Vendredi 21 novembre 2025, à l’Assemblée nationale du Bénin, le ministre Jean-Michel Abimbola a présenté devant la Commission budgétaire les grandes lignes des prévisions budgétaires 2026 du Ministère du Tourisme, de la Culture et des Arts (MTCA). Avec un budget global de 37,9 milliards FCFA, en forte baisse de 50,81 % par rapport à 2025. Cette présentation offre une occasion rare : analyser, chiffres à l’appui, la place réelle accordée au livre dans la stratégie culturelle et économique du Bénin. Dans un contexte où le marché national du livre reste fragile, structurer son financement public est un levier essentiel. Une question se pose : quelle place pour l’économie du livre, dans un marché national encore fragile ? Les lignes budgétaires clés — Programme Culture et Arts (7,68 milliards FCFA), FDAC (1,2 milliard FCFA), événements littéraires et classes culturelles — offrent certes des leviers de soutien, mais leur impact réel sur la filière reste à consolider.
Un budget global en baisse, mais une dynamique de continuité
Pour 2026, le MTCA projette un budget de 37,9 milliards FCFA, soit une baisse notable de 50,81 % par rapport à 2025. Comme expliqué par le ministre Abimbola, cette contraction résulte principalement du retrait des financements extérieurs mobilisés l’année précédente pour les grandes infrastructures. Cette baisse ne vise donc pas spécifiquement le livre, mais reflète un calendrier d’investissements massifs déjà engagés en 2025 (ça parle de retrait des ressources extérieures pour le financement d’infrastructures majeures du tourisme et de la culture en 2025) dans les secteurs culturels et touristiques.
Où se situe le livre dans la répartition budgétaire ?
Même si le projet de budget ne détaille pas isolément la ligne « livre », plusieurs éléments clés influencent directement l’économie du livre à commencer par le Programme Culture et Arts – 7,68 milliards FCFA. C’est la ligne la plus stratégique pour l’industrie du livre. Elle couvre notamment :
- la construction de nouveaux équipements culturels,
- l’avancement du Quartier Culturel de Cotonou,
- la coopération muséale,
- les classes culturelles, généralisation progressive,
- et surtout le FDAC (1,2 milliard FCFA), dédié au financement des initiatives artistiques et culturelles.
Le livre, en tant que secteur créatif structuré, bénéficie directement du FDAC et des équipements culturels (musées, salles, infrastructures de médiation culturelle). Les classes culturelles, si elles incluent un volet lecture, représentent un levier majeur pour le développement des publics, un élément essentiel de la chaîne du livre.
Ensuite dans la répartition budgétaire de 2026 du MTCA se trouve le Programme “Pilotage et soutien” – 2,99 milliards FCFA qui représente 7,9% du budget global. Ce programme concerne la gouvernance, les institutions publiques, les mécanismes d’appui. La qualité du pilotage influence :
- la coordination des politiques du livre,
- la structuration des filières (édition, distribution, bibliothèques),
- et la continuité des initiatives déjà lancées.
Le rapport mentionne la tenue de plusieurs manifestations majeures, dont :
- le Salon National du Livre,
- le Grand Prix Littéraire du Bénin.
Ces événements ont un impact direct sur la visibilité du livre, la professionnalisation du secteur et la dynamique économique autour des auteurs, éditeurs et libraires.
Performances 2025 : un secteur culturel plus solide, donc un environnement favorable au livre
Au 30 septembre 2025, le taux de consommation du ministère affichait :
- 72,42 % d’engagements,
- 69,25 % d’ordonnancements,
- avec des programmes dépassant parfois 78 % d’exécution.
Une exécution budgétaire élevée est un signal positif pour le livre, car elle confirme que les financements culturels mis en place sont réellement utilisés, et non théoriques. Le secteur culturel, en se renforçant (musées, événements, réhabilitations), devient un écosystème plus accueillant pour l’industrie du livre.
Le livre dans la vision socio-économique du gouvernement
Les députés ont souligné que la culture, les arts et le tourisme constituent des leviers de développement socio-économique.
Cette vision, partagée par le gouvernement, place le livre :
- comme un outil de rayonnement culturel,
- comme une composante du capital intellectuel national,
- comme une filière créative pouvant contribuer à la croissance et à l’emploi.
Même si le budget ne détaille pas encore un programme dédié exclusivement au livre, les actions structurantes (événements, classes culturelles, infrastructures, FDAC) soutiennent indirectement mais réellement le secteur.
Quels enjeux spécifiques pour l’économie du livre ?
Les chiffres globaux du MTCA sont encourageants, mais le livre reste difficile à mesurer économiquement. D’où la nécessité d’un véritable compte satellite du livre. La prochaine étape stratégique serait donc la mise en place d’une cartographie claire et précise des métiers du livre, le suivi régulier et dynamique de la bibliographie nationale, la mesure de la contribution réelle du livre au PIB culturel.
A ceux-ci vont s’ajouter la pérennisation des événements littéraires financés par l’État, Salon du livre, Prix littéraire… L’impact économique doit être consolidé par un écosystème éditorial professionnel, des circuits de distribution renforcés, une politique commerciale du livre.
L’intégration davantage la chaîne du livre dans les investissements culturels, à prioriser. Par la tenue régulière du Salon nationale du livre, du Grand Prix littéraire et la restructuration des institutions en charge du livre, le Bénin a déjà fait des avancées notables. Les infrastructures muséales et touristiques sont structurantes, mais il pourrait encore mieux faire tel qu’envisager :
- un Fonds national exclusivement destiné au livre avec une allocation conséquente,
- un plan de soutien aux librairies,
- un programme d’achat public de livres pour les bibliothèques publiques et accompagnement pour le développement des bibliothèques privées,
- un soutien à la transition numérique du secteur.
- une mise en place d’une direction technique du livre qui collecte les données, pour l’élaboration et le suivi d’une politique nationale du livre.
Un budget d’efficacité et de continuité, mais un besoin de ciblage pour le livre
En clôturant sa présentation, le Ministre Abimbola évoque un budget au service de la croissance, de l’emploi et du rayonnement international. Pour que le livre y prenne toute sa place, il sera essentiel de :
- renforcer les mécanismes de financement dédiés,
- intégrer le livre dans les politiques éducatives et touristiques,
- professionnaliser l’écosystème éditorial,
- développer des indicateurs économiques fiables.
Le budget 2026 du MTCA confirme une dynamique culturelle solide au Bénin, même dans un contexte de réduction globale. Sans être explicitement centré sur le livre, il contient plusieurs leviers majeurs pouvant soutenir l’économie du livre à court et moyen terme : infrastructures culturelles, événements littéraires soutenus, financement via le FDAC, gouvernance renforcée, politiques éducatives favorables.Pour maximiser l’impact, une prochaine étape cruciale serait la structuration d’une véritable politique économique du livre, capable de mesurer, financer et valoriser ce secteur stratégique pour la nation.
