Publié en autoédition en 2016, le recueil de poésie « Maux croisés » de l’auteur congolais Léon Shamba est une œuvre poignante qui, bien que méconnue, mérite l’attention.

Préfacé par le Professeur ordinaire François Mpamba Kamba Kamba, ce recueil d’une trentaine de poèmes est un cri de l’âme qui dépeint les souffrances de l’individu face aux réalités sociales et aux crises existentielles. Selon le préfaceur, « le message dans les poèmes et réflexions de Léon Shamba porte sur l’attachement, la loyauté, le travail, le progrès, l’amour… »
L’ouvrage est complété par une partie de proverbes, classés par thèmes (notamment le travail, l’amour, le savoir…), qui enrichissent la réflexion de l’auteur.
1. L’enfant prodigue
Reviens ! Mon fils
Regarde ce pays vert
Vraie synthèse de l’Univers
Où le globe en tout point
Trouve son reflet bien oint ;
C’est ton Pays !
Mets-le en valeur
Tu lui rendras sa vigueur
Il n’attend que ton apport
Pour concilier son record
Et hisser son pavillon
Aux cieux des sillons.
Reviens ! Mon fils, c’est ta Patrie,
Regarde ce sous-sol fécond
D’où gisent métaux et fonds
Sujets aux mille convoitises
Des intrus fauteurs des crises,
Qui semant rancune entre fils
Tirent leur guelte en coulisse ;
C’est ton Pays ! Mets-le en valeur
Tu lui rendras son honneur
Il n’attend que ton énergie
Pour quitter sa léthargie.
Reviens ! Mon fils, c’est ta Terre,
Regarde ces affluents et ce fleuve
Qui, de par son espace se meuvent
Désaltérant flore et faune
Pour augurer meilleure des donnes ;
C’est ton Pays ! Mets-le en valeur
Tu lui rendras sa verdeur
Il n’attend que ton savoir
Pour ratifier sa gloire
Ainsi aller de l’avant
Et, ne jamais quitter l’aven.
Reviens ! Mon fils, c’est ton berceau,
Regarde ces divers arts
Qui, magnifient sa quote-part
Dans le concours des sciences
Et dans le troc d’alliances ;
C’est ton Pays ! Mets-le en valeur
Tu lui rendras son ardeur
Il n’attend que ta main
Pour que céans et demain
Ton peuple loge le faîte
Et toujours vivent en fête.
Reviens ! Mon fils, c’est ton Congo,
Regarde cet alliage de merveilles
Désirant le tact d’abeilles
Que tu détiens en puissance
Mais distrait par l’indifférence ;
C’est ton Pays ! Mets-le en valeur
Il n’attend que ta sueur
Pour que se cassent les menottes
Qui le lient aux miettes et aux dettes ;
Reviens ! Mon fils, reviens.
2. M’aimes-tu ?
M’aimes-tu ?
Ne suis-je pas la mère Patrie
Dont l’obsession est dans l’amour pétrie ?
Si oui ;Protège mes brebis
Pour que de son œuvre, chacune gagne rubis
De son gré, se taille un dessein
Et bâtisse son destin.
M’aimes-tu ?
Si oui ;Pourquoi sèmes-tu entre elles la haine
Qui du chaos sauve ton haleine ?
Comment ris-tu quand elles pleurent,
Grincent et payent de tes leurres ?
M’aimes-tu ?
Ne suis-je pas la mère dont l’équité
Apprend le partage avec parité ?
Si oui ;Pourquoi vénères- tu ta poubelle
Quand elles ont l’estomac sans selles ?
Pourquoi comme impudique
Arraches-tu la proie publique
Et sans vergogne ni égard
Te sers-tu la grosse part ?
M’aimes-tu ?
Ne suis-je pas la mère dont la probité
Elève la justice et la vérité ?
Si oui ; pourquoi de leur désarroi
Fais-tu piédestal à ta joie ?
Comment dans la terreur
Trouves-tu la voie à ton honneur,
La perche pour ta crête,
Le palace pour ta fête ?
M’aimes-tu ?
Ne suis-je pas la mère dont le savoir
Eduque et inspire ton pouvoir ?
Si oui ;Pais mes brebis,
Pleure ou chante avec elles ;
Tu m’auras ainsi aimée
3. Le chemin large
Sors !
Du chemin tout fait,
Il est battu par l’autre
En respect de son ordre
Et en vertu du goût qui accroit ses sous.
Il canalise vers son exploit
Te débarque sous sa loi ;
Le voilà, ce chemin large,
A ton intelligenceIl n’offre aucune marge
Qui réanime tes sens.
Sors !
C’est du prêt-à-porter ;
Il te conduit au parrainage
Te dépose au marécage
Qui bouche tes issues
Et rouille tes grues,
Eternise ta tâche
Et te rend lâche.
Le voilà, ce chemin large,
A ta valeurIl n’offre aucun soin
Qui hausse ton ampleur.
Sors !C’est du met cuit ;
Il te pousse aux quémandes
Te nourrit d’offrandes
Qui renforcent ta paresse
Et confirment ta faiblesse ;
Il ternit ton blason
Et dérègle ta raison.
Le voilà, ce chemin large,
A ton avenirIl nie tout lendemain
Aux doux souvenirs.
Sors !
C’est du fait accompli ;
La foi du scélérat
Qui se hissait au mât
En t’enchainant outre-mer
Pour t’étaler aux enchères.
C’est l’œuvre du colon
Qui t’a fait poltron
Pour confisquer ta part
Et achalander son hangar ;
Il est l’obsession du Boers
Qui sape tes mœurs
En soufflant ta peau
Qu’il confond aux maux.
Le voilà, ce chemin large,
Chemin de l’extraversion
Chemin de l’effort pour autre,
Chemin de la perdition.
Fiston Axel ILUNGA Kabasele, L’ivre du livre-RDC