Malgré son incarcération en Algérie, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, figure majeure de la littérature engagée, vient de recevoir l’un des prix littéraires les plus prestigieux et les mieux dotés de France : le prix mondial Cino del Duca, remis mercredi 21 mai 2025 par la Fondation Simone et Cino Del Duca.

D’une valeur de 200 000 euros, cette récompense salue « la force d’un écrivain qui, par-delà les frontières et la censure, continue de porter une parole libre, profondément humaniste et résolument nécessaire », selon les mots du jury. Le prix consacre l’ensemble de son œuvre, marquée par une exigence intellectuelle rare et un engagement sans compromis pour la vérité et la liberté.
Âgé de 75 ans, Sansal est détenu depuis novembre dernier, après avoir été arrêté à l’aéroport d’Alger. Le 27 mars, il a été condamné à cinq ans de prison, notamment pour des propos tenus dans une interview au média français d’extrême droite Frontières, dans laquelle il affirmait que certains territoires de l’Algérie actuelle avaient historiquement appartenu au Maroc avant la colonisation française. Des propos jugés attentatoires à l’intégrité du territoire national par les autorités algériennes.
Un procès en appel est prévu le 24 juin. En attendant, son cas exacerbe les tensions diplomatiques déjà vives entre Paris et Alger. Tandis que le gouvernement algérien affirme que la justice suit son cours, la France a appelé à un « geste d’humanité » envers un homme âgé, malade – atteint d’un cancer – et détenu dans des conditions préoccupantes.
Créé en 1969, le prix mondial Cino del Duca distingue chaque année un auteur, français ou étranger, dont l’œuvre — littéraire ou scientifique — porte un message d’humanisme moderne. Boualem Sansal rejoint ainsi un panthéon d’écrivains de renom, parmi lesquels Léopold Sédar Senghor, Andreï Sakharov, Jorge Luis Borges, Milan Kundera ou encore Kamel Daoud, lauréat en 2019.
Dans un contexte de crise diplomatique aiguë entre l’Algérie et la France — la plus sérieuse depuis l’indépendance de 1962, marquée par le gel des coopérations bilatérales et une série d’expulsions réciproques — ce prix apparaît aussi comme un acte symbolique fort, une manière de rappeler que la littérature, elle, ne connaît ni frontières ni murs.