Dans Aagan, roman d’Abdel Hakim A. Laleye publié chez LAHA Éditions, le lecteur est immergé dans les profondeurs de la tradition yoruba, entre mystique, trahison, et destin brisé. À travers l’histoire tragique d’Adigoun et de son fils Adeyêmi, l’auteur dévoile les tensions entre pouvoir politique, règles sacrées et rivalités familiales.
Le culte des revenants, Egun-Egun, est ici bien plus qu’un décor : il devient un personnage à part entière, régi par des lois implacables. De la soif de pouvoir d’Adéogoun à la transgression fatale de son fils Adédjo, en passant par la rédemption et la douleur d’Adeyêmi, Aagan explore les conséquences de l’ambition, de la jalousie et des fautes rituelles. Par une langue riche et ancrée dans l’oralité, l’auteur offre un récit foisonnant, à la fois initiatique, culturel et profondément humain.

L’auteur de cette œuvre nous fait voyager au cœur de la tradition Yoruba et des tares qui la gangrènent. Cette tradition repose sur l’un des cultes les plus complexes, renfermant d’énormes propriétés mystiques. Le destin des personnages de cette œuvre tourne autour de cela. Comme le dit l’adage : « Fais du bien ou du mal, tu le fais à toi-même ». Quelle que soit la durée du mensonge, la vérité prendra l’ascenseur un jour.
C’est l’histoire de deux frères : Adigoun et Adéogoun. Le dernier, convoitant tellement le trône ou la position culturelle (Baalè) de son frère, use de toutes sortes de subterfuges mystiques pour lui ôter la vie. Tout ceci avec la complicité de l’ex-ministre Aralamo, ayant déjà une dent contre Adigoun pour l’avoir surpris en flagrant délit de dilapidation des fonds publics, ce qui l’a conduit à la déchéance. Cette haine n’épargne pas non plus l’idylle amoureuse entre Adeyêmi, fils du Baalè, et Odjouola, fille de l’ex-ministre.
Les deux conspirateurs parviennent à éliminer Adigoun puis à usurper à son fils le titre de nouveau Baalè de la communauté en transgressant la décision de l’Oracle. Devenu Baalè, Adéogoun n’hésite pas à vouloir conquérir le cœur des habitants. Il redynamise les festivités du culte Egun-Egun (revenant), encouragé par son fils Adédjo, revenu de la métropole avec deux amis blancs.
Ayant longtemps vécu hors de la communauté, Adédjo avait oublié certaines règles du culte. Poussé par la curiosité de ses amis et sa propre vantardise, il transgresse l’une des lois sacrées en pénétrant dans le couvent et en se revêtant des accoutrements d’un revenant. Ce sacrilège — il n’était pas initié — entraîne sa condamnation à mort. La position de son père ne peut l’épargner. Rongé par le remords, Adéogoun se donne à son tour la mort.
Adeyêmi, héros tragique du roman, apprivoise le Aagan — le plus grand revenant dans la hiérarchie du culte Egun-Egun — mais voit sa joie brisée : sa fiancée s’est suicidée. Elle n’a pas supporté la douleur infligée par Adédjo, qui, avec la complicité de sa sœur Toun, lui a arraché son innocence par le viol. Après tous ces drames, Adeyêmi devient Baalè, conformément à la prédiction de l’Oracle.
Ce roman nous entraîne dans les arcanes de la tradition Yoruba avec ses exigences et croyances. Il nous montre qu’au-delà d’un simple culte ou d’une réjouissance, le Egun-Egun est une réalité sacrée et extraordinaire. Outre le caractère sacré de l’œuvre, l’auteur, à travers une description réussie des lieux et des personnages, nous transporte au cœur de la culture yoruba grâce à l’onomastique, l’art culinaire, les danses et les chants.
Informations bibliographiques
- Œuvre : Aagan
- Auteur : Abdel Hakim A. LALEYE
- Nombre de pages : 179 pages
- Maison d’édition : LAHA Éditions
- Archives : Cadnelle Detchenou, premier compte rendu de l’édition spéciale FILAB challenge #je_lis_chaque_jour