Les modèles de gouvernance en Afrique sont à repenser. C’est un fait. Les difficultés de développement économique, la recrudescence des coups de force et les mouvements d’humeur dans de nombreux pays en sont des symptômes palpables. Après une trentaine d’années de renouveau démocratique non reluisant, il est temps pour le Bénin de faire le point et d’expérimenter un nouveau mode de gouvernance afin d’éviter le pire. Le livre, Consencratie de Juste Codjo, pose les bases. Il est une invite aux décideurs et différents acteurs de la société de penser un pays mieux gouverné pour l’intérêt de chaque citoyen. L’ouvrage est publié chez L’Harmattan, dans la collection Justice et Démocratie en 2020.
Le Bénin peut-il espérer un véritable développement en se basant sur son organisation politique actuelle, en fonçant tête baissée sur son modèle démocratique ? Cette question préoccupe de nombreux béninois et observateurs internationaux qui se demandent si la démocratie a vraiment ‘’marcher’’ dans ce pays. Si non, comment comprendre qu’en plus de vingt-cinq (25) années d’expérience de renouveau démocratique, aucun parti politique n’a réussi à conquérir le pouvoir exécutif.
Si l’un des principaux enjeux de développement du Bénin se trouve à ce niveau, Juste Codjo montre que d’autres situations, et pas des moindres, entravent la prospérité de l’ancien quartier latin d’Afrique.
Les difficultés sociales, économiques et politiques que traverse le Bénin en ce moment proviennent de plusieurs sources. Il s’agit principalement de la conception que se font la plupart des Béninois de la lecture d’autorité, de leur tendance accrue à s’identifier à leur origine et appartenance régionales, des pressions socio-économiques découlant de la pauvreté des individus et de l’Etat, de certaines pesanteurs géopolitiques découlant des intérêts d’acteurs extérieurs, et enfin de la La nature du régime présidentiel…
Ce passage du livre de Juste Codjo pose parfaitement le véritable problème que traverse le Bénin. Un diagnostic sous-jacent aux perceptions de toutes sortes des institutions sous-régionales et internationales. Cet extrait résume à lui seul la quasi-totalité des facteurs du sous-développement du Bénin. Et l’essayiste ne se contente pas de poser le problème.
Il va plus loin, en mettant un accent singulier sur les solutions concrètes pour une véritable ascension de son pays. Celles-ci commencent par des améliorations au niveau institutionnel car souvenez-vous, les premiers problèmes soulevés par Juste Codjo sont la conception de l’autorité et l’appartenance régionale. Il propose donc la création d’un Haut Conseil de la République (HCR).
Cette institution sera composée de sept (07) membres siégeant à vie et choisis en fonction de la configuration ethno-régionale du pays et des valeurs morales cardinal de la société béninoise.
Les entités géographiques des sept (07) membres du Haut Conseil à la République sont : Nord-ouest (Atacora-Donga), Nord-Est (Borgou-Alibori), Haut-Centre (Collines), Bas-Centre (Zou), Sud-Ouest (Mono-Couffo), Sud-Centre (Atlantique-Littoral), Sud-Est (Ouémé-Plateau). Pour que les décisions du HCR soient valides certaines conditions doivent être valides, celles-ci se trouvent à la page soixante seize (76) du livre.
Les critères de choix des membres du HCR sont pour leur part mentionnés à la page soixante dix-sept (77). Ceux-ci sont semblables à ceux des membres de la Suprem Court aux États-Unis d’Amérique. Le HCR proposé par l’auteur de la Consencratie est lui-même inspiré du modèle judiciaire américain.
Le HCR est pensé pour avoir un pouvoir de contrôle sur certains organes de l’État. Celui-ci doit s’éteindre à quatre (04) niveaux :
- Premier niveau impliqué activement dans le choix, la nomination et la décision d’accès aux fonctions de haut responsable des organes publics et semi-publique à des postes stratégiques;
- Deuxième niveau allocation de ressources financières à travers le budget général de l’État;
- Troisième niveau intervenu dans la politique extérieure du gouvernement;
- Quatrième niveau avoir un droit de dissolution du Parlement et du gouvernement en cas de crise majeure.
Les pressions socio-économiques découlant de la pauvreté des individus et de l’Etat font également partie des véritables problèmes de l’échec du mode de gouvernance démocratique au Bénin. L’auteur observe que les pays pauvres finissent souvent par retomber dans la dictature après une brève expérience démocratique. Cela est dû à leur précarité économique.
Il note que les citoyens des pays pauvres accordent peu d’importance aux libertés publiques et individuelles que les pays développés. Ce qui laisse place à l’installation des régimes autoritaires et arbitraires. Ceux-ci sont plus préoccupés à garantir la sécurité intérieure et l’ordre public qu’à améliorer les conditions économiques de leurs concitoyens.
La consencratie proposée par Juste Codjo a donc pour ambition d’assurer la prospérité économique en investissant durablement dans l’agriculture, principal pourvoyeur de l’économie nationale.
Le pouvoir exécutif, notamment la nature du régime présidentiel, semble être le centre de toutes les dérives démocratiques. En effet, la pratique démocratique au Bénin diffère de celle des grandes nations comme les États-Unis ou encore la France où le pouvoir est clairement partagé entre différentes personnes.
Le pouvoir exécutif au Bénin est supra-puissant, concentré dans les mains d’un seul individu, du moins dans la conception populaire de l’autorité. Les autres pouvoirs, législatif, judiciaire et même les médias sont relégués à des rangs très inférieurs.
Et c’est là le problème. Car accorder autant de pouvoir à un seul individu dans un contexte sociologique que celui du Bénin accroît naturellement les risques d’abus de pouvoir et de gestion autoritaire. Ce qui met à mal la performance même de l’Etat. Cette dernière se mesurant à travers trois aspects, il s’agit :
- de la consolidation de la paix,
- du renforcement du processus démocratique,
- et la prospérité économique.
Codjo Juste s’intéresse aussi à la performance de l’administration publique. Il évoque les conditions pour qu’une administration publique soit performante. Celle-ci se caractérise par :
- Les organes administratifs qui doivent recevoir des directives claires par rapport aux politiques publiques à mettre en œuvre;
- L’allocation des ressources matérielles et financières pour la mise en œuvre des politiques publiques;
- L’administration doit disposer de ressources humaines compétentes et expérimentées;
- Le contrôle de l’administration publique pas d’autres organes ayant à cœur la performance de l’État.
La difficulté de garantir une gouvernance publique saine dans la société démocratique réside dans les exigences de la compétition politique.
Les démocraties telles qu’elles sont appliquées sur le continent présentent de nombreuses limites. Acteur du développement et observateur aguerri et averti, Juste Codjo pose une réflexion des plus éclectiques sur la gouvernance des pays africains, notamment celle de son pays, Le Bénin, alors quartier latin de l’Afrique.
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Références
Livre : Consencratie
Auteur : Juste Codjo
Editions : L’Harmattan, Justice et Démocratie
Année de parution : 2020