« La poésie, c’est le choc des mots duquel jaillissent les idées qui irriguent et entretiennent la conscience littéraire. Ce sont des mots portés en colloque et qui rendent compte des maux. Elle est le renouvellement permanent de la pensée dans un contexte mouvant, en rapport avec le remaniement des sociétés, la mutation des mentalités, l’évolution des cultures, les aspirations des peuples, des jeux et enjeux qui définissent la situation du poète.
Ecrire ne correspond pas à prendre sa plume et dessiner des graphèmes mais engendrer des mots pour réinventer demain et mettre au-devant de la scène les contours de l’esthétique mûris en soi. L’écho sonore qui se distille à travers l’écriture de Stélane se fait la projection de ces assertions.
A travers La hargne des paradoxalités, il milite en faveur d’une réinvention de soi à travers l’univers des possibles artistiques où se conjuguent l’interartialité, l’anticonformisme militant et la création tout azimut. Le poète recrée son espace d’expression à travers plusieurs schémas, à travers des tableaux à l’allure puissante où l’abstrait conjugue des strophes et appelle le jaillissement complexe d’une structure linguistique sur laquelle les vers brodent le corps du poème.
Cette architecture ouvre l’ère d’une esthétique libérée du diktat de la conscience, une écriture qui signifie parce qu’elle existe loin des pesanteurs de la norme. Une écriture singulière qui se charge de faire communiquer les arts dans une symbiose attractive. Une interartialité qui laisse percevoir un travail de fond dans lequel les thèmes variés se répondent en écho.
La hargne des paradoxalités évoque une thématique plurielle centrée sur l’actualité, sur le centrage et recentrage de la vie sociopolitique, de la socio-culture africaine, du devenir des champs pluriels inscrits dans la littérature.
Poétiser, pour l’auteur de La hargne des paradoxalités Stelane Daniel MBALA ELA, c’est se situer dans le vaste ensemble des courants tout en marquant son existence littéraire par une touche personnelle qui témoigne de l’allégeance aux muses qui inspirent le talent, le génie de l’artiste et la production de ses sens.
S’inscrivant dans la trajectoire d’Alfred de Musset, le poète auteur de La hargne des paradoxalités semble dire « Frappe toi le cœur, c’est là qu’est le génie ». Cette translation du socle producteur indique un décalage volontaire dans le choix du costume des mots, des sons, des images, un vaste champ structurel qui participent à une forme de révolution poétique et révèlent le rééquilibrage du dire action. »
A la lecture de La hargne des paradoxalités, que le jeune auteur Stelane Daniel MBELA ELA situe (para-textuellement et sans doute avec enthousiasme) dans un projet théorique (l’androiditisme) que seuls le temps et l’expérience pourraient mieux étoffer et clarifier, ce qui attire l’attention, c’est la manifeste volonté de ne pas hisser la parole au piédestal de la poésie pure, dépourvue de tout ce qui bâillonne ou banalise le discours, l’habillant parfois d’énoncés relevant du registre familier, faisant que le profane s’y balade avec aise.
Cette apparente inélégance langagière du livre La hargne des paradoxalités cesse d’être tare puisque, à bien lire les poèmes et malgré la profusion des néologismes (« éklerage », « réalitumaines », etc.) qu’ils végètent, la conception que l’auteur a de la poésie semble subordonner l’absolu esthétique aux salissures de la nature et de la société, peinte avec rage et engagement certain.
Éclaboussures d’une société postmoderne en perte de beauté intérieure, de vertu considérée comme l’ontologique humus devant permettre à l’être, loin de son moderne état de nature, d’entrer dans l’histoire, de « tuer la mort » à ses trousses. Qui, mieux que le critique littéraire, peut, aux provisoires coulisses de l’analyse, saisir, ne serait-ce qu’en partie, un des multiples sens de l’œuvre littéraire ?
D’abord, l’effet prosodique apparemment outré (mais paradoxalement lacéré de prose) ne biaise pas toujours l’harmonie sonore réussie çà et là, dans un style qui puise dans la néologie, la philosophie, la métapoésie et le vécu postmoderne. Un style en devenir que l’auteur saura mieux aiguiser avec le temps, nonobstant la visée rupturiste de son projet poétique.
L’effet donc nous parlions est bel et bien visible dans “Apophtegmes de sagesse”, poème dans lequel à la fête des sons se greffe, plus thématiquement, une sorte d’anthropophagie humaine qui préfigure l’avènement d’une apocalypse sociale, signe d’une profonde corrosion et d’un assujettissement que raillent les vers taillés à la démesure du mètre, parsemés de monotones refrains.
Démesure engendrant, pour les prétendus puristes, une espèce de polymétrie structurale aux rimes dispersées, parfois dissoutes dans un substrat social antagonique, anthropophage : « Résilions le soleil et la pluie/ Les cosmocrates d’une sphère fluide/ Les mentalités amoncelées/ D’une fraternité amorcée/ (…)/ Les hommes s’entremangent/ S’entreboivent/ Et s’entre sucent comme des mangues ».
Puis, lorsque « l‟anarchie » prête le flanc à la métapoésie et à la beauté de l’absurde, « la poésie brûle le monde » et engendre, au sein de la dynamique nature, des images métaphoriques aux connotations locales, endogènes. « C‟est pourquoi les panthères sont immondes/ Les fourmis poursuivent les éléphants » : personnification des actants à la fois zoomorphiques (éléphants, panthères), phytomorphiques (bubinga) et entomologiques (fourmis).
La poésie visuelle n’échappe pas à cette construction. Dans le souci de mettre fin aux pratiques fondamentalement aberrantes, le poème « Arrêtez cette mentalité » dresse, au gré de sa satire, l’épopée d’une société malsaine, malade et sujette aux faux modèles. Une société matérialiste, maniaque du sexe et attachée à la mentalité magique, à la zoophilie, aux unions peu orthodoxes et à toutes sortes de déviances, aux contrevérités, au gain facile et à la toxicomanie.
D’où ce désir de déconstruction sémantique visible dans « Sans peur » où, paradoxalement, le caustique ne chauffe pas car le feu caresse l’être, et l’eau apparente à « une hache pour les pierres et le sol ». Grosso modo, en révélant les métamorphoses de l’heure, le recueil situe, comme le préfigure le titre, au cœur gris des apories sociales où la haine s’oppose à la laine de l’amour, en exponentielle perte de vitesse.
Ici où le plaisir de lire gît plus dans le contenu que dans les formes sonores, l’on assiste à un inversement de valeurs où l’arrogance de l’homme relègue au second plan la souveraineté divine. Ce qui engendre, en d’autres termes, l’anthropomorphisme divin que subordonne, si l’on admet le néologisme, une sorte de théomorphisme de l’humain, basé sur la course effrénée vers les leurres de l’avoir.
Une théomorphisme basée aussi sur les affres de l’argent, les excès liés au sexe, aux fleuves de l’alcool et aux cordes des stupéfiants, ces paradis artificiels qui pendent aux corps malades. Ceux-ci indûment enchantent mais enchaînent aussi l’être, avide ou non de pouvoir, devenu, faussement aussi, démiurge, faux-dieux.
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