !

Pour conclure

Quel message souhaiteriez-vous adresser à ceux qui n’ont jamais encore participé au MILA ?


Du 24 au 26 juillet prochain, nous recevrons l’Afrique des idées et le monde des lumières, venez voir et vous connecter au savoir gratuitement.

À quoi peut-on s’attendre pour l’édition 2026 ? Est-elle déjà en cours de préparation ?
En 2026, nous allons faire quelque chose de différent. Wait and see!

Où et comment suivre l’actualité du festival ? (contacts, réseaux, site web)
Notre site web est en construction. Mais en attendant, nous sommes présents sur Facebook, joignable par WhatsApp au +225 0703631055 / milaabidjan@gmail.com

Un mot de la fin ? Un souhait pour les lettres francophones d’Afrique ?


Merci à L’ivre Du Livre qui permet au livre africain d’être visible et de conquérir un public large et diversifié. Mon vœu le plus cher pour les lettres africaines, c’est de garder cette belle dynamique et de conquérir tous les espaces sans exception. Nous avons le pouvoir !

Merci d’avoir accepté répondre à nos questions. Toute l’équipe L’ivre Du Livre vous remercie chaleureusement pour votre passage.


C’est moi qui vous remercie pour l’honneur !

Trois jours d’échanges, de célébration et d’émotion nous attendent au MILA 2025. À travers cet entretien, Yves Arsène Kouakou nous rappelle que la littérature et les arts, bien plus que de simples expressions, sont des leviers puissants pour rêver, penser et construire le monde autrement. L’équipe de L’ivre Du Livre le remercie chaleureusement pour cet éclairage passionné et pour son engagement constant en faveur de la création littéraire et artistique africaine.

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MILA 2025

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