Tous les hommes désirent naturellement savoir : Nina Bouraoui 
Tous les hommes désirent naturellement savoir : Nina Bouraoui 

Tous les hommes désirent naturellement savoir : Nina Bouraoui 

Dans le monde, il existe de ces personnes qui ont dû braver les torrents des critiques afin de se faire accepter dans la société. Ces personnes de par leur approche et manière de voir le monde, sont regardés de travers. Nina Bouraoui nous invite à nous fondre dans la peau de ces personnes afin de faire l’expérience du rejet et de l’indifférence. Publié en 2018 aux Éditions Jean-Claude Lattès, Tous les hommes désirent naturellement savoir est un roman autobiographique. Sur 263 pages, l’auteur conte son enfance mais aussi son histoire avec l’écriture lorsqu’elle atterrit dans les vagues de l’adolescence qui devraient la porter à la maturité.

Présentation de la couverture de l’oeuvre et impressions 

Le roman Tous les hommes désirent naturellement savoir de Nina Bouraoui se présente sur un fond blanc foncé agréable. La première de couverture dévoile l’identité de l’auteur, écrit en rouge. Celui-ci est suivi du titre de l’oeuvre écrit en noir en minuscule, sans oublier le genre de l’oeuvre qui vient juste après. 

Au bas de cette première de couverture, on lit le nom de la maison d’édition et on voit également son logo : une lune. La quatrième de couverture, présente un passage de l’œuvre suivi de quelques commentaires sur l’auteur. 

Tous les hommes désirent naturellement savoir, à travers ce titre il est aisé d’imaginer qu’il peut s’agir de l’histoire d’un homme ou mieux d’un récit, d’une confession que l’auteur aimerait faire à son lecteur. La couleur de la couverture peut exprimer l’état de quiétude de l’auteur mais également son désir de s’épancher, de se faire écouter. 

Résumé du roman Tous les hommes désirent naturellement savoir de Nina Bouraoui

Dans cette œuvre autobiographique, Nina Bouraoui conte son histoire allant de son enfance partagée entre la France et l’Algérie, des discriminations dont elle a été victime à cause de sa personnalité et de ses préférences. Née d’un père algérien et d’une mère française, le climat familial n’a pas été propice à nouer de solides liens avec ses parents. 

Toute son enfance a été solitude et tristesse. Son homosexualité qui s’exprimait depuis son enfance, créa une certaine réticence à son égard. 

D’abord ayant eu du mal à accepter que leurs filles ne soient pas comme toutes les autres, ses parents ont dû affronter les regards et critiques sociaux. Ensuite voyant le cercle d’amis de leur fille se restreindre de plus en plus, ils ont essayé d’être pour elle un support, les amis qu’elle n’a pas eus. 

L’amour qui unissait ses parents, n’a pas su résister aux intempéries du temps. Nina fut déchirée de l’intérieur en voyant son père à un bout du monde et sa mère à l’autre. Elle n’a pas joui de la chaleur familiale. Elle fut confiée, son frère et elle à sa grande mère, une française qui avait du mal à accepter l’époux de sa fille. 

C’est dans cette atmosphère que Nina développa un goût pour la solitude, les ressentiments car n’étant pas acceptée comme elle était. Elle s’installa à Paris où elle devrait vivre sa vie et s’accepter sans se soucier du regard des autres. Sa solitude et sa peur des autres ne s’étant pas pour étant atténuées, elle rencontra des personnes comme elles dans un coin de Paris, au Kat. 

C’est là qu’elle décidera pour une première fois d’explorer son corps et de vivre son homosexualité tout en étant fidèle à sa solitude. Avec Julia, Élu, Laurence, Lizz et bien d’autres elle vécut pleines d’expériences aussi sensationnelles les unes que les autres. Elle accepta l’écriture comme un exutoire, son intimité et seule manière de faire le deuil de ses souvenirs.

Analyse et avis sur le roman Tous les hommes désirent naturellement savoir de Nina Bouraoui

Dans ce roman qui embrasse plusieurs thèmes actuels tels que l’homosexualité, la discrimination, les violences faites aux femmes et bien d’autres, l’auteur invite à reconsidérer l’affirmation de Sartre selon laquelle : « L’enfer, c’est les autres.» Si l’homme ne peut pleinement vivre, s’exprimer et montrer qui il est, son existence selon Nina Bouraoui ne se résume à rien d’autre qu’à un cauchemar. 

Partant de la rivalité des pays tels que l’Algérie et la France, elle nous montre que la discrimination a encore un long chemin à faire dans nos sociétés. Elle nous donne comme un exemple vivant, sa mère une française vivant en Algérie. Elle a supportée les affres et coups de la haine et de la discrimination. 

Nina Bouraoui explique également que la réaction de celui ou celle qui est en état de faiblesse est le silence. Se taire pour regarder, pour endurer. On peut lire cela lorsqu’elle nous décrit l’agression dont a été victime sa mère lorsqu’elle vivait encore en Algérie : « Au souk El Fellah, un homme pose sa main sur le sexe de ma mère. Elle ne réagit pas. » p. 53. 

À force d’endurer et de supporter en silence, les sanglots finissent par éclater jusqu’à ce que naisse le « y en ai marre ». Le déclic qui pousse à ne plus essayer de résister, d’endurer mais plutôt d’hurler sa rage, de déverser sa colère et de changer de chemin. 

Malgré le degré de l’amour qu’un être peut avoir pour un autre ou pour toute chose, il finit tôt ou tard par y résigner au risque de s’étouffer. Nina démontre cela lorsqu’elle rapporte les propos de sa mère qui s’exclame à la page 56 en ces termes : 

« Je n’en peux plus de ce pays »; ou encore lorsqu’elle explique : « Ma mère a besoin de partir, de se quitter, par ses asphyxies.» p.151.

L’homosexualité est encore une attitude, ou mieux un phénomène que de nombreuses ont encore du mal à accepter. Les homosexuels sont souvent regardés de travers, mieux ils sont considérés comme des êtres anormaux. Soulignons que le pire, c’est l’enfant homosexuel. Ce dernier fait comme on le dit souvent en Afrique « fais tomber la honte » sur toute sa famille. 

Mais ce sont surtout ses parents qui endurent la grande partie de la souffrance. Nina Bouraoui nous apprend que l’enfant homosexuel est loin d’être un être anormal. Il est plutôt celui-là qui sort de l’ordinaire et qui doit souffrir de son choix car il aura de plus en plus de mal à être accepté dans la société lorsqu’il grandira. 

Elle affirme : « L’enfant homosexuel n’est pas l’être raté, il est l’être différent, hors norme et à l’intérieur de sa norme à lui, dont il ne comprendra que plus tard qu’elle le distingue des autres, le condamnant au secret, à la honte.» p.61. 

Quand les souffrances et difficultés de la vie rendent les hommes impuissants, ils sont mis à l’épreuve afin de faire l’expérience de leur vie. Les hommes ne souffrent que parce qu’ils vivent. Lorsqu’ils décideront de ne plus souffrir, de ne plus avoir des difficultés à surmonter il faudrait qu’ils soient prêts à être six pieds sous terre. 

C’est-à-dire que dans la souffrance, les épreuves, que l’homme fait l’expérience de son existence.  Jean-Paul Sartre explique bien cela dans son célèbre ouvrage L’ être et le néant, où il nous apprend qu’accepter vivre, c’est accepter tout ce qui découle de cette vie. Pour parler en ses termes, c’est être entièrement responsable

Ce que nous explique ici Nina Bouraoui, soulignons que Blaise Pascal l’avait déjà exprimé lorsqu’il parle du silence dans ces hauts lieux qui lui fait prendre conscience de son impuissance. Nina Bouraoui tout comme ces penseurs nous dira à la page 183 de son roman que : « le danger révèle aux êtres leur rapport à la vie ». 

Dans ce roman, Tous les hommes désirent naturellement savoir, Nina Bouraoui invite à apprendre de nos expériences, à apprendre de la vie. Les souvenirs créent toujours des déchirures dans le cœur des hommes, certains souvenirs sont faciles à oublier mais d’autres sont plus difficiles à oublier. Certains même doivent demeurer, l’on devrait s’en rappeler quotidiennement afin de pleinement faire l’expérience de la vie. 

Pour cela, chacun à sa manière donc d’habiller l’histoire. On peut voir cela dans la multiplicité des versions lorsqu’il s’agit de l’histoire puisque Nina Bouraoui nous apprend une chose : pour ce qui est de l’histoire, chacun y va de sa sensibilité. C’est ce qu’elle nous dévoile lorsqu’elle dit à la page 191: « car la beauté habille la vérité.» 

L’écriture selon plusieurs est l’une des meilleures manières pour oublier, pour se sentir vide, nouveau. De nombreuses personnes parlent du caractère libérateur de l’écriture. Nina Bouraoui a une toute autre version de cela. Car si l’écriture permet de se libérer de ce qui nous hante, elle ne nous libère pas pour autant. 

Elle réduit juste la réalité des événements mais la douleur, la nostalgie, les peines sont omniprésentes. C’est bien cela que nous dit Nina Bouraoui lorsqu’elle affirme à la page 214 : « L’écriture n’apaise pas, c’est le feu sur le feu.» 

Le roman Tous les hommes désirent naturellement savoir de Nina Bouraoui est composé de cent trente-trois chapitres courts mais plein d’émotions et de leçons. Étant un roman autobiographique, les chapitres sont intitulés : Se Souvenir, Devenir, Être, Savoir. L’ouvrage est écrit dans un langage clair et accessible à tous. 

Le langage poétique, plein d’images et de descriptions saisissantes rendent la lecture plus agréable et amusante. Le caractère très court des chapitres donnent parfois l’impression qu’il s’agit de poèmes en prose. Ce style d’écriture de l’auteure rend son œuvre unique et attirante. 

Portée de l’oeuvre

Ce roman de Nina Bouraoui a une haute portée éducative en ce sens qu’il redéfinit le devoir des parents qui est d’accompagner leurs enfants et de les soutenir dans leurs différents choix. Ce roman se veut comme un cri de cœur de toutes ces personnes que l’on voit différemment dans nos sociétés. 

Il nous invite à l’unité, au respect de l’autre et à l’acceptation de soi car c’est seulement en s’acceptant qu’on a la force de vaincre ses démons intérieurs. Et les êtres humains étant libres, chacun a le droit d’opter pour ce qui lui plaît à condition que cela ne menace pas la liberté des autres. 

Nina Bouraoui nous apprend que l’acceptation et le dialogue doivent être le pilier de toutes les relations humaines.

Bref aperçu de l’auteur

Nina Bouraoui est née le 31 juillet 1967 à Rennes. Elle est romancière et parolière française. Auteure de nombreux romans au nombre desquels:

– La Voyageuse interdite (1991)

– Garçon manqué (2000)

– La Vie heureuse (2002)

– Mes mauvaises pensées ( 2005)

– Nos baisers sont des adieux (2010)…

Régis M. HANTAN, chroniqueur à L’ivre du livre

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