Un juge fédéral américain, à San Francisco (États-Unis), a rendu une décision lundi 24 juin 2025 qui pourrait faire date dans le débat mondial sur les limites légales de l’intelligence artificielle (IA). Il est à noter de sa décision que la société Anthropic est autorisée, à ce stade, à entraîner ses modèles d’IA avec des livres soumis au droit d’auteur, sans le consentement préalable des ayants droit, au nom de la doctrine américaine de « l’usage raisonnable » (fair use).

L’entraînement des modèles… entrait dans le cadre légal de l’usage raisonnable
Dans une décision préliminaire rendue à San Francisco, le juge a estimé que l’entraînement des modèles Claude, développés par Anthropic, entrait dans le cadre légal de l’usage raisonnable, soulignant que cette utilisation avait permis des « évolutions spectaculaires » et relevait de l’innovation scientifique.
« L’intelligence artificielle est l’une des technologies les plus révolutionnaires que beaucoup d’entre nous verront dans leur vie », a déclaré le magistrat. Il a même comparé le processus d’apprentissage de l’IA à celui d’un être humain qui lit des livres pour se cultiver.
Une décision à double tranchant
Cette décision apporte un soutien de taille à la défense des entreprises d’IA, dont Anthropic, face aux nombreuses actions intentées par des artistes, écrivains, journalistes ou musiciens. Ces derniers accusent les entreprises du secteur d’avoir utilisé leurs œuvres sans autorisation ni compensation.
Parmi les plaignants figurent les écrivains Andrea Bartz, Charles Graeber et Kirk Wallace Johnson, qui accusent Anthropic d’avoir scanné ou téléchargé illégalement des ouvrages entiers pour alimenter ses bases d’entraînement. La société, évaluée à 61,5 milliards de dollars et soutenue par Amazon, se présente comme un acteur engagé dans une IA responsable.
Un porte-parole d’Anthropic s’est réjoui de la décision, la qualifiant de « cohérente avec l’objectif de la législation sur les droits d’auteur, qui est de favoriser la créativité et le progrès scientifique ».
Un usage « raisonnable », mais pas illimité
Cependant, le juge a tenu à poser des limites claires. Il a notamment critiqué la stratégie d’Anthropic visant à constituer une bibliothèque numérique permanente de millions de livres – certains achetés, d’autres piratés – pour entraîner ses modèles. Ce projet de créer une base de données regroupant « tous les livres du monde » excéderait, selon lui, les bornes de l’usage raisonnable.
Autrement dit, si l’utilisation transformatrice des livres pour l’apprentissage d’un modèle est jugée acceptable, la constitution massive d’archives numériques complètes et permanentes pourrait bien constituer une violation des droits d’auteur.
Le juge s’est donc gardé d’accorder un blanc-seing à Anthropic. Un procès civil est désormais attendu pour trancher les litiges liés aux dommages potentiels et aux éventuelles compensations financières à accorder aux plaignants.
Une jurisprudence à surveiller
La décision a été accueillie avec nuance par les acteurs du secteur. Keith Kupferschmid, directeur de la Copyright Alliance, a résumé l’équilibre de ce jugement en ces termes :
« Dans certains cas, les entreprises d’intelligence artificielle devraient être satisfaites de la décision, et dans d’autres cas, ce sont les détenteurs de droits d’auteur qui peuvent l’être également. »
Alors que les modèles d’IA générative, comme Claude ou ChatGPT, nécessitent l’absorption de quantités massives de données, la frontière entre innovation technologique et respect de la propriété intellectuelle reste au cœur de débats juridiques mondiaux. Le procès à venir pourrait clarifier davantage les règles du jeu.