Kinshasa vit aujourd’hui un moment qui dépasse le simple cadre d’une catastrophe naturelle. Les pluies diluviennes qui noient quartiers après quartiers, les avenues transformées en rivières et les familles déplacées rappellent étrangement la vision que Pierre Ngindu KABITANGA portait déjà dans son ouvrage Munkamba, cette femme qui porte l’enfant. Lors d’une interview lui accordée le jour de la présentation et le baptême de son ouvrage, le 31 mai 2025 aux Musées nationaux RDC. Ce que beaucoup considéraient comme une métaphore littéraire ou une réflexion mythologique s’impose désormais comme un avertissement accompli.
Dans la préface signée par Brunel LUNGAMBU, la nature apparaît comme la force première, la mère originelle, celle qui guide l’humanité mais qui, lorsqu’on la trahit, sait aussi faire sentir son pouvoir. « Seule la nature peut orienter l’humain vers la perfection », écrivait-il, rappelant qu’elle est sage, pure et prévoyante, capable de se restaurer malgré les agressions de ses propres enfants. Cette image d’une nature féminine, patiente mais redoutable, trouve aujourd’hui un écho inquiétant dans les eaux qui montent et ravagent Kinshasa. Le préfacier insistait déjà : croire que la vérité est douce serait une illusion, comme une potion interdite à celui qui refuse d’en assumer l’amertume. La ville, en pleine tourmente, expérimente désormais cette vérité dans sa forme la plus brute.
Lors du vernissage de son livre, Pierre Ngindu KABITANGA avait tenu des propos qui sonnent aujourd’hui comme une prophétie accomplie.
Dans le livre, j’ai analysé les causes qui font en sorte qu’un peuple disparaisse. Regardez dans notre ville ce qui se passe : les eaux sont partout. D’une manière cosmologique, il y a une montée des eaux plus importante. À l’origine de cette inspiration, j’ai porté à cœur un peuple, une civilisation qui avait disparu à cause des eaux. Je voulais en appeler à la vigilance, au peuple et aux autorités qui dirigent le pays.
Déclarait-il avec gravité. Ce message, reçu alors comme une réflexion philosophique ou mythique, apparaît aujourd’hui comme une alerte lancée bien avant que les premières inondations ne frappent.
Ce n’est pas seulement la pluie qui tombe sur Kinshasa : c’est une vision, longtemps écrite et prononcée, qui descend sur la ville. Le mythe du Lac Munkamba, où une civilisation entière aurait été engloutie à la suite d’un déséquilibre entre l’homme et la nature, évoqué par l’auteur, n’était pas un simple récit symbolique. Il était une projection, un miroir, une lecture anticipée de ce qui arrive lorsqu’un peuple ignore les signaux de la terre qui le porte.
Puisque la nature, si tu ne collabores pas avec elle, quand elle riposte, ses ravages et ses conséquences sont fâcheux.
Avait encore ajouté KABITANGA. Ces mots, prononcés comme une mise en garde solennelle, deviennent aujourd’hui le fil conducteur de la situation dramatique que vivent certains habitants.
La vision de Brunel LUNGAMBU dans la préface et celle de Pierre Ngindu dans son intervention se rejoignent désormais dans un seul et même constat : la nature n’est pas un paysage, elle n’est pas un décor, mais un être vivant avec lequel l’homme doit composer. LUNGAMBU parlait d’« agréables moments de lecture, de découverte et d’émerveillement » pour qualifier l’œuvre, mais rappelait dans le même souffle que cet ouvrage aborde des vérités profondes, issues de la pensée africaine la plus ancienne. Ces vérités, que l’édien qualifie de révolutionnaires, se révèlent aujourd’hui moins comme de la philosophie que comme de la clairvoyance.
L’heure n’est plus seulement à la contemplation littéraire. Le livre, la préface, les avertissements, les mythes, les symboles : tout semble soudain converger vers la réalité tangible d’une ville qui paie le prix d’une relation rompue avec son environnement. Kinshasa, aujourd’hui submergée, semble répondre à une prophétie qui n’appelait pas la peur, mais la vigilance, la collaboration, la réconciliation avec les lois immuables de la nature. LUNGAMBU décrivait une nature-mère blessée par « la méchanceté et les méfaits » des humains ; NGINDU parlait d’un peuple disparu pour avoir ignoré l’avertissement des eaux. Et voici que les eaux, à leur tour, parlent pour rappeler que la nature n’oublie jamais.
Il reste à espérer que cette douloureuse correspondance entre littérature et réalité serve enfin de point de départ à une prise de conscience collective. Car la prophétie, désormais accomplie dans les rues inondées de Kinshasa, n’a jamais été écrite pour prédire la chute, mais pour ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop tard.
Fiston Axel ILUNGA Kabasele, Représentant de l’ivre du livre-RDC

Ah, Kinshasa ! Vous avez enfin compris que votre amie la nature nest pas une décoratrice dintérieur dévouée ? Elle est plutôt une artiste Conceptuelle severe qui utilise leau pour ses expositions immersives. Lœuvre de Ngindu Kabitanga MUNKAMBA était clairement une critique sociale poétique, pas une simple prévision météo. La ville est en train de subir lultime performance environnementale. Bravo pour la participation au grand spectacle !