Avec Amer comme miel, Antonin KANLINSOU, enseignant de lettres, écrivain béninois et conseiller pédagogique de l’enseignement secondaire, signe un recueil de quatre nouvelles où la famille devient un territoire d’émotions contrastées. Douce comme le miel, blessante comme le fiel, elle traverse chaque page avec la force d’un héritage vécu, assumé… ou parfois subi.
Un recueil qui raconte nos foyers
Ces quatre récits posent un regard sensible sur la société béninoise contemporaine : retours au village, tensions intergénérationnelles, secrets domestiques, poids du devoir, heurts entre désir personnel et attentes collectives. On y retrouve des scènes familières, si proches du réel qu’elles semblent jaillir de nos propres souvenirs.
L’écriture de Kanlinsou demeure d’une sobriété maîtrisée : phrases courtes, images nettes, détails précis. Rien n’y est amplifié inutilement : l’auteur observe, écoute, laisse parler le réel. Et c’est précisément cette simplicité qui donne au livre sa profondeur
Les thèmes majeurs :
La famille : douceur et amertume mêlées
Lieu de tendresse et de blessures, la famille apparaît sous son double visage. Elle nourrit, réchauffe, protège… mais elle peut aussi enfermer, imposer, juger.
La tradition : repère et contrainte
Les rites, la voix des anciens, les croyances locales rythment les récits. La tradition rassure, mais pose aussi des limites difficiles à franchir pour des êtres qui aspirent à se réinventer.
Identité et transmission :
Chaque personnage porte un héritage qu’il doit assumer ou transformer. Entre valeurs anciennes et modernité pressante, chacun cherche sa juste place dans un monde qui change.
Des personnages incarnés et profondément humains
KANLINSOU donne vie à des figures ancrées dans le quotidien béninois : jeunes citadins en quête de sens, mères épuisées, villageois ancrés dans la tradition, sages aux conseils ambigus. Plusieurs personnages marquants émergent du recueil :
- Akognon et Akomangnon, deux noms qui se répondent comme deux visions opposées de la famille : l’un incarne la ferveur et la loyauté, l’autre symbolise la désillusion et la distance affective.
- Montcho et sa mère Clémentine, séparés par les hasards de la vie, mais poursuivant chacun la quête de l’autre avec la patience douloureuse de ceux que le destin a fracturés.
- La petite placée, enfant confiée puis malmenée par une parenté insensible, qui ne trouve enfin la paix qu’au sein d’un foyer inattendu, preuve que la famille peut blesser… mais aussi réparer.
Ces silhouettes, fragiles et vraies, rappellent que la famille est parfois « le premier ennemi de l’homme », lorsqu’elle juge ou abandonne mais aussi « le dernier recours », lorsque tout vacille. Cette ambivalence, KANLINSOU la capte avec une justesse bouleversante.
Une œuvre qui parle bas mais frappe juste
Ici, l’auteur choisit la délicatesse. Les émotions ne sont jamais criées : elles affleurent. Le livre avance doucement, mais laisse derrière lui une empreinte durable, comme une caresse qui brûle un peu.
On referme le recueil avec cette impression simple : la famille est un miel qui nourrit, mais parfois, elle pique comme une abeille.
Amer comme miel se révèle ainsi comme un miroir tendu à nos réalités : tendre sans naïveté, critique sans violence, profondément humain.
Une œuvre lumineuse, traversée d’ombres, où la douceur familiale porte toujours une discrète amertume et c’est peut-être cette double saveur qui dit le plus vrai de nos vies.
Olivier CHABI chroniqueur paranormaliste
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