En attendant le vote des bêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma
En attendant le vote des bêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma

En attendant le vote des bêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma

En attendant le vote des bêtes sauvages est un roman  de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma publié aux Éditions du Seuil le 26 août 1998. A sa parution, il jouit d’un engouement critique notable. Pour son roman, Kourouma se voit décerner le Grand prix Poncetton 1998 de la Société des gens de lettres, ainsi que le Prix du Livre Inter 1994. Né le 24 novembre 1927 à Boundiali en Côte d’Ivoire et mort le 11 décembre 2003 à Lyon en France, Ahmadou Kourouma est un écrivain  très engagé. Auteur de plusieurs ouvrages, il a reçu le prix Renaudot en 2000 avec son roman « Allah n’est pas obligé ». 

Résumé du livre En attendant le vote des bêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma

Koyaga est le fils de Nadjouma, une grande guerrière et de Tchao, un grand lutteur, le premier homme à avoir rompu le tabou de la nudité de sa tribu pour pouvoir arborer les décorations de guerre qu’il a reçues à Verdun en 1917. Cet acte marque le début de l’exploitation des hommes nus par les colons français. 

A la naissance de Koyaga, Nadjouma se sent très malade après avoir accouché. Elle se rend chez le marabout Bokano, aux dons de guérisseur, qui l’aide à se rétablir. Ensemble, grâce à la magie, ils vont protéger Koyaga. Très jeune déjà, Koyaga hante les animaux qui vivent là et devient un très grand chasseur. Il débarrasse la population de plusieurs créatures immondes qui terrorisent les villageois.

Koyaga se sent l’âme d’un chef et c’est naturellement qu’il décide de prendre le pouvoir dans le pays en organisant l’assassinat du président Fricassa Santos qu’il remplace. La sorcellerie le protège, l’immunise. Koyaga engage Maclédio comme ministre de l’Orientation. 

Ensemble, ils parcourent l’Afrique, et font la rencontre de nombreux dictateurs auprès desquels Koyaga prend des leçons de despotisme. Grâce aux pouvoirs que lui confère la magie de sa maman et du marabout Bokano, Koyaga déjoue tous les complots, triomphe de tous ses ennemis. Jusqu’au jour où, s’étant fait passer pour mort, il perd la trace de la maman et du marabout.

C’est alors que Koyaga se souvient de ce que sa maman et le marabout Bokano lui avaient enseigné s’il les perdait : faire dire son récit purificatoire par un griot des chasseurs et son répondeur. Tout avouer, tout reconnaître, sans rien omettre. Ne laisser aucune ombre. Ainsi Koyaga pourrait briguer un nouveau mandat de président avec la certitude d’être réélu. Et si d’aventure les hommes s’avisaient à ne point voter pour lui, les animaux sortiraient de la brousse, se muniraient de bulletin de votes pour le plébisciter.

Analyse de l’œuvre

Le récit décrit l’ascension du maître-chasseur Koyaga, et son exercice du pouvoir comme Président de la République du Golfe. Redoutable guerrier, il est un autocrate brutal dont le pouvoir repose sur deux piliers majeurs : l’armée et la magie. Koyaga parvient à se maintenir au pouvoir plus de trente années durant, au rythme des faux complots ourdis par ses services. Ce sont autant de prétextes pour multiplier les purges politiques, ainsi que les célébrations à la gloire du despote.

Personnages principaux du roman en attendant le vote des bêtes sauvages

Koyaga : protagoniste du roman, ancien militaire dans le corps des tirailleurs sénégalais, il renverse le président Fricassa Santos pour prendre sa place. Il n’hésite pas à organiser la mort de ses opposants dans des attentats qu’il attribue ensuite aux ennemis de la nation. Par deux fois, il feint sa mort afin de forcer ses ennemis à se dévoiler. Homme au totem faucon, son personnage fait référence à Gnassingbé Eyadema, président du Togo.

Tchao : père de Koyaga, premier homme paléo (homme nu abandonné aux curés) à s’engager dans l’armée française en tant que tirailleur sénégalais. Blessé au front, il est récompensé de médailles militaires françaises. De retour à son village montagnard, Tchao refuse la nudité, car il ne peut faire tenir ses médailles sans habits. Il est arrêté par les Français en combattant la colonisation des peuples montagnards. Il meurt dans une prison française.

Nadjouma : mère de Koyaga, championne de lutte des femmes montagnardes, femme de Tchao par mariage-rapt. Elle entre en transe lors d’une demande en mariage et on l’apporte à Bokano pour qu’il la guérisse. Celui-ci l’instruit dans la divination et la géomancie. Elle devient propriétaire de l’aérolithe. Avec cet aérolithe et ses pouvoirs de géomancie, elle protègera Koyaga toute sa vie.

Bokano : Marabout avec le don de la divination. Successeur d’un saint uléma, de qui il reçoit deux trésors : un ancien Saint Coran qui permet l’invincibilité contre tous les maraboutages et un aérolithe qui protège contre toutes les sorcelleries et envoûtements. Bokano donnera cet aérolithe à Nadjouma. Bokano est un conseiller spirituel et politique de Koyaga.

Maclédio : Associé de Koyaga, ancien animateur de la radio nationale de la République du Golfe sous Fricassa Santos, il est maintenant ministre de l’Intérieur et de l’orientation nationale de la République du Golfe. Il refuse d’abord d’accepter le règne de Koyaga, avant de s’y dévouer complètement.

Fricassa Santos : ancien président de la République du Golfe. Grand sorcier, il utilise ses pouvoirs pour assurer l’indépendance de la France. Il est assassiné par Koyaga et ses Lycaons. Le personnage renvoie au premier président togolais Sylvanus Olympio.

Bingo : sora (équivalent malinké de l’aède et du rhapsode), est le narrateur principal du donsomana : il chante les louanges de Koyaga et joue de la kora. Il est le griot musicien de la confrérie des chasseurs et a comme rôle de dire les exploits des chasseurs et encense les héros chasseurs.

Tiécoura : apprenti de Bingo, appelé «répondeur» ou cordoua. C’est un initié en phase purificatoire, un fou du roi. Il fait le bouffon, se permet tout et il n’y a rien qu’on ne pardonne pas au cordoua.

Homme au totem caïman : aussi appelé Tiékoroni ou le bélier de Fasso, dirigeant de la République des Ébènes (Côte d’Ivoire), son personnage fait référence à Félix Houphouët-Boigny.

Homme au totem hyène : aussi appelé Bossouma, dirigeant de la République des Deux Fleuves (Centrafrique), son personnage fait référence à Jean Bédel Bokassa.

Homme au totem léopard : dirigeant de République du Grand Fleuve (Zaïre), il fait référence à Mobutu Sese Seko.

Homme en blanc au totem lièvre : aussi appelé Nkoutigui Fondio, dirigeant de la République des Monts (Guinée), son personnage fait référence à Ahmed Sékou Touré.

Homme au totem chacal : dirigeant du Pays des Djebels et du Sable (Maroc), son personnage fait référence à Hassan II.

Thématiques du livre de Ahmadou KOUROUMA

Dans son roman, Kourouma s’attaque indirectement aux dictateurs qui ont pris le pouvoir dans plusieurs pays d’Afrique au cours du 20ème siècle, au lendemain des indépendances. À travers son œuvre, il les décrit comme effets inéluctables du chaos instauré par les années de colonisation et également comme la cause d’un chaos aussi ravageur. Dans son écrit, Ahmadou Kourouma formule un constat ironique du continent : « l’Afrique est de loin le continent le plus riche en pauvreté et en dictatures […]. (P.354) »

Forme du roman en attendant le vote des bêtes sauvages

La forme qui structure ce roman, est le cercle. Le récit commence quand l’histoire est terminée. En effet, le roman se structure sur une vaste rétrospective qui commence par la fin annoncée de la dictature et récapitule toute la biographie du tyran Koyaga. 

Cette biographie engendre des événements, qui laissent place à de nouveaux personnages, qui déclenchent successivement plusieurs boucles narratives. Le temps raconté est donc déjà clos, il ne peut y avoir aucun suspense, aucune attente sauf celle de l’acte magique présente dans le donsomana. Ce cercle se manifeste déjà dans le titre, répété à la toute dernière page :

« Car vous le savez, vous êtes sûr que si d’aventure les hommes refusent de voter pour vous, les animaux sortiront de la brousse, se muniront de bulletins et vous plébisciteront. » (P. 358).

Cette structure circulaire devenue un cercle vicieux suggère que le pouvoir dictatorial est un engrenage dont il est quasi impossible de sortir, même par le vote. Il n’y a presque pas de dates, donc peu de repères, le temps n’avance jamais sans reculer, il s’agit d’une temporalité mouvante et circulaire.

Style de l’auteur Ahmadou Kourouma

En attendant le vote des bêtes sauvages oscille entre les types de discours. D’abord narré par un narrateur externe, le récit est ensuite passé au personnage de Bingo, donc en focalisation interne, mais qui va lui-même prendre le rôle d’un narrateur omniscient durant les veillés. Ainsi, la majorité du roman est en fait raconté au discours direct, celui de Bingo. 

Cependant, sa place de personnage est rapidement effacée, et il devient le véritable narrateur du roman. Par ce procédé, Kourouma offre une illusion de l’oralité et montre le lien puissant qui existe entre son œuvre et le récit conté. Le roman présente plusieurs proverbes qui témoignent d’une tradition orale, marquant l’imaginaire des romanciers francophones d’Afrique subsaharienne.

« Il vaut mieux marcher sur la queue d’une vipère des déserts que de tenter d’être injuste à l’égard d’un montagnard […]. » (P.10) Une longue tradition d’oralité se remarque sur les œuvres africaines. Kourouma se détache toutefois du modèle réaliste que constitue le roman francophone d’Afrique subsaharienne, jusqu’aux années 1960, pour présenter un imaginaire véritablement africain. 

En attendant le vote des bêtes sauvages tente de conjuguer les pouvoirs magiques du récit oral traditionnel, qu’il reproduit à travers le donsomana, et les charmes de la poésie occidentale. L’écriture de Kourouma est constamment ironique, voire sarcastique, dans le roman, l’auteur adopte le langage de l’ennemi, pour en suggérer le revers. Dans le monde renversé instauré par Koyaga, maître-chasseur, les valeurs anciennes de la chasse sont subverties.

Les œuvres écrites par l’auteur

Ahmadou Kourouma a écrit plusieurs ouvrages tels ques :

• 1968:  Les Soleils des indépendances ( publié au Seuil en 1970)

• 1998 : En attendant le vote des bêtes sauvages (Seuil 1999).

• 2000 : Allah n’est pas obligé (Seuil) (Prix Amerigo-Vespucci, Prix Renaudot, Prix Goncourt des lycéens).

• 2004 : Quand on refuse on dit non (Seuil).

En attendant le vote des bêtes sauvages est une critique lucide contre la dictature menée par des hommes sans scrupules sur la terre africaine. Il nous raconte la montée au pouvoir du chasseur-président Koyaga, un tyran de la pire espèce qui pille, magouille et tue sans vergogne.

✍️ Didier Jaurès VOITAN, Documentaliste, chroniqueur littéraire

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3 commentaires

  1. Hounye

    J’ai adoré le commentaire .Mais il y a une chose ,il a fait un lien entre koyaga et Gnassingbé ce qui moi je pense qu’il aurait fait autrement disons,il aurait pu un peu voiler les choses mais bon dans l’ensemble pas mal . Maintenant je vais aller réellement lire cet ouvrage parce que je l’ai en PDF.Mais la lecture me cause problème.merci de me motiver à aller lire

  2. Ping :Quand on refuse on dit non d'Ahmadou Kourouma - L'ivre Du Livre

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