La récente conférence de presse intitulée « La quinzaine du gouvernement » a été l’une des plus commentées sur la toile. En cause, plusieurs déclarations retentissantes du porte-parole du gouvernement congolais, M. Thierry Moungala dont la plus controversée fut sans conteste celle justifiant l’expulsion manu militari de Kemi Seba du territoire congolais. Il a déclaré ceci :
« (…) Dans tous les systèmes juridiques du monde, il existe ce qu’on appelle un délit commun à tous les pays : la critique de la monnaie en usage… une telle critique de la monnaie peut provoquer des mouvements économiques et financiers que l’on ne pourrait pas maîtriser. »

Cette sortie a suscité une avalanche de réactions : publications, tribunes et commentaires en tout genre ce qui est tout à fait juste du point de vue de la tradition intellectuelle attachée à la vérité.
Ce qui indigne, cependant, c’est la manière dont une frange de prétendus panafricanistes s’est accaparée ce sujet, réduisant le Congo à un désert intellectuel, comme si notre pays ne comptait ni penseurs ni analystes capables de procéder à un fact-checking sérieux. Même le très vénéré professeur Franklin Nyamsi – pour qui j’ai le plus grand respect – s’est laissé aller à des envolées peu nuancées. Ne dit-on pas que même « la bouse de la vache sacrée est parfumée » ?
Dans son live qui a suivi immédiatement la conférence de presse, il s’est exclamé :
« (…) Comment peut-on dire ça à Brazzaville et que personne ne réagisse…? C’est grave, très grave… Même un élève de troisième aurait dû se lever… Si vous ne pouvez pas contredire Moungala, alors chantez… Journaliste apeuré du Congo, journaliste traumatisé du Congo, chantez… Lorsque j’ai vu l’assistance, j’ai vu certains remuer la tête comme des lézards au soleil : comportement moutonnier, mimétisme servile, humiliant pour l’intelligence africaine… »
Diantre ! Quel mépris envers notre presse ! Faut-il rappeler qu’une conférence de presse n’est pas un débat contradictoire, mais un cadre de communication officielle ? Non, notre presse n’est pas aussi médiocre que certains veulent le faire croire. Des journalistes comme Alphonse Ndongo ou Arsène Séverin font un travail remarquable d’investigation.
Et comment ces panafricanistes de façade osent-ils prétendre que notre pays souffre de cécité intellectuelle, alors que le Congo a produit l’un des piliers incontestés de la pensée panafricaine : le professeur Théophile Obenga ? C’est lui, aux côtés de Cheikh Anta Diop, qui a rétabli la vérité historique longtemps falsifiée, lors de la conférence du Caire. Grâce à eux, on reconnaît désormais l’Afrique non seulement comme le berceau de l’humanité, mais aussi de la civilisation.
Quel « panafricaniste » d’aujourd’hui peut se targuer d’avoir œuvré davantage que Théophile Obenga, que ce soit par la recherche scientifique ou la rédaction d’ouvrages fondateurs sur la souveraineté africaine ? Ce pays a enrichi l’imaginaire du monde grâce à des écrivains et scientifiques dont les œuvres intemporelles occupent les rayons les plus prestigieux de la planète.
Il suffisait d’un peu de bon sens, comme l’affirme Howard Zinn, pour comprendre que les gouvernements représentent les intérêts des puissants. Mais cela ne justifie pas qu’on insulte le peuple congolais, car le peuple constitue la conscience du pays.
De surcroît, au lieu de s’enliser dans des tribunes méprisantes, n’aurait-il pas été plus constructif d’organiser une interview avec le porte-parole du gouvernement ? Thierry Moungala, qui juriste de formation, ne se serait sans doute pas avancé sans une base doctrinale solide pour faire une telle déclaration – si tant est que l’on veuille bien donner du crédit à son parcours académique et professionnel.
Oui, je suis favorable à la souveraineté monétaire africaine. Oui, je souhaite la fin du franc CFA. Mais non, ce n’est pas l’urgence vitale du moment, contrairement à ce qu’affirme le professeur Nyamsi dans sa tribune du 15 avril 2025 intitulée : « Thierry Moungala, le roi de la diversion populaire au Congo. »
Soyons réalistes : à court terme, la sortie du franc CFA n’est pas viable, notamment dans le contexte économique actuel de la sous-région d’Afrique centrale.
L’urgence, c’est :
- La bonne gouvernance; l’assainissement fiscal (trop de détournements, trop d’opacité budgétaire); la lutte contre la corruption (l’Afrique centrale étant l’une des pires régions du continent selon l’Indice de Perception de la Corruption 2023 – Transparency International); L’industrialisation (secteurs secondaire et tertiaire quasi inexistants); La diversification économique (budgets dépendants à plus de 80 % du pétrole).
Tant que ces fondamentaux ne seront pas mis en place, même la plus belle des monnaies, avec les filigranes les plus raffinés, ne résistera pas à l’épreuve du temps. Elle nous nuira peut-être davantage que le franc CFA. Le Zimbabwe de 2009 en est un exemple.
La véritable question reste la valeur que portera cette nouvelle monnaie, même communautaire, lorsque l’Afrique centrale représente à peine 0,5 % des exportations mondiales, soit moins de 1 % du commerce mondial.
© Myste Revel Message Zaou Solloh