Les rêves de Fati de Richard ADODJEVO est un livre dont le récit prend corps chez la famille Damagui. Un sommeil très agité de l’aînée Fati, élève dans un établissement d’excellence de Kparakoulou, empêche la famille entière de bien dormir. Préparant son baccalauréat à l’âge de 17 ans, la jeune fille héritière d’un double pouvoir avait déjà eu deux échecs scolaires pour cause de crises épileptiques. Après 03 bondissement du lit, le chef de famille M. Damagui prit la décision de consulter un devin à l’aube, une résolution approuvée aussitôt par sa femme. Le lendemain, les deux membres du couple se rendirent chacun à son bureau pour solliciter une permission afin d’aller voir le devin de Kikparé à l’entrée sud de la métropole Nord, Kparakoulou.
Consultation d’oracle
L’oracle lancé le couple vit une prédiction étrange de l’avenir de leur fille. Mais au lieu d’obtenir des réponses idoines sur l’oracle de la part du devin, celui-ci les renvoie plutôt vers leur fille, Fati. Dans une approche de dialogue franc parents-enfants, le couple eut un véritable moment d’échanges, après le dîner, avec leur fille.
Celle-ci découvre qu’elle est oniromancienne, un double pouvoir hérité de ses grand-mères maternel (oniromancie) paternel (chiromancie). Assurée du soutien de ses parents, elle trouve la force nécessaire de raconter à sa prof de philosophie, objet de sa vision, les révélations qui lui ont été faites sur l’avenir de celle-ci.
Madame DANSI, épouse du chirurgien en chef du CHB Borgou, sa prof de philosophie se montre très ouverte et accessible à la fille. Elle la conduira d’ailleurs à l’hôpital pour rencontrer son mari et lui dire de vive voix ses visions sur leur couple.
Le chirurgien Kissira Wassangari, bon teint, attaché à ses valeurs culturelles et religieuses, ne sous-estima pas les propos de la jeune Fati. Il se résout donc à confier sa situation au tout puissant, le Dieu romain, par la prière pour conjurer le mauvais sort.
Cette solution sera-t-elle efficace face à l’ampleur de la situation ?
Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va. Madama DANSI décida d’aller parler aux siens malgré sa foi en leur prière. Elle devrait affronter le courroux de son père Dannon, le Hounnongan après avoir défié l’autorité de celui, enfreindre les normes coutumières, en allant se marier sans l’approbation du géniteur et en reniant sa culture.
Maintenant qu’elle est prête à réparer sa faute, les dieux lui pardonnerait-elle et accepterait-elle sa prière ? Un bel arc-en-ciel apparut juste après le rituel montrant la grâce accordée par le dieu Dan-Aïdo-Hwedo. Refusant catégoriquement toute implication aux cérémonies compte tenu de sa foi chrétienne, le chirurgien Kissira contribua quand même financièrement.
Les prémonitions de Fati sur ces proches
Pendant ce temps, les prémonitions de Fati s’enchaînent. Gracia sa cousine lui était apparue en rêve abattu froidement par des cybercriminels. Quelques jours plus tard, le corps de la fillette est retrouvé dans un bas fond de Kùtonù, plongeant tout le pays en émoi. Cette nouvelle attrista profondément la jeune Fati qui se sentit coupable.
Une situation qui la fera échouer à son baccalauréat. Repris de plus bel, l’année suivante, elle se mit résolument à la tâche et promis à ses parents de s’en sortir avec une très bonne mention, ce qui fut le cas, non pas sans effort. Dans sa quête d’excellence, il lui a fallu se transformer en dévoreuse de livres et de prof.
Son effort a payé, car la fille des DAMAGUI obtint une moyenne supérieure à 18, faisant d’elle la première à l’examen au niveau national. Ce qui lui permis d’accéder à la Harvard Medical School (HMS) pour des études de médecine. Là-bas, elle touchera du doigt le racisme et établira très rapidement les différences notoires entre leur système éducatif et celui qu’elle connaît des pays africains.
Cette brillante étudiante, major de sa promotion, continue toujours ses prémonitions et sauve de la mort le directeur Georges du HMS. Contrairement aux collègues enseignants de ce dernier qui ont péri et de son encadreur des SVT qui a perdu ses parents, le directeur fit confiance aux rêves prémonitoires de la fille des Damagui.
Les premiers ont évoqué la supériorité de la logique scientifique sur la superstition lorsqu’ils ont été prévenus. Le second, encadreur des SVT, a simplement été négligeant, face à l’alerte de Fati lui annonçant qu’il y a des loups dans la bergerie.
Obtention de diplôme et retour au bercail
Son diplôme obtenu de la Harvard Medical School, Fati se résout à mettre son savoir au service de ses concitoyens. Elle devra donc faire face à la béninoiserie et au regard des autres. Elle le savait bien. Mais mesurait-elle vraiment l’ampleur ?
Fati va-t-elle après des années d’études hors de son pays se marier avec son premier amour Koto et enfin consommer le fruit défendu ? Pourra-t-elle faire face aux vents et aux bourrasques d’une classe d’élite peu soucieuse du développement de leur pays ? La preuve tend le bras.
Après avoir consulté les devins, il faut nécessairement faire des rituels pour conjurer le mauvais sort. Celle-ci eut lieu dans les meilleures conditions et devant Dieu et les hommes, Fati et Koto unissent leurs âmes pour le meilleur et pour le mieux. Ils se sont mariés à la mairie, à l’église puis à la mosquée pour être conforme à la pratique religieuse de chacun des membres du couple.
Dans la chambre nuptiale, c’est une femme couvert de l’hymen qu’il découvre, une femme vierge, preuve de la fidélité de sa compagne depuis toutes ces années. Après une lune de miel passée à découvrir leur Bénin natal, ils se concentrent sur leur vie de couple.
La vie conjugale
Au bout de 09 années de vie conjugale, ils eurent trois enfants, une fille et deux garçons. Fati qui était Chef Service Medico Technique au CHUD pris la direction de l’ANLP (l’Agence Nationale de Lutte Contre les Pandémies) et son époux précédemment de l’OPC (l’Office Présidentielle de la Communication) se vit confier le poste de directeur technique suite à un changement de régime.
Très tôt, elle fera face aux véritables maux parfois tapis dans l’ombre qui menacent l’administration de son pays, en tête de pont le harcèlement professionnel et le détournement du dernier public. Protégés par l’établishment, les saigneurs de la république, dictent leur loi et promeuvent la médiocratie au détriment de la méritocratie.
Longuement harcelée par son ministre de tutelle Barthélémy Afougan et face à l’inaccessibilité du président de la République John Bri Ganvivi, Fati décida d’adresser une lettre ouverte à ce dernier pour exprimer son ras le bol. Celle-ci fera le tour des réseaux sociaux et placera la jeune dame au cœur de la vie publique de son pays.
Bénéficiant désormais de l’aura populaire, John Bri Ganvivi le renard décida de composer avec elle en sacrifiant quelques-uns de ces dévoués serviteurs. Il fut donc de Fati, la fille des Damagui, ministre de la santé lors de la recomposition de son gouvernement pour éviter la fronde populaire. La faiseuse de rêve, se convainc que de l’intérieur, elle pourra pallier aux injustices sociales dans son pays. Parviendra-t-elle ?
Analyse du livre
Les rêves de Fati comme le recueil de nouvelles Djèhami du même auteur est le reflet des sociétés africaines plus particulièrement celle béninoise. Mais mieux que sa précédente parution, Richard Adodjevo a offert au lecteur ici une lecture quasi complète de son Bénin natal en évoquant tous les aspects de sa société.
De la culture, aux origines passant par les faits de société avec un escale sur le tumultueux terrain politique. Les personnages sont conçus pour faciliter la transmission du message ou mieux, la lecture des événements que l’auteur présente.
Le titre les rêves de Fati fait-il référence à la capacité de la fille des Damagui d’apporter des solutions à son entourage à travers l’oniromancie ou plutôt les ambitions fortes et inébranlables de celle-ci ?
Si les deux sont valables, il ne fait l’ombre d’un doute que l’un pèse plus. Sans doute l’itinéraire suivi par cette jeune fille de la cité de Kparakoulou aux États-Unis à Harvard en revenant s’occuper sérieusement des affaires de son pays. L’auteur nous montre qu’il est permis de rêver et nous prouve qu’il est possible de réaliser ses rêves. Effort, ténacité et choix !
Avis et notes sur le livre
Le livre est facile à lire car écrit dans un style à la portée de tout public. L’illustration du récit par des dessins couleurs rend l’ouvrage attractif et pousse à dévorer pages sur pages sans se lasser. Le résumé que l’auteur propose à la fin de chaque chapitre facilite aussi fortement la compréhension du livre.
Celui-ci permet aux lecteurs pressés ou peu attentifs d’avoir une vue globale sur le contenu de chaque partie.
L’auteur offre ici un merveilleux récit puisant sa substance de cette ville que nous aimons tous : Parakou ou Kparakoulou, peu m’importe. Partons du principe qu’un livre peut être jugé sur ces 50 premières pages, il est facile de conclure à la lecture des premières pages que Richard Adodjevo, est une mine d’or pour la littérature béninoise en l’occurrence.
Avec des plumes de cette nature, la relève est d’emblée assurée. Les aînés de la première et deuxième génération d’écrivains peuvent se reposer tranquillement soit dans leur tombe pour ceux déjà passés dans l’au-delà, la majorité d’ailleurs et bien en retraite pour ceux qui sont toujours avec nous. Une pensée singulièrement au patriarche Olympe-Bhêly QUENUM, le cœur de la littérature écrite béninoise.
S’il y a une critique à faire du livre, c’est la finesse dans l’écriture et dans le déroulement du récit qui ne donne lieu à aucune critique. L’ouvrage est simplement une réussite et mérite une place de choix dans vos rayons.
Références
Œuvre : Les rêves de Fati
Auteur : Richard ADODJEVO
Nombre de pages : 233