La science de mon grand-père : Edmond Batossi 
La science de mon grand-père : Edmond Batossi 

La science de mon grand-père : Edmond Batossi 

Tout artiste est fils de son temps. Lorsque l’écrivain soulève sa plume pour peindre les maux ainsi que les travers de la société, il ne peut s’inspirer que de son environnement immédiat. L’écrivain est cet artiste qui offre au public le dicible et l’indicible, le naturel et le surnaturel afin de lui mettre la puce à l’oreille, lui révéler ce qu’il ne sait pas. Edmond Batossi s’inscrit parfaitement dans cette dynamique à travers son premier ouvrage littéraire qui nous vient de la famille des nouvelles et qui est intitulé La science de mon grand-père. Publié en 2024 aux Éditions Bénin Livres, La science de mon grand-père est un recueil de nouvelles qui aborde des thèmes contemporains et passionnants. Sur 132 pages, l’auteur fait voguer sur des horizons proches et lointains arborant ainsi fièrement son apparat de fin observateur.

Vient de paraître "La science de mon grand-père" de Edmond Batossi

Analyse de la couverture de l’œuvre et impressions

La science de mon grand-père s’offre dans une éclatante blancheur où se mêlent le noir et le bleu. La première de couverture se présente sous une dichotomie unifiant (le blanc, le bleu et le noir) dans laquelle transparait en premier lieu l’identité de l’auteur dans une couleur de nuit, le titre de l’œuvre semblable au ciel ainsi que le genre littéraire. 

La seconde moitié de cette première de couverture offre un tableau saisissant sur lequel transparaît des pièces de cauris, le tout signé par la maison d’édition. 

A la quatrième de couverture, le titre de l’œuvre revient sous sa couleur ciel suivi d’un court extrait de l’une des nouvelles du recueil. L’image de l’auteur, le visage tout sourire ainsi que sa courte bibliographie, ferme cette quatrième de couverture sans oublier le numéro ISBN de l’œuvre. 

D’abord à partir du titre de cette œuvre qui est un véritable charme, le lecteur est partagé entre doutes et incertitudes. Des interrogations fusent de toute part le plongeant ainsi dans une éternelle interrogation que n’apaisera que la lecture. Ensuite à travers les couleurs telles que le blanc, le bleu et le noir, le lecteur peut être animé des sentiments comme la probité, l’espoir et le mystère. 

Mystère parce que le titre se révèle comme une véritable énigme à l’intérieur d’un secret. Cet aspect mystérieux nait même de la couleur noir et des cauris qui semblent mettre en suspens les élucubrations du lecteur. L’espoir s’exprime dans la couleur bleu qui constitue le manteau du titre de l’œuvre.  

Ce titre sonne comme un ouf de soulagement. La probité est dévoilée à travers la couleur blanche et est une expression a priori de l’état d’esprit et pourquoi pas du cœur des personnages de cette œuvre. 

Résumé du recueil de nouvelles La science de mon grand-père d’Edmond Batossi 

La science de mon grand-père est un recueil de cinq délicieuses et époustouflantes nouvelles qui se révèlent surprenantes les unes que les autres.

L’amour parental ou le crime passionnel, tel est le titre de la toute première nouvelle de ce fabuleux recueil de nouvelles. Cette première nouvelle nous parle de Virginie, une jeune étudiante âgée de dix-huit ans, élève en classe de terminale dans l’établissement GPT Brillant. Impatiente de reprendre les cours après deux mois de vacances, Virginie accueille avec empressement la rentrée scolaire. 

Issue d’une famille aisée, son éducation ne fut pas prise à la légère. Surveillée incessamment par ses parents et même par le chauffeur, Virginie commençait à s’étouffer dans cette existence de prisonnière qu’elle menait. Avec la complicité de Viviane sa camarade de classe, Virginie réussit à semer ses parents et se rendit chez Stéphane son petit ami. 

C’est ainsi dans l’appartement de Stéphane son prétendant de longues dates qu’elle se passa de sa virginité. Ayant constaté le retard inhabituel qu’accusait leur fille à rentrer Tchégnissin Karim et son épouse s’alarmaient. Ce n’est qu’à son retour que leur âme s’apaisa mais Virginie dû essuyer la froideur du climat familial jusqu’à ce que les glaciers se fondent. 

Sévèrement battue par ses parents, Virginie finit par avouer son secret sans toutefois faire mention de sa complice. Tombée dans les vapes, c’est ainsi qu’elle fut conduite à l’hôpital où elle passera ses derniers quarts d’heures emportée par un avortement provoqué par la bastonnade de ses parents. Savaient-ils que leur fille unique était enceinte ? 

Dans Le prix de la gentillesse, Dany Hominvô un jeune étudiant en droit fut arrêté par la police et placé en garde à vue. Ceci lui est arrivé après avoir aidé quelques mois plus tôt un jeune homme en détresse. Comment pouvait-il savoir que ce dernier était un criminel qui s’était servi de lui comme d’une pauvre marionnette ? Le bienfait n’est jamais perdu dit-on ; mais cela est-il contemporain ? 

La nouvelle éponyme nous conte l’histoire de Kélomè Opportune alias Batchémè, une jeune avocate mariée à Mintônou un enseignant chercheur en sciences des matières vivantes. Après plusieurs années passées à la quête de progéniture, Opportune tomba grosse. Malheureusement elle rencontra d’énormes difficultés lors de son accouchement. 

Grâce à son oncle, Opportune fut épargnée de la césarienne et accoucha de deux petits anges. Quelle puissance détenait cet oncle pour réaliser l’impossible de la science moderne ? 

L’autopsie politique des promeneurs est l’intitulé de la quatrième nouvelle du recueil La science de mon grand-père. Opportune et son ami sont tous étudiants à la FLAAC de l’Université Kandofi. Après une discussion très houleuse sur le poids d’Opportune, celle-ci se plia à s’adonner aux activités sportives sous recommandations de son ami. 

Sur la voie quittant Zogbadjè pour le carrefour Iita, voie qui leur servait de pistes de courses, les jeunes étudiants discutaient de l’actualité et de plusieurs autres thématiques. 

Dans la dernière nouvelle : Cassandre chez le Tacticien l’auteur conte les mésaventures de Victima. Victime de la trahison de son partenaire Kounty, Victima annonça l’apocalypse de leur idylle amoureuse. Désespéré, Kounty appela son ami Dave, témoin de ses virées d’infidélités à la rescousse. 

Malgré l’influence de Dave sur Victima et son plaidoyer en faveur de son ami, la rupture s’avère inévitable. Pour se venger donc de son ex petite amie, Dave publia sur les réseaux sociaux leur liaison intime. 

Analyse et avis sur le recueil de nouvelles La science de mon grand-père d’Edmond Batossi 

Le recueil de nouvelles La science de mon grand-père d’Edmond Batossi, est une véritable épée qui s’est engagée dans une lutte sans merci contre les maux qui minent la société en générale et la jeunesse en particulier. A travers cette œuvre architecturale, l’auteur interpelle la conscience des uns et des autres. 

Il se lamente et mieux, professe pour l’éveil de conscience de la jeunesse contemporaine ; cette jeunesse dont il fait également partie. Son exclamation dans la dernière nouvelle de son recueil l’illustre parfaitement : « Malheureuse jeunesse, éprise de sentiments qui tue avec un baiser ! » p.132. 

Dans cette exclamation de l’auteur on peut lire une métaphore : une allusion à Judas, l’un des disciples du Christ. Ceci explique d’une certaine manière la crainte, le sentiment de peur qui anime les jeunes les uns envers les autres de nos jours mais surtout la mise en garde de l’auteur contre cette jeunesse qui descend de jour en jour dans les abysses de l’immoralité et de la désolidarisation. 

Notons également que l’auteur en explorant les thèmes comme l’éducation, la politique, l’amour et autres, cherche à interpeller la conscience de tous montrant ainsi que le développement dépend de plusieurs facteurs et implique la prise effective des responsabilités individuelles. L’éducation est un thème transversal dans l’œuvre et constitue la principale préoccupation de l’auteur. 

Il montre que l’éducation constitue le pilier de tout développement véritable. Edmond Batossi se plaint cependant de l’état ou plutôt de la régression permanente du système éducatif en Afrique. Il explique que pour une transformation radicale du système éducatif en Afrique et au Bénin en particulier, il faudrait que les dirigeants redéfinissent leur approche. 

Dans le cas contraire, aucun progrès ne pourra véritablement s’opérer. C’est ce qu’il nous dévoile à la page 105 de son recueil de nouvelles lorsqu’il affirme : « Les plans de réajustements structurels ne peuvent rien pour le système éducatif actuel. » p. 105. 

L’amour est ce sentiment si merveilleux qui s’empare des hommes et leur permet de se sentir vivant. C’est la meilleure et la pire des choses qui puissent exister. Kant dira que l’amour a rendu des hommes raisonnables, fous. Aujourd’hui l’amour n’est plus ce don gratuit que mérite tout le monde. On ne peut en bénéficier que par procuration. 

Mieux, l’amour à l’ère contemporaine est de plus en plus cher. Et pour cela donc, il faudrait donc que chacun se donne les moyens afin de l’obtenir. C’est une réalité sur laquelle Edmond Batossi attire l’attention. Il montre à la suite du philosophe allemand Arthur Schopenhauer qui dans sa Métaphysique de l’amour, affirme qu’il n’existe rien de plus en amour que le conflit des intérêts. 

Cela semble se révéler aujourd’hui même comme une vérité incontestable. L’auteur de La science de mon grand-père fait une caricature de l’amour au XXIème siècle lorsqu’il affirme à travers le personnage de Kounty dans la nouvelle Cassandre chez le Tacticien que : « L’amour aujourd’hui, ce n’est pas pour les gentils. C’est comme la politique. Parfois, il faut de la ruse. » p. 122. 

Plus loin à la page 123, Kounty expliquait à son ami Dave : « Vois-tu ? C’est la fille d’un ministre bon sang ! Et un pauvre étudiant comme moi a besoin de son argent. ». 

Edmond Batossi n’a pas également oublié dans son recueil de nouvelles La science de mon grand-père de montrer comme Machiavel dans son célèbre ouvrage Le Prince, ce qui se fait en politique. En lisant la nouvelle L’autopsie politique des promeneurs, le lecteur aperçoit le réalisme dont a fait preuve Machiavel dans Le Prince. 

La politique en Afrique est de plus en plus à l’apanage des intérêts du dirigeant. L’auteur dit à la page 102 de son recueil de nouvelles que : « Les politiciens sont de vrais farceurs et il n’y a que dans ce petit pays, qu’on trouve les plus habiles. ». 

Soulignons que dans la nouvelle éponyme, Edmond Batossi démontre l’utilité, la valeur des savoirs traditionnels africains. Des savoirs qui comme le dit Hountondji ne sont pas des sciences. Pour que ces savoirs deviennent de véritables sciences il faudrait, affirme-t-il dans son ouvrage Les savoirs endogènes : pistes pour une recherche, démarginaliser les savoirs africains, les rendre accessibles à tous tout en ôtant la carapace mystique qui souvent les entourent. 

C’est ce pari, le « pari pour la rationalité » dont nous parle Paulin Hountondji, que Edmond Batossi opère en offrant au public la science de son grand-père. Cette science-là qui doit être démocratisée et accessible à un large public. Les présupposés que nombres de personnes détiennent sur les savoirs endogènes, traditionnels ou locaux, provient du mysticisme qui entoure ces savoirs. 

Autrement dit, ils considèrent la science traditionnelle comme des rites, des tours de magie. Une idée, un préjugé qui est d’ailleurs loin de la réalité. On peut lire cela dans l’interrogation de Justine dans la nouvelle éponyme qui s’attendait à ce que l’oncle de Vignon après lui avoir donné les instructions lui demandera de réciter des mantras ou autres formules incantatoires. 

Elle demanda : « C’est tout ? N’y a-t-il pas une formule à prononcer ? » p. 82.

Le recueil de nouvelles La science de mon grand-père d’Edmond Batossi, comme nous l’avions dit plus haut, est un recueil de cinq nouvelles toutes aussi époustouflantes et captivantes les unes que les autres.

L’ouvrage est composé d’une dédicace, d’une préface et des nouvelles. A travers des descriptions saisissantes et des dénouements inimaginables, Edmond Batossi a su véhiculer d’importants messages qui pourraient contribuer au changement des mentalités et à la prise des responsabilités. En présentant la science de son grand-père, Edmond Batossi a eu le mérite d’avoir réussi le pari pour la promotion des savoirs endogènes africains. 

En outre, le recueil de nouvelles La science de mon grand-père, loin d’être un simple ouvrage de fiction, est une satire qui dénonce à travers des mots les maux de l’Afrique en générale et de la société béninoise en particulier. A travers l’humour, Edmond Batossi a réussi à créer une œuvre capable de susciter l’engouement des lecteurs. 

Ce même côté humoristique de l’œuvre a permis à l’auteur de dédramatiser les véritables drames et de révéler les maux qui minent le développement en Afrique. Le recueil de nouvelles La science de mon grand-père d’Edmond Batossi est écrit dans un style unique et agréable, et est accessible à tous.  

Cependant en dehors de quelques bévues comme les fautes et omissions telles que : Je vous en supplie au lieu de « Je vous en surpris » p. 87 ; et bien d’autres. L’ouvrage est intéressant et le sera davantage si on revoyait les petites coquilles qui se cachent entre les lignes. 

Etude de quelques thèmes abordés dans le recueil de nouvelles La science de mon grand-père d’Edmond Batossi

La vengeance : Ce thème apparaît particulièrement dans les nouvelles comme Cassandre chez le Tacticien et L’Amour parental ou le crime passionnel. La vengeance se manifeste dans la nouvelle Cassandre chez le Tacticien à travers le personnage de Kounty, qui publia les vidéos intimes de son ex Victima lorsque celle-ci décida de mettre fin à leur liaison. On peut également voir les manifestations de cette vengeance dans le personnage de Stéphane qui brutalisa Virginie lors de leur premier rapport parce que cette dernière lui a fait mendier son amour depuis longtemps.

L’amour : Contrairement au thème précédent, il est transversal dans toute l’œuvre sous diverses formes. On peut parler de l’amour fraternel (Dany Hominvô dans la nouvelle Le prix de la gentillesse, qui aida un inconnu) ; l’amour parental (Monsieur Tchégnisin et son épouse, souciant de l’avenir de leur fille Virginie. Ce qui explique d’ailleurs le caractère rigoriste de l’éducation de cette dernière). 

La trahison : La trahison apparaît particulièrement dans la première et la cinquième nouvelle. Dans le prix de la gentillesse, ce thème se manifeste dans le personnage de Viviane qui a convaincu son amie Virginie d’aller voir Stéphane, un jeune obsédé par cette dernière. Cela a malheureusement couté à la vie de Virginie. Dans la nouvelle Cassandre chez le tacticien, Kounty a trahi sa petite amie Victima.  

L’éducation : Il s’agit d’un thème fondamental dans le recueil de nouvelles La science de mon grand-père. Elle est un thème transversal dans l’œuvre. Ce thème se manifeste dans la nouvelle L’amour parental ou le crime passionnel à travers les parents de Virginie qui l’éduquait avec grande rigueur. Dans la nouvelle Le prix de la gentillesse, ce thème se manifeste également à travers Dany qui s’est précipité pour se rendre disponible pour la reprise des cours parce que conscient de son avenir. 

La débauche/ le multi partenariat sexuel : Ce thème se manifeste dans la nouvelle Cassandre chez le Tacticien à travers le personnage Kounty, avide de nouvelles expériences plus excitantes. Cela l’a malheureusement conduit à perdre la femme qui l’aimait. 

Bref aperçu sur l’auteur.

Né en 1999 à Houègbo au Bénin, Edmond Batossi est un passionné de la littérature et des belles lettres. Chroniqueur littéraire à L’ivre du livre, il a fait des études de Droit et de Philosophie à l’Université d’Abomey-Calavi. La science de mon grand-père est sa première publication. 
Régis M. HANTAN, pour L’ivre du livre.

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