Animé par la volonté de réformer son système éducatif, le Burkina-Faso a entrepris de nombreuses actions pour redynamiser l’enseignement. Il a notamment procédé à l’élaboration de nouveaux curricula pour le post-primaire et pour le secondaire selon (Approche par les Compétences/Pédagogies de l’Intégration (APC/PI). Mais surtout l’édition de dix (10) titres de manuels scolaires et de leurs guides pédagogiques dont cinq (5) du post-primaire et cinq (5) du secondaire validé lors d’un atelier organisé par le ministère de l’enseignement à Ouagadougou du 8 au 12 juillet 2024. Quelques mois après cet atelier, l’association des éditeurs privés s’oppose à la monopolisation de l’édition des manuels scolaires par l’Etat. Elle l’a fait savoir dans une conférence de presse organisée ce 15 novembre 2024.
Une monopolisation voulue par l’Etat
Par arrêté n°0045/MENA/CAB/DPFC du 6 septembre 2021, l’État a décidé de la gratuité des manuels scolaires en République du Burkina-Faso. Cette interdiction de vente de manuel et des supports didactiques au sein des écoles et établissements scolaires l’oblige à rendre disponible les manuels dans toutes les matières pour les classes et dans tous les ordres d’enseignement.
Une attitude qui l’amène a monopolisé l’édition des manuels scolaires afin d’assurer plus efficacement leur disponibilité. Cette politique ne reçoit pas l’assentiment des éditeurs privés qui souligne l’enjeu économique que représente l’édition des manuels scolaires pour le développement de l’industrie du livre. Elle l’a d’ailleurs fait savoir lors d’une conférence de presse tenue à Ouagadougou ce 15 novembre 2024.
Pour Jean-Baptiste Sédogo, président d’honneur de l’association des éditeurs du Burkina Faso rapporté par Burkina 24, “si cette activité est menée conjointement avec les acteurs privés du livre, elle permettra de générer des emplois et aussi de financer l’édition des livres de littérature générale.”
L’adoption de la politique de plusieurs manuels scolaires par matière pour démonopoliser
Pour faciliter une mise en œuvre conjointe, le président de l’association des éditeurs du Burkina Faso, Jean-Baptiste Sédogo, invite l’État à adopter la politique de plusieurs manuels scolaires par matière et par classe. «Dès lors, il jouerait son rôle régalien de contrôle de la qualité de manuels scolaires avant leur mise à la consommation. Il serait alors fondé à mettre en place une commission spécialisée à cet effet, et chargée de l’attribution d’agrément pédagogique pour valider un certain nombre de manuels scolaires édités par des éditeurs privés », a-t-il renchéri selon la même source.
L’État burkinabè avait en effet, à en croire le président d’association, opté pour le manuel scolaire unique jusqu’à présent, « pour chaque matière par classe, il n’y a qu’un seul manuel. En d’autres termes, il n’y a pas plusieurs manuels par matière et par classe. Cette politique du manuel unique a ses avantages mais aussi ses inconvénients. Ainsi, il ne laisse pas à l’ édition privée de manuels scolaires ».
Donner les capacités aux éditeurs privés de compétir à des marchés d’édition de manuels scolaires
S’organiser en commission de rédaction et « à coup d’ateliers pour éditer les manuels scolaires … est contre-productif pour notre pays » souligne le président de l’association des éditeurs du Burkina-Faso. Il suggère aux cadres du ministère en charge de l’éducation nationale malgré leur compétence d’arrêter et de donner la chance aux éditeurs privés de compétir à des marchés internationaux d’édition de manuels scolaires. Car seuls eux peuvent le faire si l’administration publique leur en donne des capacités.
Il informe que «Jusqu’à très récemment, les manuels scolaires étaient édités par des éditeurs étrangers et les financements étaient essentiellement de la Banque mondiale. De plus en plus, on peut noter quelques tentatives d’ouverture vers les éditeurs privés locaux mais cette ouverture n’est pas totalement franche et la vraie raison avancée est que les éditeurs locaux ne sont pas capables ».
Malgré la bonne volonté de l’État de réformer le secteur et de rendre les ouvrages gratuits, les délais d’édition sont très longs selon Jean-Baptiste Sédogo. Ce qui fait que les élèves ne sont pas à disposition des ouvrages dans les temps requis «La preuve, c’est que les manuels du CE1 et CE2 pour les mêmes matières (Français et mathématiques) dont l’édition a commencé depuis 2022 ne sont toujours pas disponibles».
L’ambition : adopter l’éducation aux réalités socio-culturels du Burkina-Faso
La décision de rendre gratuit les ouvrages et de les éditer par des maisons d’édition locales est motivée par l’adaptation de l’éducation aux réalités socio-culturelles. Ainsi, un atelier a été organisé du 8 au 12 juillet 2024 à Ouagadougou par le Ministère de l’Éducation nationale de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales (MENAPLN) avec l’appui de la Banque mondiale à travers le Projet d’Amélioration de l’Accès et de la Qualité de l’Éducation (PAAQE) pour valider approuver l’édition des livres au programme dans les lycées et collèges du Burkina-Faso.
Grâce à cet atelier, l’État à pu mettre sur le marché de nouveaux manuels scolaires confiés au Centre national des Manuels et Fournitures scolaires (CENAMAFS). Celui-ci a édité dix (10) nouveaux titres de manuels scolaires avec leurs guides pédagogiques. Au Burkina Faso, la plupart des manuels scolaires sont obsolètes et inadaptés aux réalités socioculturelles avait constaté l’exécutif. Pourtant, le manuel scolaire joue un rôle remarquablement stratégique pour la formation des enfants, citoyens de demain.
Selon Évariste Guibré, chargé de mission et représentant le ministre en charge de l’éducation nationale à l’ouverture de cet atelier « Cette obsolescence constitue un frein à la demande et à l’utilisation de ces manuels par les élèves, parce qu’ils ne répondent plus entièrement aux exigences pédagogiques et didactiques du moment. De surcroît, la majorité des manuels en usage ne sont pas accompagnés de leurs guides pédagogiques, ce qui constitue un handicap pour leur exploitation optimale par les enseignants ».
Les éditeurs s’alignent parfaitement sur la volonté de l’État de refaire le système éducatif en y insérant des outils pédagogiques adaptés aux réalités socio-culturelles. Mais ils souhaitent davantage que cela soit fait dans une logique d’économie partagée et circulaire et non dans un système de monopolisation. Ils estiment qu’ainsi, l’État et tous les parties prenantes en sortiraient gagnants.