Du Dan-Xomè au Bénin, la philosophie du nom : pour une étude de l’origine du changement de nom de la République du Dahomey à la lumière de Deux flagrants délits d’ingratitude des Béninois de Paulin Hounsounon-Tolin.
Du Dan-Xomè au Bénin, la philosophie du nom : pour une étude de l’origine du changement de nom de la République du Dahomey à la lumière de Deux flagrants délits d’ingratitude des Béninois de Paulin Hounsounon-Tolin.

Du Dan-Xomè au Bénin, la philosophie du nom : pour une étude de l’origine du changement de nom de la République du Dahomey à la lumière de Deux flagrants délits d’ingratitude des Béninois de Paulin Hounsounon-Tolin.

Le nom est un patrimoine culturel et historique qui retrace le parcours d’un homme. Il est ce qui permet l’identification d’un peuple par rapport à un autre. Le choix des noms est déterminé par plusieurs facteurs dont l’un concerne l’histoire de l’être ou du peuple. Si le nom d’un homme n’est pas le fruit du hasard mais plutôt le produit de plusieurs circonstances, combien en sera-t-il du nom de tout un peuple, d’une nation. Paulin Hounsounon-Tolin nous dit dans son œuvre que le choix du nom Bénin au détriment du Dahomey est une ingratitude relevant de la mécompréhension de tout ce qu’implique le choix d’un nom pour un pays. Quelle est la philosophie que véhicule le nom Bénin ? Comment comprendre la logique de rejet du contenant et de l’acceptation du contenu ? Qu’est-ce qui explique l’abandon du nom Dan-Xomè au profit du Bénin ?

I- Du Dan-Xomè au Bénin : la philosophie du nom

L’origine du choix du nom Bénin et les raisons qui expliquent ce choix demeurent sombres. Le changement du nom Dan-Xomè en Bénin remonte à la période révolutionnaire. Le choix de ce nom a été fait sans aucune considération des réalités socio-culturelles du Dan-Xomè et s’explique surtout par un régionalisme virulent. 

Comme nous le rapporte Paulin Hounsounon-Tolin, le feu professeur Abiola Félix Iroko expliquait lors d’un colloque que le choix du nom pouvant remplacer le Dahomey avait été confié à deux professeurs de lycées. Ces derniers n’ayant pas mené de profondes recherches ont choisi le nom Bénin sans s’interroger sur le sens et la philosophie que véhicule ce nom. 

Malheureusement cette proposition de nom a été acceptée par le régime d’alors. Il faut comprendre ici que l’acceptation de ce choix du régime d’alors relève d’une politique axée sur le régionalisme. La politique étant la plupart du temps axée sur les intérêts du dirigeant, ce dernier ne tient compte que de ce qui sera profitable à sa famille et à lui, au détriment du bien-être du peuple. 

Il faut lire à la page 28 de l’ouvrage une phrase qui exprime clairement cela : « Les acteurs politiques ne pensent qu’aux leurs à cause des indemnités à percevoir.» Comme autre raison qui peut expliquer le changement du nom Dan-Xomè en Bénin, Paulin Hounsounon-Tolin fait un recours au contexte général de cette période. 

Il s’agissait d’une période où les pays voisins au Dan-Xomè avaient opté pour un changement de nom. Vu dans ce sens, c’est-à-dire dans ce contexte, on peut avancer que le Dan-Xomè actuel Bénin a subi une certaine influence. Toutefois l’auteur nous rappelle que cela n’est pas encore une raison valable car le choix du nom devrait refléter les valeurs propres à la culture et à l’histoire du peuple dahoméen. 

En se fondant sur l’exemple des peuples ghanéen et burkinabè, Paulin Hounsounon-Tolin montre que le changement du nom de ces pays comporte une philosophie qui répond à leurs réalités propres. Il explique : 

«  Le Ghana (roi guerrier ou homme de guerre) n’a pas de liens géographiques, culturels ou historiques avec l’Empire du Ghana. C’était lors de l’indépendance que Kwame Nkrumah renomma la Côte-de-l’Or Ghana en hommage à l’empire du Ghana. C’est un hommage qu’a voulu rendre. » p.31-32. 

Le choix du nom Burkina-Faso au détriment de la Haute-Volta, est selon Paulin Hounsounon-Tolin porteur d’une philosophie car le choix provient des deux ethnies majoritaires du pays : Mooré et Dioula et donc : 

«  Puiser dans la philosophie des deux ethnies majoritaires du pays pour trouver quelque chose d’aussi noble et prégnant que le nom Burkina-Faso, témoigne de la sagesse de ceux à qui le travail a été confié. » p. 32. 

À travers son éternel concept de « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut », Paulin Hounsounon-Tolin rappelle la nécessité du fait que les dirigeants s’entourent des bonnes têtes. Le nom Bénin ne véhicule aucune philosophie propre au Dahomey. Au contraire, ce nom exprime un déjà-vu qui n’a d’ailleurs rien à voir avec le glorieux passé du royaume de Dan-Xomè. 

Partant de la définition du terme  «Bénin», Paulin Hounsounon-Tolin nous apprend que le nom Bénin est porté par une ville du Nigéria. Le choix de ce nom par le Dahomey introduit une confusion dans la situation géographique du pays. Il explique : 

« Quand on parle, d’ailleurs, de l’art du Bénin sur Radio France Internationale, ce n’est souvent pas de l’art de la République du Bénin dont il est question, mais plutôt de celui du royaume du Bénin au Nigéria. » p. 33-34. 

Le choix du nom Bénin comme mentionné plus haut, témoigne du régionalisme dont a fait preuve le régime révolutionnaire. Le nom Dahomey est une résultante de la francisation du Dan-Xomè qui signifie « dans le ventre de dan ». Le roi Gbêhanzin connu pour sa force et ses victoires légendaires, est l’une des figures emblématiques de ce royaume. 

Le nom Dan-Xomè est d’origine Fon et donc à une période où le régionalisme est à son paroxysme, ce nom ne fut pas accepté comme nom officiel du pays. Les autorités arguent que le nom Dahomey « ne représente que 1/5 de notre territoire national » p.38. Et c’est justement ce qui explique le choix d’un nom qui n’a rien à voir avec la réalité du pays, un nom qui ne porte aucune philosophie. 

Paulin Hounsounon-Tolin affirme qu’il s’agit-là purement et simplement d’une ingratitude « dont le principal acteur reste et demeure ce caméléon, envers l’Héroïque royaume de Dan-Xomè, envers l’histoire du Dahomey, et même envers l’Histoire de l’Afrique au Sud du Sahara. » p.38

Le choix du nom Bénin relève d’un régionalisme qui ne dit pas son nom et qui a été orchestré par le régime révolutionnaire. Ce nom est né du refus de donner aux Fons un pays à leur apanage. Malheureusement si ce nom n’avait pas été modifié, cela aurait largement contribué à la création d’une identité propre au Dahomey car comme le dit Paulin Hounsounon-Tolin : 

« Une nation qui n’aurait aucune originalité, aucune identité, propre, et la distinguant des autres nations, n’en serait vraiment pas une. » p.39

II- La logique de rejet du contenant et de l’acceptation du contenu : « un peuple vendeur de son chien de la maison pour un cynocéphale. » 

Le nom Bénin comme mentionné plus haut est un nom qui n’exprime aucune philosophie propre au Dan-Xomè. Ce nom est le fruit d’un régionalisme, d’une politique qui ne veut pas que le pays soit à l’apanage du peuple Fon. Or le nom d’un pays comme le dit l’auteur doit véhiculer une philosophie qui a trait à la culture, au passé, à la vie du peuple en général. 

La politique de réclamation des biens culturels que le Bénin a récemment menée est en parfaite contradiction avec le nom du pays. Mieux : comment peut-on expliquer le fait qu’un pays qui refuse de porter le nom relevant de sa culture, se permet de réclamer les biens de cette même culture ? 

Il s’agit là de la logique de rejet du contenant et de l’acceptation du contenu dont nous parle Paulin Hounsounon-Tolin. Il exprime plus clairement cette logique à travers la phrase : « un peuple vendeur de son chien de maison pour un cynocéphale. ». Autrement dit, à travers la logique du rejet du contenant et de l’acceptation du contenu on peut voir un Bénin réclamant les biens culturels du Dan-Xomè. Ne serait-ce pas là une usurpation d’identité ? 

Ceci peut nous conduire à même nous demander si le jeu de la restitution des trésors royaux du Dan-Xomè au Bénin en vaut la chandelle ? Le Bénin se permet aujourd’hui de valoriser et d’exposer les biens culturels du Dan-Xomè, des biens qui n’ont aucun lien, aucune histoire avec le nom Bénin. 

Un nom qui n’a aucun lien avec les trésors royaux, les biens culturels du Dan-Xomè. L’auteur explique qu’il s’agit d’une méprise du contenant. En d’autres termes, cette restitution est semblable à un corps qui porte une tête qui n’est pas sienne. Cette logique de reconnaissance ne peut être que drôle comme le dit l’auteur lui-même : 

« Drôle de logique de reconnaissance, dira-t-on donc de la part de ces Béninois, un peuple vendeur de son chien domestique pour un cynocéphale ! Mais ces Béninois, ayant agi ainsi ou l’ayant approuvé, sont ceux dont les mères s’étaient entendues pour «péter contre la nature» ». p.63

III- Le régionalisme comme raison de l’abandon du nom Dan-Xomè au profit du Bénin : « le principe de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ».

L’une des raisons qui expliquent l’abandon du nom Dan-Xomè au profit du Bénin selon Paulin Hounsounon-Tolin, c’est d’une part la négligence du « principe de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut » et d’autre part du régionalisme et de « l’ignorance de ses acteurs politiques de ce qui fait et constitue l’originalité identitaire d’une nation ».p.59. 

En effet les actes posés par une génération d’acteurs politiques ne doivent pas être selon Paulin Hounsounon-Tolin une source de condamnation pour les autres. C’est en cela qu’il faut mettre selon lui  « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ». Le régionalisme qu’a connu le Dahomey au temps de la révolution a joué un rôle décisif dans son histoire. 

Le refus du président Kérékou d’accorder au pays un nom qui proviendrait de la langue Fon, amène ici à interroger le « principe de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ». Or il est important, dit l’auteur, de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Car « la minorité du groupe ethnique d’un bien culturel ne peut pas nous amener à le laisser pour lui préférer, à cause de cela même, le bien culturel d’une autre nation. ».p. 48. 

Comprenons que lorsque le principe de « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut » n’est pas respecté, la seule conséquence qui peut en découler est celle d’ « un peuple vendeur de son chien de maison pour un cynocéphale. » En se fondant sur une fausse croyance selon laquelle le nom Dahomey serait porteur d’une malédiction, le président du régime révolutionnaire justifia le changement du nom du Dahomey. 

Or le véritable motif n’est rien d’autre que le régionalisme car les phrases suivantes justifient pleinement cela : « Si l’usine de tomate va être installé à Bohicon ou à Za-Kpota, il vaut mieux l’installer à Nati » et « Si le lycée militaire des jeunes filles va être installé à Abomey, il vaut mieux l’installer à Nati ».p. 45-46. 

Le fait de rendre à César ce qui lui appartient et à Dieu ce qui est à Dieu, témoigne d’une reconnaissance de la bravoure du peuple de Dan-Xomè. Mais avant cela, comme le souligne l’auteur, il est important de respecter « le principe de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ». 

De cette analyse donc, il est important de reconnaître que chaque nom doit pouvoir véhiculer une philosophie. Parmi les éléments qui définissent un être ou un peuple figure le nom qui retrace souvent le parcours et le passé d’un peuple et donc le processus du choix du nom d’un pays requiert analyses et réflexions car un pays n’est la propriété de personne. 

Régis M. HANTAN ; L’ivre Du Livre

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