La violence faite aux hommes de Yvon Dallaire : un cri de cœur lancé pour une révision de la perception de la violence conjugale
La violence faite aux hommes de Yvon Dallaire : un cri de cœur lancé pour une révision de la perception de la violence conjugale

La violence faite aux hommes de Yvon Dallaire : un cri de cœur lancé pour une révision de la perception de la violence conjugale

La famille est la plus petite institution de toute société. Mais c’est également l’instrument fondamentale à la survie de l’humanité. Malheureusement, des chiffres hallucinants montrent, toute situation géographique confondue, qu’une violence terrible sévisse dans cette institution que le contractualiste John Locke définit comme une petite monarchie. Très souvent, c’est à l’homme, l’éternel pourvoyeur, le sexe fort du couple, qu’on attribue la cause, la principale, de toute violence conjugale. Cette tendance s’est vue largement démocratisée, car fortement influencée par l’avènement du féminisme. Cependant, de plus en plus de voix antagonistes se font de nos jours entendre, mettant en cause cette manière de voir les choses. Cette vague, constituée de philosophes, de féministes, de sociologues, de juristes et de psychologues estime que l’homme n’a pas le monopole de la violence, que « la violence n’a pas de sexe », pour paraphraser Rebecca Solnit. Le sociologue et sexologue Yvon Dallaire s’inscrit dans cette vision des choses.

La violence faite aux hommes de Yvon Dallaire : un cri de cœur lancé pour une révision de la perception de la violence conjugale

Yvon Dallaire est né le 1er mars 1947. Eminent psychologue, sexologue et conférencier québécois, il a fait des relations homme et femme sa spécialité. Forte de ses expériences d’une trentaine d’années en thérapie de couple, l’auteur qui est aussi formateur et chroniqueur pour de nombreux magazines a écrit une trentaine de livres tous consacrés aux rapports de genre dans le couple. 

Dallaire est aussi un fervent militant du masculinisme, terme qu’il n’aime pas particulièrement et préfère parler de « hominisme ». Il est décédé le 31 janvier 2024. Parmi ces nombreux livres, figure l’opuscule sous analyse, La violence faite aux hommes, une réalité taboue et complexe.

Il s’agit, en effet, d’un livre de 64 pages, publié dans la collection Mise au point de la maison d’éditions Option Santé en 2022. La violence faite aux hommes, une réalité taboue et complexe est structuré en neufs (09) chapitres, suivis d’une annexe, d’une médiagraphie et d’une note. 

Sur ces 64 pages, Dallaire, dans une approche de déconstruction, répond à une panoplie de questions toutes tendant à éclairer le lectorat sur une ombre de la réalité sur la violence conjugale. 

Que faut-il entendre par violence conjugale ? Quels sont les différents préjugés forgés contre les hommes ? Mais que révèlent les statistiques ? Comment réagissent les féministes face à ces préjugés ? Pourquoi les hommes se taisent et subissent ces violences en silence ?

Reconnaissant le mérite des féministes pour avoir attiré l’attention sur les violences conjugales, l’auteur s’insurge cependant contre leur mode opératoire, celui consistant à lever le voile seulement sur les violences faites aux femmes et à faire de l’homme « le gros méchant loup » et de la femme « la pauvre victime sans défense. » 

Dallaire juge cette manière de fait d’« anti-éthique ». Il estime que « certaines féministes…n’ont ouvert qu’un seul œil sur cette violence : celle faite aux femmes. Elles ont délibérément fermé l’autre œil sur la violence faite aux hommes » alors que les femmes sont aussi capables de violence, au même titre que les hommes, et parfois, plus que ceux-ci. 

Loin de lui l’idée, de vouloir nier et condamner (enfin, je l’espère) la violence exercée contre les femmes, Dallaire se refuse cependant de faire partie, pour des raisons de justesse et d’équité, de ceux qui déresponsabilisent les femmes de toutes les formes de violences qui ont cours au sein des couples. 

« Que des hommes soient violents, psychopathes ou sociopathes ne fait aucun doute, souligne Dallaire, et il nous faut empêcher ces hommes malades de nuire. Mais de croire que la violence n’a qu’un sexe et que l’homme est seul responsable de ce qui va mal dans le monde est illogique, non conforme à la réalité et relève du préjugé, pour ne pas dire de la haine. » 

Cette manière d’analyser la violence pour Dallaire n’est pas seulement erronée et pathétique, mais aussi est-elle teintée d’émotions et de peur et n’est pas à même de résister aux données scientifiques qui le contrastent. Mais la violence conjugale, qu’est-ce que c’est ?

Il faut souligner qu’en tout humain sommeille, indifféremment du sexe, une violence. Que nous soyons hommes, femmes, adultes ou enfants, nous sommes capables de faire preuve de violence lorsque les conditions se réunissent. C’est ce que soutient l’auteur. « Tous autant que nous sommes, hommes, femmes ou enfants, possédons un potentiel de violence, si les conditions sont telles qu’il nous faille l’utiliser » dit-il. 

Lorsqu’une telle violence s’exerce entre deux personnes mariées, elle est caractérisée de conjugale. Toutefois, une violence conjugale peut être également caractérisée entre des personnes qui ne sont pas aux yeux de la loi des personnes mariées. C’est le cas, entre autres, des concubins et des pacsés. 

De plus, il est aussi tout à fait possible, et c’est le plus souvent le cas, de parler de violence conjugale lorsque la violence apparaît entre deux personnes qui ne sont plus mariées. Pour Dallaire, il s’agit d’« une tentative intentionnelle du partenaire d’une relation intime à maîtriser l’autre partenaire ou à l’intimider. Le couple peut être marié ou ne pas l’être. » 

Par ailleurs, la violence conjugale peut aussi se caractérisée entre des personnes de même sexe. Elle peut être physique, psychologique, sexuelle, verbale ou économique.

Les données statistiques rapportées par l’auteur lui permettent de conclure que les hommes sont aussi battus, parfois tués par leur épouse. Qu’il y ait des hommes violents, batteurs de femmes ne fait aucun doute, estime-t-il. C’est une triste réalité. Mais c’est aussi une triste réalité de constater qu’il y a autant, sinon plus, de femmes violentes batteuses d’hommes et d’enfants. 

L’auteur regrette que personne n’en parle, qu’aucun média n’en parle. Parce que le sujet reste, jusqu’à aujourd’hui, très « peu documenté ». L’idée de la violence féminine à l’endroit des hommes est difficile à accepter parce qu’elle va à l’encontre du stéréotype de la « faible femme sans défense » que l’homme se doit de protéger. Alors, les hommes préfèrent ne rien dire.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les hommes préfèrent ne pas « admettre » avoir subi des violences de la part de leur épouse. D’abord, ils ont peur de tomber dans le ridicule, « de passer pour fous ou idiots ». Parce que de toute évidence personne ne leur croira. Ensuite, les hommes ont horreur de la honte. 

Et justement ça fait honte à un homme de devoir admettre être battu par une femme, pire, par sa propre épouse. L’auteur le dit clairement : « L’homme battu éprouve de la honte, son image est détruite, son identité réduite en pièces. » Enfin, les hommes vivent avec les femmes violentes pour des raisons économiques ou pour leurs enfants.

Ce livre est, sans nul doute possible, d’un grand intérêt socio-culturel. Il révèle un Dallaire qui, en dépit de ses penchants masculinistes ou hoministes, prend position non pour l’homme ou la femme, mais pour l’humanité, pour la justice, pour l’avenir. 

Il ne faut cependant pas se tromper, se leurrer, perdre de vue l’idée qui se cache derrière ce livre. Il est très aisé, pour un lecteur informé sur « la guerre des sexes » de détecter que derrière cette magistrale démo, se cache l’idée de la femme, l’éternelle « hystérique », de la femme menteuse qui accuse l’homme pour le plaisir, pour des fins féministes, des buts politiques. 

Yvon Dallaire estime, que les hommes sont contraints de rester avec les femmes violentes « par amour » pour leurs enfants ou, pire encore, pour des raisons économiques. Cela laisse à réfléchir lorsqu’on pense que c’est l’homme qui n’est le plus souvent pas présent pour ses enfants et que dans la majorité des couples, c’est la femme qui dépend économiquement de l’homme. 

On a l’impression que c’est une attaque contre son confrère québécois Guy Corneau qui, dans son livre Père manquant, fils manqué, démontrait que ce sont les hommes qui désertent, la plupart du temps. Parce qu’être présent pour un enfant, ce n’est pas seulement dormir sous le même toit que lui, lui donner de l’argent, c’est aussi lui accorder du temps, de l’affection. 

De plus, cela amène à se demander comment ça se passe que lorsque l’homme est violent la femme demande le divorce pendant que l’homme lui préfère subir une femme violente. Admettons un instant que les femmes sont plus violentes que les hommes dans le couple. Est-ce qu’elles les empêchent aussi de porter plainte ? La réponse est non. 

Mais imbu de son égo, des privilèges à lui accorder par le patriarcat, qui font de lui un sexe fort, l’homme se sent trop fort pour porter plainte, pour se plaindre, il ne put « admettre » être battu par une femme au risque de voir « le mythe de la virilité » trainé dans la boue de la honte. 

Dans Le mythe de la virilité, un piège pour les deux sexe, Olivia Gazalé a le mérite de poser le mythe de la virilité, le mythe qui fait de l’homme un sexe fort et de la femme un sexe faible, comme « un piège pour les deux sexes ». 

Plus loin, lorsque Dallaire affirme que c’est par peur de ne pas être cru ou de la honte que l’homme ne porte pas plainte, il oublie qu’il fut un temps, et c’est d’ailleurs le cas encore aujourd’hui, les femmes se passaient pour des menteuses dès qu’elles accusent leur conjoint de violence conjugale. 

L’auteur estime que les données statistiques que les féministes utilisent souvent pour montrer que les hommes sont plus violents que les femmes sont erronées car ne prennent pas en compte toute la réalité. Sauf que c’est la même chose que Dallaire livre dans son livre. 

Quelques statistiques ne peuvent suffire, à moins de vouloir réduire le livre aux québécois, pour conclure à ce que Francis DUPUIS-DERI appelle « l’asymétrie de la violence », à l’équivalence de la violence de l’homme et de la femme. Parce que de la même façon que peu d’hommes portent plainte, aucune donnée statistique ne pourrait prétendre prendre en compte toutes les femmes victimes de violences conjugales. 

Il y a encore dans des coins du monde, des zones dans lesquelles le pouvoir de la justice n’est pas encore si démocratisé qu’on pourrait vouloir nous faire croire, des coins du monde presque déconnectés du monde, où il n’y a pas de juridictions.

Une chose est tout de même louable dans La violence faite aux hommes de Yvon Dallaire. Les hommes sont violents, les femmes aussi. L’heure n’est plus vraiment à rechercher qui est aussi violente que qui. Cela ne rend service ni aux hommes encore moins aux femmes, « au contraire, cela entretient une lutte des sexes stérile et destructrice pour l’avenir de l’humanité. » 

L’homme et la femme doivent prendre leur responsabilité dans le couple, penser à l’avenir de leurs enfants en cessant cette bipolarisation de victime et de bourreau. Le souhait, c’est que toutes formes de violences soient éradiquées, ou tout au moins s’amincissent, non seulement de la sphère privée, mais aussi de la sphère publique.

Edmond BATOSSI

Étudiant en Droit et en Philosophie à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC), Chroniqueur chez L’ivre Du Livre.

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6 commentaires

  1. GBETOME Marc-Alex

    L violence conjugale peut toucher des personnes de tous les genres, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes, ou de personnes non-binaires. Bien que les femmes soient statistiquement plus souvent victimes de violence conjugale, il est important de reconnaître que les hommes peuvent également être victimes de ce type de violence. Ce que Dallaire a bien comfirmer.
    Il est crucial de sensibiliser à la diversité des victimes de violence conjugale et de garantir un soutien et des ressources appropriés pour toutes les personnes qui en sont affectées. Les stéréotypes de genre et les normes sociales peuvent parfois rendre difficile pour les hommes de reconnaître et de signaler la violence qu’ils subissent dans leur relation de couple, mais il est important que ces situations soient prises au sérieux et que les victimes reçoivent le soutien dont ils ont besoin. Mais faudrait toujours que l’homme ait le courage de le dénoncer.
    Chose à revoir

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