Interview avec Boubé Hama : une voix majeure de la littérature nigérienne contemporaine
Interview avec Boubé Hama : une voix majeure de la littérature nigérienne contemporaine

Interview avec Boubé Hama : une voix majeure de la littérature nigérienne contemporaine

Écrivain, éditeur et acteur culturel incontournable à Niamey au Niger, Boubé Hama, diminutif de son nom à l’état civil Boubacar Hamma, incarne une génération d’intellectuels engagés pour l’émergence d’une littérature contemporaine nigérienne vivante et structurée. Fondateur des Nouvelles Éditions du Sahel (N.E.S) crée en octobre 2019 ; promoteur du Marché du Livre et des Arts du Niger (MALAN). Il œuvre inlassablement à la professionnalisation du secteur du livre et de l’édition au Niger, tout en menant une carrière littéraire prolifique et une action associative très soutenue et engagée. 

Cadre dans le domaine des ressources humaines au sein d’une entreprise pétrolière, il concilie brillamment ses fonctions professionnelles avec sa passion pour l’écriture. Auteur de plusieurs ouvrages et articles de presse, Boubé Hama s’exprime également sur son blog lepoetedusahel.jimdo.com, où il partage réflexions poétiques, analyses cultures avec comme but précis la promotion de la littérature contemporaine nigérienne. 

Vice-président de la Fédération des Écrivains du Niger (FEN), il défend une vision panafricaniste de la littérature, portée par la solidarité intellectuelle, la mémoire collective et l’exigence esthétique.

Identité et parcours 

LDL : M. Boubé Hama, vous êtes écrivain, éditeur, blogueur culturel, enseignant d’anglais à un moment donné et professionnel RH. Pouvez-vous vous présenter plus amplement à nos lecteurs et nous dire comment avez-vous construit ce parcours si hybride ?

BH : Je suis né au carrefour de plusieurs passions. Mon identité est d’abord façonnée par l’amour des mots. Très tôt, j’ai compris que l’écriture n’était pas qu’un refuge, mais une manière d’exister pleinement, de questionner le monde et d’y laisser une empreinte indélébile à travers l’art et la culture. Mon parcours est donc le fruit de croisements volontaires : la littérature, l’enseignement, les ressources humaines, et l’engagement éditorial.

J’ai enseigné l’anglais à un moment donné, par passion pour la transmission. Ensuite, les Ressources Humaines se sont imposées à moi comme un autre champ du lien humain et de la stratégie car j’ai une maîtrise en Gestion des Entreprise, option : Management, obtenue dans l’une des prestigieuses universités en Afrique _ Ahmadu Bello University, Zaria au Nigeria. Mais ce fil littéraire, lui, ne s’est jamais rompu. Créer les Nouvelles Éditions du Sahel, c’était une réponse claire à un besoin : celui de bâtir un espace de professionnalisation du livre, de donner une voix structurée aux auteurs du Niger. Ici, nous comblons un vide. Je ne crois pas aux trajectoires linéaires, je crois aux vocations croisées, quand elles sont nourries de cohérence intérieure.

LDL : Vous avez étudié au Nigeria, exercé au Niger, voyagé en France dans le cadre d’échanges culturels. Quel regard portez-vous sur cette diversité de lieux et d’expériences ?

BH : Étudier au Nigeria, travailler au Niger, participer à des rencontres culturelles en France, en Côte d’Ivoire, au Togo, au Maroc, et bientôt au Burkina Faso. Tout cela m’a offert un regard décloisonné. Chaque lieu m’a appris une manière d’aborder le monde, de me positionner comme jeune Africain, comme penseur, comme artisan de mon art. Le Nigeria m’a impressionné par sa vitalité intellectuelle et sa culture du livre et aussi estudiantine. Le Niger, c’est mon socle, mon terreau, mon exigence de vérité. La France m’a offert un autre miroir, un espace où l’on interroge autrement la littérature, où l’on attend peut-être plus de forme, mais pas toujours assez de fond.

Cette diversité m’a appris une chose essentielle : la littérature africaine ne doit pas chercher la légitimation extérieure, mais plutôt l’affirmation intérieure. C’est à partir de notre vécu, de notre langue intérieure et de nos douleurs partagées que nous écrivons des textes vrais, puissants, utiles. Telle est notre richesse culturelle et littéraire. 

LDL : Vous êtes également blogueur. Quel rôle joue votre blog lepoetedusahel.jimdo.com dans votre engagement littéraire et culturel ?

BH : Ce blog est à la fois un carnet de route, un laboratoire d’idées et une vitrine d’engagement. Il me permet d’écrire librement, de partager mes réflexions sur la société, la culture, l’Afrique et le livre. C’est aussi un espace de veille littéraire, un lieu de mémoire, et parfois, de colère douce. À travers lui, je dialogue avec un lectorat exigeant, qui ne se contente pas de la surface.

Je m’en sers pour défendre une vision du livre comme outil de souveraineté intellectuelle, pour interroger les politiques culturelles, mettre en lumière les auteurs du Sahel et de l’Afrique, et affirmer que l’écriture est une forme de résistance. C’est un outil personnel, mais aussi un petit phare dans le désert éditorial qui entoure parfois nos plumes africaines. Nécessite une mise à jour, très bientôt.

LA MAISON D’ÉDITION : LES NOUVELLES ÉDITIONS DU SAHEL (N.E.S)

Présentez-nous votre maison d’édition, Nouvelles Éditions du Sahel. Quelle vision la sous-tend ?

Les Nouvelles Éditions du Sahel sont nées en octobre 2019 d’une conviction forte : le Niger ne peut bâtir son avenir sans une industrie du livre solide, autonome et exigeante. Trop longtemps, l’édition a été perçue comme un simple débouché ou une activité marginale. Or, elle est un pilier de la souveraineté culturelle de chaque pays. 

La vision qui anime N.E.S repose sur trois axes : professionnalisation, visibilité des voix nigériennes, et ancrage régional. Nous voulons éditer avec rigueur, sans jamais sacrifier la qualité éditoriale. Cela implique un véritable travail sur les manuscrits, des normes graphiques élevées, et une stratégie de diffusion claire. Mais surtout, nous voulons faire émerger des textes qui parlent du Niger au monde et du monde au Niger, dans une langue littéraire enracinée et contemporaine.

Preuve éclatante de la qualité de notre engagement éditorial, l’un de nos auteurs a récemment été couronné du prestigieux Grand Prix National Bernard Dadié de la Littérature en Côte d’Ivoire, en mai 2025. Une distinction qui honore non seulement le talent de l’écrivain, mais aussi le travail passionné que nous menons pour faire rayonner la littérature africaine.

Vous imprimez dans trois pays et travaillez avec des librairies partenaires. Cela demande une logistique bien huilée : quelles sont les forces et les limites de ce fonctionnement ?

Notre choix d’imprimer dans trois pays – le Niger, le Bénin et la France– répond à des réalités techniques et économiques. Certains ouvrages nécessitent des finitions spécifiques ou des tirages que les structures locales ne permettent pas toujours. Nous avons donc développé un réseau de partenaires fiables pour assurer la qualité, tout en optimisant les coûts et les délais.

Mais cette logistique a ses limites : elle suppose une coordination constante, des frais de transport non négligeables, et parfois des lenteurs douanières. Néanmoins, cette stratégie nous permet de garder une présence régionale et de collaborer avec des librairies partenaires à Niamey et dans la sous-région. 

Notre force, c’est cette capacité à travailler avec des standards professionnels tout en gardant l’agilité d’une maison ancrée dans un contexte sahélien exigeant.

Comment accompagnez-vous les jeunes auteurs nigériens, souvent confrontés à des difficultés de publication et de visibilité ?

Accompagner les jeunes plumes, c’est au cœur de notre mission. L’édition ne doit pas se limiter à produire des livres, elle doit aussi former, écouter, encadrer. Beaucoup de jeunes auteurs nigériens ont du talent, mais manquent d’outils : relecture, structuration du propos, compréhension du marché du livre. Chez N.E.S, nous adoptons une approche d’édition participative : nous travaillons main dans la main avec l’auteur, depuis le manuscrit brut jusqu’au produit final. À cet effet, Nous avons créé depuis 2023 un portefeuille étudiant et élèves. 

Nous organisons aussi des ateliers, des cafés littéraires, des rencontres intergénérationnelles  pour renforcer les liens et briser l’isolement créatif. Et surtout, nous militons pour leur visibilité : en salons, dans les écoles, sur les plateformes numériques. C’est un travail de fond, parfois lent, mais fondamental pour bâtir une relève solide et confiante.

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VISION CULTURELLE ET PANA-AFRICANISME

Vous avez déclaré dans une interview en 2020 que l’Afrique « ne mérite pas ce qu’elle vit ». Que pensez-vous du rôle de l’écrivain face aux crises politiques et sociales, notamment au Niger depuis 2023 ? Espoir, inquiétude, résignation ?

Oui, j’ai dit en 2020 que l’Afrique ne mérite pas ce qu’elle vit, et je le pense plus que jamais. Le continent regorge de ressources, d’intelligences, de créativité dans tous les domaines mais il reste enfermé dans des cercles d’instabilité, d’exploitation, de fractures internes.

Face à cela, l’écrivain ne peut pas être neutre. Il est à la fois mémoire, miroir et veilleur. Ce que le Niger vit depuis 2023, avec ses soubresauts politiques et ses fragilités sociales, nous oblige à écrire non pas pour fuir, mais pour comprendre, dénoncer et relier. J’éprouve de l’espoir lucide, parfois de l’inquiétude, mais jamais de résignation. Car écrire, c’est déjà refuser de se taire. C’est déjà lutter.

Votre discours est souvent empreint de panafricanisme culturel. Croyez-vous que l’édition africaine peut être un levier pour l’unité culturelle du continent ?

Je crois profondément que le livre peut devenir un instrument d’unité culturelle africaine. Nos réalités, bien que diverses, sont reliées par des douleurs partagées : la colonisation, l’oubli de soi, la jeunesse désorientée. L’édition africaine, si elle se structure, peut devenir un écosystème de transmission, de dialogue, de construction identitaire.

Mais pour cela, il faut dépasser les cloisons linguistiques, encourager les coéditions transfrontalières, soutenir les salons du livre africain, créer des ponts entre éditeurs francophones, lusophones, arabophones, etc. Le panafricanisme ne peut pas rester un slogan : il doit devenir un maillage concret d’acteurs culturels qui se lisent, se traduisent, se publient.

Vous avez appelé les jeunes à se réunir pour combattre un “mal commun”. La création de la FEN (Fédération des Écrivains du Niger) est-elle une réponse à cet appel ? Quel est son rôle aujourd’hui ?

Effectivement, la création de la FEN – Fédération des Écrivains du Niger – est née de ce besoin urgent d’agir collectivement. Nous ne pouvions plus rester dispersés alors que les défis culturels étaient immenses. J’ai appelé à unir nos voix pour combattre un “mal commun” : celui de l’indifférence, de l’effacement, de la marginalisation du livre nigérien.

La FEN se veut un cadre d’action, de solidarité et de plaidoyer, un lieu de formation, de rencontres, mais aussi de défense des droits des auteurs. Aujourd’hui, elle travaille à créer des passerelles avec d’autres organisations d’écrivains en Afrique de l’Ouest. Car un écrivain isolé peut crier ; un collectif peut résonner.

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LA FEN (FÉDÉRATION DES ÉCRIVAINS DU NIGER)

Qu’est-ce que la FEN ? Comment est-elle née  ? Quels sont ses objectifs à court et à long terme ?

La Fédération des Écrivains du Niger (FEN) est née en réponse à un vide structurel et professionnel. Pendant longtemps, les écrivains nigériens ont œuvré chacun de leur côté, sans cadre formel pour se réunir, s’exprimer collectivement ou défendre leurs droits. La FEN a vu le jour à l’initiative d’un noyau d’auteurs soucieux de bâtir une structure représentative, moderne et fédératrice. Je suis membre fondateur. 

Ses objectifs à court terme incluent la mise en réseau des écrivains, la promotion des œuvres littéraires nigériennes, et l’organisation d’activités de formation et de sensibilisation. À long terme, la FEN ambitionne de peser dans les politiques culturelles nationales, de faciliter la création d’institutions durables du livre (maisons d’édition, bibliothèques, résidences d’écriture, foire de livre, etc.), et de s’inscrire dans une dynamique panafricaine de coopération culturelle à l’échelle internationale.

Quels liens entretient-elle avec les institutions culturelles nigériennes et africaines  ? En quoi la FEN se distingue-t-elle des autres initiatives littéraires du pays ?

 La FEN travaille à établir un dialogue régulier avec les ministères en charge de la culture et de l’éducation, mais aussi avec les ambassades, centres culturels et ONG intéressés par le développement du livre nigérien. À l’échelle africaine, elle tisse progressivement des liens avec d’autres fédérations littéraires pour initier des échanges, coproductions et rencontres.

Ce qui distingue la FEN des autres initiatives, c’est sa dimension fédérative et son approche professionnelle. Elle ne se limite pas à organiser des événements, elle cherche à structurer un écosystème. Elle intègre toutes les générations d’écrivains, toutes les langues d’expression, et privilégie une vision durable du rôle de l’auteur dans la société.

Quelle stratégie la FEN met-elle en place pour répondre à la rareté des maisons d’édition et à l’absence de bibliothèques nationales ?

La rareté des maisons d’édition et l’absence d’une véritable bibliothèque nationale constituent un frein majeur à la circulation des œuvres. La FEN adopte une approche pragmatique : elle encourage l’édition encadrée à compte d’auteur et à compte d’éditeur, soutient les éditeurs existants, et milite pour la création de fonds de soutien à la publication en partenariat avec les institutions publiques et privées.

Elle développe aussi un projet de bibliothèque numérique nationale participative, qui permettra aux auteurs nigériens de rendre leurs œuvres accessibles même en l’absence d’infrastructures physiques. L’idée est de créer des modèles hybrides adaptés aux réalités locales.

Les centres de lecture au Niger sont-ils en déclin ou en essor ? Que compte faire la FEN pour les soutenir ou les créer ?

Malheureusement, les centres de lecture au Niger sont pour la plupart en déclin, par manque de financement, d’animation ou de renouvellement des ouvrages. Cependant, quelques initiatives locales montrent qu’un renouveau est possible, si la volonté politique et citoyenne est là.

La FEN prévoit de lancer un programme de revitalisation des centres existants, en partenariat avec les collectivités territoriales, municipales et les écoles. Elle œuvre aussi à la création de petites bibliothèques communautaires dans les quartiers et villages, animées par des jeunes volontaires formés à la FEN.

L’objectif est clair : redonner au livre sa place dans l’espace public, en sortant de la logique d’élite pour en faire un bien commun au  Niger.

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ÉTAT DES LIEUX DE LA LITTÉRATURE AU NIGER

En 2020, vous dénonciez la suppression de la Direction Nationale du Livre. Qu’en est-il aujourd’hui ?

En 2020, la suppression de la Direction Nationale du Livre a été un coup dur pour tous les acteurs culturels du livre du Niger. Elle a symbolisé un désengagement de l’État à un moment où nous avions besoin de plus de structures, pas moins. En 2025, malheureusement, aucun organe équivalent n’a été rétabli. Quelques actions ponctuelles sont menées par le ministère en charge de la culture, mais l’absence d’un cadre institutionnel permanent affaiblit la politique du livre au Niger, à coup sûr !

Il devient urgent de réinstaurer une direction dédiée, dotée de moyens adéquats, pour appuyer les auteurs, la Fédération des Écrivains du Niger, les éditeurs, les libraires, et structurer une véritable économie de la chaîne du livre nigérien.

Quelle est votre analyse du marché du livre au Niger en 2025 ? Une amélioration ou un piétinement ? Avez-vous le sentiment que les autorités accordent aujourd’hui plus de place aux acteurs culturels qu’il y a quelques années ?

Le marché du livre nigérien en 2025 connaît quelques frémissements positifs, notamment grâce à l’émergence d’initiatives privées, à l’engagement de jeunes éditeurs et au numérique. Des événements littéraires commencent à s’ancrer dans le calendrier national. Mais dans l’ensemble, on observe plus un piétinement qu’une réelle croissance structurée.

Les autorités semblent désormais plus ouvertes au dialogue culturel qu’il y a quelques années, mais les moyens concrets restent faibles. Le livre est encore perçu comme un luxe ou une affaire d’élites, alors qu’il devrait être un levier d’éducation, d’économie et de citoyenneté.

Comment percevez-vous l’intérêt des jeunes pour la lecture et l’écriture ?

Je reste optimiste quant à l’intérêt des jeunes pour la lecture et l’écriture, même si cet intérêt est souvent fragile. Beaucoup écrivent sur les réseaux sociaux, publient des poèmes ou des textes en ligne, mais ils manquent d’encadrement, de retours critiques, de lieux pour se former.

Là encore, il faut des politiques publiques volontaristes : intégrer la lecture créative dans le système éducatif, multiplier les concours, soutenir les clubs de lecture, valoriser les auteurs jeunes. La jeunesse nigérienne a soif d’expression. À nous de lui tendre des livres au lieu de lui tourner le dos.

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TECHNOLOGIE, IA ET ÉDITION

Quelle est votre position face à l’intelligence artificielle générative dans l’écriture littéraire ? Les N.E.S sont-elles équipées pour détecter les œuvres générées par IA ? Y êtes-vous opposé ou ouvert sous conditions ?

Je regarde l’intelligence artificielle générative avec une curiosité vigilante. C’est un outil puissant, certes, mais l’écriture littéraire ne peut se résumer à une suite de formulations algorithmiques. Le souffle, la sensibilité, la nuance humaine échappent encore à la machine.

Aux Nouvelles Éditions du Sahel, nous sommes conscients du défi que cela pose. Nous ne sommes pas encore équipés d’outils de détection automatique d’œuvres générées par IA, mais notre processus éditorial rigoureux – lecture attentive, échange avec l’auteur, évaluation stylistique – nous permet de repérer les textes sans profondeur humaine.

Je ne suis pas opposé à l’usage de l’IA, mais je suis opposé à la substitution totale de l’humain dans l’acte créatif. L’IA peut assister, enrichir, inspirer -mais elle ne peut ni ressentir, ni porter la mémoire d’un peuple, ni créer avec la sincérité d’un auteur engagé…

L’évolution numérique du livre (ebook, autoédition, plateformes) influence-t-elle vos pratiques éditoriales ?

Nous sommes en phase d’expérimentations du numérique. Nos ouvrages se vendent à 99,99% physiquement. Version papier. C’est plus charmant et attrayant.

Mais notre souci reste le même : la qualité littéraire. Le numérique permet d’élargir le lectorat, surtout dans des zones où l’accès au livre papier est difficile. Cependant, il ne doit pas devenir une voie de facilité éditoriale, au détriment du travail de fond sur les textes. Nous utilisons le numérique comme un levier de démocratisation, mais sans renoncer à l’exigence littéraire.

Quels sont vos projets pour adapter N.E.S aux nouveaux outils technologiques tout en préservant la qualité littéraire ?

Nos projets à venir incluent :

  • la création d’une plateforme numérique voire un site web N.E.S, pour la vente d’ebooks et l’accueil de jeunes auteurs.
  • la mise en place d’un programme de formation en écriture et édition numérique, pour accompagner les jeunes talents.
  • le développement de partenariats avec des start-ups culturelles africaines, afin de co-construire des solutions adaptées à notre contexte.

Mais au cœur de tout cela, il y a une certitude : la technologie ne remplace pas le sens. Chez N.E.S, nous voulons marier tradition et innovation, sans jamais renier l’âme du livre, cet espace où la parole humaine devient mémoire, combat, et promesse.

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OEUVRES ET ENGAGEMENT PERSONNEL

Pouvez-vous nous présenter votre bibliographie complète à ce jour ? Y a-t-il un ou plusieurs ouvrages parmi vos créations qui vous tiennent particulièrement à cœur ? Pourquoi ?

Ma bibliographie se compose à ce jour de dix ouvrages, répartis entre poésie, essai, nouvelles et roman :

  1. Ah ! L’Afrique, poésie, Éditions Édilivre, France, janvier 2012
  2. Le Bac, essai, Éditions Édilivre, France, juillet 2012
  3. Afrique, pleure…, poésie, Éditions Édilivre, France, juin 2016
  4. La légende du roi-sorcier, nouvelles, Éditions Ifrikiya, Cameroun, juillet 2017
  5. La plume carcérale, roman, Éditions Continents, Togo, mai 2019
  6. Au banc des accusés, roman, Nouvelles Éditions du Sahel, Niger, janvier 2020
  7. Aube mystique, nouvelles, Vénus d’Ébène, Bénin, août 2020
  8. La colère des dunes, poésie, Nouvelles Éditions du Sahel, Niger, juin 2021
  9. L’ombre du mal, nouvelles, Nouvelles Éditions du Sahel, Niger, décembre 2021
  10. Mes trois vagues à bonds d’âges, roman, Nouvelles Éditions du Sahel, Niger, décembre 2024

Je n’ai pas de préférence particulière parmi ces titres. Chaque ouvrage a été écrit dans un contexte émotionnel, intellectuel ou historique précis. Ils me sont tous chers et égaux, à la fois fragments de moi-même et miroirs de notre société.

Où peut-on se procurer vos livres aujourd’hui, au Niger comme à l’étranger ?

C’est une question récurrente et ô combien légitime. Malheureusement, je dois vous informer que l’ensemble de mes ouvrages a été tiré chacun de 300 à 500 exemplaires maximum, à l’exception des trois premiers titres publiés en France, chez Édilivre, où le tirage se fait à la demande.

À ce jour, tous les stocks sont épuisés, sauf pour mon dernier roman Mes trois vagues à bonds d’âges, encore disponible à cent exemplaires. Une production complémentaire de 400 exemplaires suivra tout au long des années 2025 et 2026.

La logique éditoriale mienne se repose sur un principe clair : une fois qu’un ouvrage dépasse les 400 exemplaires vendus, je procède soit à une réédition, soit à la publication d’un nouveau tapuscrit. C’est une manière pour moi de maintenir le souffle vivant de l’écriture, tout en respectant les réalités du marché et aussi de tenir en haleine mon lectorat.

MOTS DE FIN

Quel conseil donneriez-vous à un jeune écrivain nigérien et d’ailleurs aujourd’hui ?

Je lui dirais d’écrire avec foi, patience, modestie et humilité avec une grande ouverture d’esprit. Ceux-ci caractérisent pour moi un écrivain. D’écrire non pour plaire, mais pour dire. D’écrire sans attendre l’écho immédiat, car la littérature vraie prend le temps de germer dans les consciences. D’écrire sans se mettre en compétition avec un tiers auteur. D’écrire tout en professionnalisant ses ouvrages car j’ai adage de toujours dire « qu’un livre publié sans numéro ISBN est une production artisanale—non référencé. » Du coup, ce n’est pas un livre mais autre chose. Rire. Il est tout sauf livre. Qu’il lise beaucoup, observe son monde, et garde toujours un carnet d’âmes et de douleurs à portée de plume. Qu’il se forme, se relise, se dépasse. Car chaque mot publié engage une mémoire. Et enfin d’œuvrer pour une production littéraire de qualité et non de quantité.

Un mot pour les autorités africaines, les maisons d’édition locales et les lecteurs ?

Aux autorités, je rappelle que le livre est un outil de souveraineté économique et culturelle, pas un ornement. Le soutenir, c’est semer la paix, l’esprit critique, l’espoir et contribuer à la promotion de la littérature contemporaine.

Aux éditeurs, je dis : tenons bon, résistons à la facilité, bâtissons une économie du sens, même modeste.

Aux lecteurs, je dis merci. Votre regard donne vie à nos mots. Continuez de lire, de questionner, de transmettre.

Si vous aviez le pouvoir de changer une seule chose dans la politique culturelle de votre pays, que feriez-vous ?

Ah, la fameuse question ! Eh bien, sans hésiter, je ferais disparaître toutes les politiques culturelles teintées d’opportunisme politicien. Je mettrais la personne qu’il faut à la place qu’il faut, avec une vision, une méthode, et surtout, un amour sincère pour la culture comme matrice du vivre-ensemble au Niger.

Que peut-on attendre de vous dans les mois à venir ? Nouveaux livres ? Projets éditoriaux ? Mobilisations culturelles ?

Beaucoup, je l’espère. La grande production de mon roman Mes trois vagues à bonds d’âges est en cours. D’autres manuscrits en gestation sur ma table d’écriture sans oublier le Marché du Livre et des Arts du Niger (MALAN). Enfin, je reste mobilisé culturellement et panafricainement, au sein de la Fédération des Écrivains du Niger, pour que la parole des écrivains du Sahel rayonne malgré les vents contraires.

Nous voici au terme de cet entretien. L’équipe de L’ivre Du Livre vous remercie chaleureusement, Boubé Hama, pour votre disponibilité, votre générosité et la richesse de vos partages.

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