Un kilo de piment chez ZAINAB’S est un recueil de neuf (09) nouvelles écrit par l’écrivaine béninoise Adélaïde FASSINOU. Publiée chez les Editions CNPMS en 2018, cette œuvre est une caméra que l’autrice promène sur des faits sociaux. Elle témoigne des qualités de l’écrivaine, en tant que mémoire des générations, d’avoir une bonne capacité d’observation sur les événements qui se déroulent autour d’elle. Un Kilo de piment chez Zainab’s, œuvre à lire absolument. Mais pourquoi ? Cette chronique vous présente un aperçu des neuf (09) nouvelles du livre.
- <<Maman Honon>> la mère des jumeaux
Très jeune, HONON Henriette s’était mariée à un fonctionnaire du Trésor public de son village. Mais cette union ne fera pas le bonheur de la jeune dame qui divorça quelques années plus tard. Dans cette nouvelle, Adélaide fait part du sort qui est fait aux femmes de son pays, et à toutes les africaines en général.
Tout en dénonçant ces faits et en appelant ces consoeurs à la vigilance, elle rappelle qu’un homme n’est jamais acquis : ne laissez jamais un homme disposer de vos vies p.9.
Malgré la dure existence en Afrique où l’annonce d’une grossesse est également le détonateur ou une rupture des relations amoureuses entre elles et leur époux, elle souligne que l’exil n’a jamais rien réglé. Les problèmes humains sont pratiquement les mêmes sous tous les cieux, rappelle-t-elle p.18.
Devenue cheffe de famille et devant seule s’occuper de ses enfants, Honon fait face aux nombreuses charges : enfant malade, facture d’électricité, frais de scolarité, nourriture quotidienne…. En tant que mère célibataire Honon devrait faire face aux nombreuses caprices de ses progénitures. Le comble c’est ce que fit son fils après son échec au bac. De quoi s’agit-il ?
- Pour cinq indignes mille francs
Amy, femme brave est à la recherche d’un bonheur qui fuit sans cesse. Dans ces nombreuses errances, elle fit face à une situation des plus inattendues mais caractéristiques de la condition des femmes dans la société. Accepterait-elle perdre sa dignité pour cinq indigne mille francs qui devra la sauver d’une importante situation. Résistera-t-elle ?
Comment comprendre qu’un camarade demande de soulever d’abord son pagne pour toute une nuit ? Précarisation de l’emploi, récession économique, actualités riches d’événements insolites, mauvaise gouvernance, tares du système éducatif et récriminations contre la gente masculine ayant perdu le sens des valeurs éthiques et morales sont les thèmes abordés par l’autrice dans cette nouvelle.
- Le veilleur de nuit devenu banquier
De vigile en poste à la guérite d’une ambassade à banquier, c’est l’itinéraire suivi par le personnage principal de cette nouvelle, Abou. Comment cela s’était-il produit ? Coup du sort ou récompense d’un bienfait ? Cette histoire aura le mérite de rappeler que l’espoir est permis et qu’il faut agir dans le bon sens.
L’histoire de Abou est celle d’un jeune qui ne voulut guère s’arrêter à sa situation précaire du moment. L’histoire d’un jeune que le rêve porte chaque nuit loin, qu’il se voit emporter tel un albatros sur une île d’où sont exclus famines, précarités, chômages et misères.
La déception a quand même fini par fossoyer son être intérieur l’entrainant vers une descente aux enfers. Mais les situations ont fini par lui donner raison. Il savait en effet depuis le début qu’aller à l’assaut du savoir, était le seul ascenseur pour réussir dans la vie pour les fils de pauvres.
- Le rêve réalisé
Rouge ou noir, blanche ou jaune, toute femme rêve d’un marie qui la mettra à l’abri du besoin. Pour Fifine, la couleur de peau ne dépend guère de notre volonté. Le phénomène de dépigmentation pour elle est une mode qui passerait comme toutes les modes. Certains rêvent de changer la couleur de leur peau. Pour elle, son rêve était tout autre ; organiser un grand mariage.
Sachant que la parole donnée ne vaut guère de nos jours plus qu’une poignée de gari, elle avait tout mis en œuvre pour mériter son mariage. Elle savait aussi que les belles demeures, les beaux habits, les belles voitures peuvent disparaître du jour au lendemain.
Mais que l’amour pour les autres, l’honnêteté, la compassion pour les humbles, le partage, le don de soi, toutes ces vertus jamais ne disparaîtront. Le rêve de Fifine était bien au-delà des considérations matérielles.
- Juste une cuillerée de trop
En Afrique, les mères se donnent comme préoccupation primordiale d’éduquer leur enfant fille à bien faire la cuisine et à tenir une maison proprement. En même temps, elle devrait se battre pour acquérir leur autonomie financière. Affi, épouse de M. Bokélé Gbogbo et mère de Bola, fan de la nourriture, était un cordon bleu.
Ces plats faisaient le plaisir du palais des membres de la famille. Mais un midi, alors qu’elle se préparait à déguster un plat spécial : sauce de gombo à la pâte télibo, tout tourne au vinaigre. Il y avait une cuillerée de trop qui gâchait le plaisir et tout le sacrifice consenti par Affi. Mais qui a pu faire cela ?
- C’est bien toi ma mère
Yèyinou Floride est la fille unique d’Ananou une femme riche commercante originaire de ilema dans les collines de Dassa-Zoumé. Cette dernière se voit dépourvue d’amour simultanément par sa fille et son époux. D’ailleurs le dernier se trouva une autre épouse après la ménopause de sa femme, Ananou. Lasse de subir autant de choc psychologique, la machine corporelle d’Ananou s’enroua et refusa de démarrer.
Epuisée par ses revers de fortune, par le manque d’amour et d’affection, Ananou piqua une crise. Mais elle réussit à surpasser toutes ces charges mentales et par la force des choses se remit. Sans avoir mis les pieds à l’école, il est possible d’être intelligente et avisée.
Yèyinou fut envoyée en France aux frais de sa mère malgré le désamour qu’elle a pour cette dernière. Elle se fut un jour agressée dans le métro sur les bords de la Seine. Pourra-t-elle s’en sortir ? Réussira-t-elle à mener bien son existence ?
Quand une mère à mal, … quand elle attrape ses seins,.. ce sont des malédictions qu’elle envoie à sa progéniture souligne l’écrivaine. Une mère c’est comme le tas d’ordures, elle est perpétuellement à la quête du bonheur de son enfant.
C’est la question de l’éducation des enfants que l’autrice met ici sur le tapis ? Faut-il se sacrifier entièrement pour ses enfants quitte à leur permettre de s’offrir tous les plaisirs ? C’est bien toi ma mère ? est une nouvelle à lire absolument !
- L’indigiène au pays de Mandela
Chaque peuple, chaque race dispose des gènes qui lui permettent d’être le plus performant dans chaque domaine. Ici, l’autrice traite d’émulation intellectuelle, de vie dans un pays étranger, de relations interpersonnelles. Son histoire met en scène Lakounlé, président de l’association des professeurs de français du pays des Amazones, Mouba, Koffi le silencieux, Dansou l’indigène, Maria et la narratrice qui partagea la même chambre en Afrique du Sud.
A travers un court séjour dans ce pays, l’autrice a pu remarquer que le beau pays de Nelson Mandela vit en permanence sous un apartheid économique et social. Et Zena, la femme de l’hotel dans ce pays en est un exemple palpable. L’ouvrage montre également comment des marâtres travaillent à la désunion des enfants de leur époux commun.
- Qui a tué Madame de la boutique
“Un homme est un homme et il n’existe pas de petit homme sur terre c’est dans les circonstances particulières que le mâle doit assumer les responsabilités digne de son genre” p.90 Madame de la boutique mère au foyer et épouse de M.Zogou Boladé perd tragiquement la mort dans son domicile.
Son corps sans vie a été découvert au retour de l’école par les enfants. Cette disparition tragique à l’apparence d’un crime crapuleux a été confié à l’inspecteur OGBON qui estime : “Ce crime est un travail d’amateur accompli par un petit voleur de quartier qui devait soupçonner que la dame avait assez d’argent ces derniers temps, à cause de l’approche des fêtes” p.104.
Mais cette hypothèse sera-t-elle valable ? Madame de la boutique serait-elle effectivement assassinée dans son domicile ? Dans d’autres circonstances perdrait-elle ainsi la vie ?
Cette courte nouvelle à l’apparence d’un roman policier appelle à la prudence !
- Un kilo de piments chez ZAINAB’S
Nouvelle éponyme et dernière du recueil Un kilo de piments chez Zainab’s est une sorte de carnet de voyage. La narratrice raconte son voyage à Accra en terre ghanéenne. Elle parle de l’Ambassade, des écrivains, de la beauté de la ville Accra tout en faisant une comparaison avec son Bénin natal.
“Voyager permet d’aller à la rencontre du monde et des différences qu’il renferme” p.113 Lire c’est voyager pour découvrir de nouvelles idées, de nouvelles perceptions de la vie, pour apprendre un peu plus sur la complexité du monde à l’apparence simple. A travers ces différentes nouvelles Adelaide peint son Afrique et tout l’univers qui l’entoure.
Elle démontre une fois de plus son exceptionnel talent d’écrivaine et séduit par la qualité de la narration et l’originalité de certaines nouvelles comme : C’est bien toi ma mère.
Références
Livre : Un kilo de piment chez ZAINAB’S
Auteur : Adélaïde FASSINOU
Editions : Editions CNPMS
Année de parution : 2018
Nombre de pages : 116