Le Pleurer-Rire est un roman d’Henri Lopes paru en 1982 aux éditions Présence Africaine. Avec la thématique qu’il aborde, ce roman est catalogué parmi les romans du désenchantement, celui éprouvé par les peuples africains au lendemain des indépendances. Traitant de la mauvaise gestion du pouvoir, l’œuvre est centrée sur le personnage de Tonton Hannibal-Ideloy Bwakamabé Na Sakkadé, Ancien combattant devenu président de la République à la faveur d’un coup d’État.
Résumé de l’oeuvre
Polepole, dirigeant du pays, est renversé à l’issue d’un coup d’État. Ce coup d’État est dirigé par le colonel Bwakamabé Na Sakkade. Celui-ci est promu nouveau chef d’État. Sur ce, devenu le président de la République, il exerce un pouvoir dictatorial et ne voulait point céder le pouvoir.
Il est, par ailleurs, prêt à se battre, à mourir voire tuer pour conserver entre ses mains pieuses le pouvoir conféré, selon lui, pas Dieu. De fil en aiguille, un jour, une tentative de coup d’État visant à le descendre afin de ramener Polepole (ancien président déchu) au pouvoir est organisée. Ce qui se traduit par un échec.
Ainsi le président dictateur Bwakamabé Na Sakkade, après être informé sur cette tentative de coup d’état, réussit à quitter le pays pour un temps tout en y exerçant son pouvoir. Pendant ce temps, les fonctionnaires restent plusieurs mois sans salaire, ils ne peuvent compter que sur de petites combines pour survivre.
Approche thématique
La femme dans le Pleurer-rire
Dans le roman, les personnages féminins sont considérés comme des « femmes-objet » par leurs pendants masculins. Dans le vrai, on a beaucoup mis l’accent sur la femme (tant dans la société que dans le foyer). Les hommes traitent leurs épouses avec douceur mais ne cachent guère leur sentiment de supériorité : « c’est l’homme qui commande, mais il ne faut pas négliger les pressentiment des femmes. » (Page 18).
Selon les hommes, les qualités les plus importantes de la femme africaine sont la beauté et la docilité. La polygamie se révèle comme une tradition respectée au Pays car « comme disent les vieux, Une femme seulement, c’est une seule corde à sa kora » (Page 21) Le dictateur même est un grand fidèle de cette coutume : il dispose d’un véritable harem composé des «petites mamans» (page :33).
Les femmes modernes, par contre, ne sont plus des femmes. Car elles combattent la coutume alors que leurs mamans pensaient transmettre la tradition. En outre, la femme est prise comme un objet de plaisir, d’attirance sexuelle et est vouée à l’amour charnel au charme et la beauté ; elle est vendue aux enchères et est considérée comme un être vicieux
La gouvernance dans le Pleurer-rire
Dans ce roman, le thème de la gouvernance y domine. Ce thème se décèle dans la manière dont le chef d’État Bwakamabé Na Sakkade, qui crée de perdre son pouvoir conféré par Dieu, gouverne son pays. Son pouvoir fait peu de cas de l’intérêt public, il s’agit d’une politique de ventre dans un pays où règne le mal, la peur de la mort et le complot. La gestion de Bwakamabé ne poursuit pas une vision ou une idéologie particulière.
Elle se compose de l’enrichissement personnel, de l’élimination de toute résistance politico-militaire et des fausses promesses au peuple. A partir du moment où Bwakamabé accède au pouvoir, il s’entoure d’un luxe exubérant. Il estime que le Trésor national constitue sa propriété personnelle et qu’il doit toujours le garder près de lui, même à l’étranger, pour des raisons politiques. Quand le Pays menace de faire faillite à cause de son gaspillage, le dictateur s’efforce d’obtenir de nouveaux fonds.
Il se convertit même à l’Islam afin de gagner les bonnes grâces des paysans musulmans. En notre, la prison constitue une des institutions principales du régime. Il y mettait également les différentes têtes s’opposant au régime. Ces sanctions font régner une véritable terreur qui permet au dictateur d’exercer un contrôle sévère sur ses habitants. Cependant, elles mobilisent également la Communauté Internationale et inaugurent ainsi la fin du régime de Bwakamabé.
Approche critique
Ce qui frappe l’attention de tout curieux de lettres au contact d’un ouvrage, c’est indubitablement le titre. Le plus souvent, ce dernier suggère plus ou moins clairement le contenu du livre. C’est le cas de le Pleurer-rire d’Henry Lopès un titre antinomique qui génère stylistiquement « l’oxymore » en couplant le tragique et le comique pour annoncer le contenu du récit.
Le Pleurer-rire se révèle une évocation ou une métaphorisation de certaines réalités qui s’entrechoquent et, devant lesquelles, toute conscience aiguë pourrait piquer d’envie à la fois de «pleurer» et de «rire». De plus, ce roman est l’une de ses nouvelles formes d’écriture qui ont insufflé un air nouveau à la littérature africaine après les années soixante-dix.
Il n’est donc pas surprenant nous, lecteurs, de constater que c’est l’image de l’Afrique d’après les indépendances qui constitue, la toile de fond de cette œuvre. Avec ce roman, le lecteur se trouve confronté à un écrit qui s’engage à représenter et à mettre effectivement en scène le pouvoir qui est une problématique d’actualité sur tous les médias de nos jours.
Aussi, ce qui est plus séduisant dans cette œuvre est le style de l’auteur, Henry Lopès. Il fait découvrir dans l’œuvre un style oral qui plonge ses racines dans des images proverbiales, dans des tournures ironiques et humoristiques, et dans d’autres figures de rhétorique. Ainsi le style dans le Pleurer-Rire met le lecteur en contact d’un humour fantaisiste qui intervient pour décontracter l’atmosphère en rompant avec le sérieux du ton, le pathétique de l’énonciation.
Dans cette œuvre, Henri Lopès évoque avec un esprit critique le comportement de certains personnages et les régimes politiques de l’Afrique après les indépendances. Il y a donc là, dans l’œuvre, l’ambition de rétablir les vertus et les valeurs morales des africains. Cette œuvre témoigne de la nouvelle époque postcoloniale, non seulement par son contenu, mais aussi par sa forme. Le roman spécifie les abus des régimes dictatoriaux, ne sombrant pas totalement dans la rédaction politique. De toute évidence, tout comme les termitières de la savane de Chinua Achebe ou encore En attendant le vote des bêtes sauvages d’Amadou Kourouma, le Pleurer-rire d’Henri Lopes est un roman majeur dans la dénonciation des régimes tyranniques en Afrique.
✍ Didier Jaurès VOITAN, Documentaliste, Spécialiste des questions du livre
J’ai adoré comment il étoffé les contours du livre
J’aime
C’est une excellente analyse !
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